Voici un sujet dont je n’ai pas parlé depuis longtemps : comment,
dans le bouddhisme, gérons-nous les obsessions et les dépendances ? Quels
sont les moyens habiles pour les surmonter et nous en libérer ? Le bouddhisme
a des méthodes très efficaces pour nous apprendre à entraîner l’esprit et nous
permettre de le libérer des « pollutions » qui l’obscurcissent et qui
ne créent aucun bonheur — ni pour nous ni pour les autres.
Je ne parle pas que de la cigarette ou de l’alcool mais aussi de
la manière dont nous parlons à ceux que nous aimons, de notre comportement dans
notre famille ou au travail, et même de nos schémas habituels de pensée. Certains
de nos comportements obsessionnels peuvent causer beaucoup de souffrance aux
autres et cela mérite de chercher une solution et d’apprendre à les gérer pour devenir
quelqu’un qui est en paix avec lui-même, qui vit dans la joie et qui a peu de
problèmes — et non quelqu’un qui crée des problèmes aux autres —, pour
devenir bon envers soi et envers les autres. La fin du chemin, c’est quand nous
trouvons le moyen de nous libérer de nos obsessions et de nos dépendances.
Le bouddhisme connaît de bons résultats dans ce domaine. Il permet
de mettre fin à cette voie sans issue qu’est l’accoutumance car il comprend les
relations de cause à effet qui régissent notre esprit et il considère que l’esprit
est un processus. L’image de la voie sans issue montre bien comment nous nous
enfermons dans nos comportements ; comprendre cela c’est voir d’où viennent
nos dépendances et comment nous en libérer. L’une des grandes pratiques du bouddhisme
consiste à développer l’attention (1), c’est-à-dire être pleinement conscient du
fonctionnement de l’esprit. Si nous éclairons notre esprit, nous découvrirons notre
processus de pensée et notre manière de réagir aux situations, et nous
comprendrons son fonctionnement. Le simple fait d’éclairer notre esprit par l’attention
est une aide énorme pour surmonter nos dépendances. Nous voyons comment l’esprit
fonctionne, tous ses processus : l’origine des pensées, les réponses
émotionnelles dans lesquelles nous nous engluons encore et encore, les mêmes
vieilles habitudes et réactions aux difficultés de la vie. Quelle que soit
notre manière de réagir — par l’alcool, la drogue, la colère ou les paroles
dures envers nos proches — nous voyons comment tout le processus se met en
place. Voir les choses apparaître, voir que notre esprit réagit toujours de la
même manière aux mêmes stimuli, permet de détourner le cours de nos réactions
habituelles. Les habitudes de pensée, de réaction, de parole et d’action ne
nous conduiront pas au bonheur. Cette merveilleuse pratique de l’Attention nous
permet de reconnaître tous ces processus automatiques et nous aide à les
surmonter. C’est comme si nous étions dans une pièce avec une seule porte et que
nos vieilles habitudes nous obligent à toujours passer par cette porte qui
débouche sur le même endroit déplaisant. Avec la pratique de l’attention, on
voit une seconde porte et même plusieurs autres portes : on a d’autres
choix, d’autres opportunités pour gérer les dépendances.
On peut mettre cela en pratique dans les petites choses de la
vie quotidienne. Comme je le dis souvent, un bon exercice pour pratiquer l’attention
consiste à faire les petites choses d’une manière différente. Par exemple, quand
vous venez méditer ici, asseyez-vous à des endroits différents, ne rentrez pas
par la même porte — il y a trois portes dans cette salle ! [N’allez pas
croire que je suis un hypocrite parce que, moi, je n’ai pas le choix : je
dois m’assoir sur cette chaise et passer par cette porte ! (Rires)] Quand on fait les choses de
différentes manières, on a plus d’énergie, on est plus vivant ; et quand
on se perd dans ses habitudes, on meurt. Doucement, la qualité d’attention
disparaît. Ceux qui sombrent dans la routine laissent dépérir leur esprit, cela
peut s’apparenter à la maladie d’Alzheimer ; c’est pourquoi je vous recommande
de ne pas vous perdre.
Vous regardez toujours les mêmes vieux films, les mêmes séries télévisées.
Vous venez tous les vendredis soir dans la même association bouddhiste (Rires). Mettez un peu de folie dans
votre vie ! Pensez autrement ! Quand je dirige une retraite de
méditation, je mets toujours l’accent sur l’Attention pour que les participants
fassent les choses légèrement différemment. Par exemple, quand vous pratiquez la
méditation de l’attention au souffle, vous pouvez respirer à l’envers. C’est
une méthode que je trouve très efficace. Savez-vous en quoi consiste cette
technique de « respiration à l’envers »? Cela veut dire que vous expirez
d’abord et inspirez ensuite. Quand on respire, on commence toujours par
l’inspiration ; alors là, on essaie de faire différemment : on
commence avec l’expiration. Logiquement c’est la même chose mais, en réalité,
il y a une légère différence : cela rend la respiration plus vivante, plus
fraîche, plus alerte.
Le matin, de quel pied vous levez-vous ? Quand vous vous brossez
les dents, de quel côté commencez-vous ? Je vous donne un petit exercice :
chaque jour, changez l’endroit où vous commencez à vous brosser les
dents : en haut, en bas, à droite, à gauche … Une simple chose comme se
brosser les dents devient plus stimulante. On est plus présent, plus conscient
de ce qui se passe. Ce petit exercice vous aide à être plus attentif aux
processus de la vie. Si vous réagissez toujours de la même manière, en
particulier avec vos proches, de manière complètement prévisible, la qualité de
vos relations va s’appauvrir et finir par dépérir — y compris la relation que
vous entretenez avec vous-même. Vous devenez un robot ; vous n’êtes plus
vivant.
Les gens disent toujours les mêmes choses :
« Bonjour ! Bonne journée ! » On m’a raconté une petite
histoire qui se passe aux Etats Unis. Quelqu’un dit à son voisin :
« Je vous souhaite une bonne journée » et l’autre répond :
« J’ai d’autres projets ! » (Rires).
C’est une très belle réponse ! Ayez d’autres projets, soyez attentifs,
soyez vivants.
C’est cette merveille de l’Attention — à nos pensées, à notre
cœur, à notre vie — qui nous donne plus d’options. Il y a des centaines de
sièges où s’assoir et non pas un seul ; il y a des centaines de manières
de se brosser les dents et non pas une seule. Nous avons toujours la même réaction
aux paroles de nos proches ou aux difficultés de la vie, mais nous pouvons
trouver d’autres réponses. Nous découvrons qu’il y a de nouveaux boutons où
appuyer et que ceux-ci vont déclencher de nouvelles réponses. Nous avons même
des boutons secrets. Nous sommes capables d’innover en nous adaptant aux
situations mais, si nous restons prévisibles, les autres nous maintiennent sous
leur contrôle et c’est précisément cela qui nous rend malheureux. Si quelqu’un
tente de vous énerver en vous disant : « Espèce d’idiot ! » et
que vous lui répondez : « Oui, c’est vrai. Je suis idiot »,
cette réponse inattendue le déstabilise.
Ce que j’essaie de vous faire comprendre, c’est qu’il y a
d’autres réponses possibles à la réponse habituelle d’énervement qui vous tient
en esclavage. Vous êtes entièrement sous le contrôle de vos obsessions et de
vos habitudes. En mettant fin à vos dépendances, vous découvrez une grande paix,
vous découvrez qu’en ne réagissant pas toujours de la même manière aux stimuli
extérieurs, vous êtes libre de répondre autrement.
Si, en étant attentif, vous devenez conscient du processus qui
apparaît — et en particulier du commencement de ce processus — il est facile de
le stopper. C’est comme avec l’autoroute : une fois engagé sur
l’autoroute, vous êtes obligé de parcourir de nombreux kilomètres avant de
pouvoir en ressortir. Alors, n’entrez pas sur l’autoroute de vos dépendances, de
vos obsessions, de la colère sinon vous en serez prisonnier. Il est plus facile
d’arrêter un processus à son début : par exemple, il est très facile
d’arracher une jeune pousse mais beaucoup difficile, quelques années plus tard,
d’arracher un arbre. Il en va de même pour nos habitudes : nous les gérons
facilement si nous parvenons à les arrêter rapidement. J’ai connu un moine qui
faisait des crises d’épilepsie suite à une blessure pendant la guerre du
Vietnam. Comme il était très attentif, il reconnaissait tout de suite quand une
crise arrivait et cela lui permettait de la surmonter facilement — il n’ouvrait
pas la porte de la maladie mais d’autres portes.
Quelles que soient nos dépendances : alcool, drogue, tabac
ou comportement nuisible, nous pouvons voir
ce qui va arriver. L’attention reconnaît
ce chemin que nous avons déjà emprunté et nous dit : « Stop ! »
Nous devenons conscients du danger qu’il y a à toujours suivre nos
comportements de dépendance, conscients du mal que nous faisons aux autres
comme à nous-mêmes. Gardons cela présent à l’esprit !
J’aime bien utiliser la parabole du serpent. Quand j’étais jeune
moine en Thaïlande, il y avait beaucoup de serpents dans la jungle où se
trouvait notre monastère et, un jour, j’ai marché sur l’un d’eux. Je ne vous le
recommande pas ! (Rires) Le
matin, je devais traverser la jungle pour me rendre au grand hall du monastère
et, un jour, ce que j’ai pris pour une branche, dans la pénombre de l’aube,
était un serpent. Quand j’ai posé le pied dessus, il a bougé, et je vous assure
que j’ai fait un grand bond en arrière. Je lui ai présenté mes excuses et il
est parti sans m’en tenir rigueur. A mon arrivée en Thaïlande, j’ai été mis en
garde : il y a une centaine d’espèces de serpents ici ; quatre-vingt-dix-neuf
sont venimeuses et celle qui reste vous étrangle à mort (Rires). Donc, matin et soir, nous marchions dans la jungle, dans la
pénombre, sachant qu’il y avait autour de nous des centaines de serpents très
dangereux. En cas de morsure, cela aurait été très délicat : nous n’avions
pas le téléphone et l’hôpital le plus proche se trouvait trop loin. Voici donc
ma parabole du serpent : à cause de ce danger permanent, nous étions
obligés d’être extrêmement attentifs. Impossible de retourner à ma hutte, le
soir, en toute insouciance ; mon attention était concentrée sur le chemin
et sur le danger. Pendant toutes ces années, je n’ai jamais été mordu. J’étais
en pleine conscience, alerte, très attentif et, si je voyais un serpent, je sautais
par dessus ou je faisais un détour quand c’était possible.
Si vous êtes conscient que vos dépendances sont un danger — que
ce soit l’alcool, la colère ou la dépression — si vous y êtes attentif, vous
pouvez les éviter, « sauter par-dessus », et elles ne pourront plus
vous rattraper, vous dominer. Si vous prenez un verre d’alcool, vous en buvez
un deuxième, puis un troisième, un quatrième … Certaines personnes me disent :
« Ce n’est pas grave de boire un verre ! » Je leur réponds que les
petits feux brûlent autant que les grands : si vous allumez une allumette sous
votre doigt, cela brûle. Même un petit verre d’alcool vous rend moins attentif,
vous êtes moins alerte, moins centré … et vous buvez un second verre !
Comme le dit un vieux dicton Australien : « L’alcool vous rend fou,
vous met en colère ; l’alcool peut vous donner envie de tuer votre femme,
mais l’alcool vous fait aussi rater votre tir. » (Rires). J’admets que ce n’est pas une belle histoire bouddhiste
mais j’aime bien plaisanter un peu avec vous !
L’Attention permet de reconnaître que tout cela est un danger, de
voir ce désir insatiable monter … et de tout arrêter ! Il en va de même
pour la colère, comment pouvez-vous vivre avec vos parents, vos enfants, vos
proches, en étant constamment dans l’irritation et dans le sentiment de
culpabilité qui suit toujours ces moments de colère ? En étant attentif,
vous voyez tous ces processus de colère et d’irritation se mettre en place. Vous
ne voulez plus de ces états négatifs, vous voulez vivre en paix et vous voyez
le serpent de la colère devant vous. Ici, au monastère, il n’y a pas de colère ;
nous nous parlons gentiment, nous nous entraînons à la gentillesse, à voir le
serpent (le danger potentiel) dans nos actes et nos paroles.
Le plus simple, c’est de se tenir éloigné de la cause de nos dépendances :
n’ayez pas d’alcool ou de cigarette à la maison et restez à distance de ce qui
vous irrite. Plutôt que de crier sur votre mari ou votre femme, allez dans
votre chambre ou, mieux encore, venez ici au centre bouddhiste ! Je me
rappelle cet homme, en Thaïlande, qui m’avait demandé s’il pouvait rester
quelques jours au monastère, non pas pour étudier le bouddhisme ou méditer mais
parce qu’il voulait prendre un peu de recul après s’être disputé avec sa femme.
Après quelques jours, il m’a demandé l’autorisation de rentrer chez lui et il a
ajouté : « Maintenant je me sens calme et ma femme me manque. » Quelle
merveilleuse façon d’agir, plutôt qu’aller au pub ou faire des bêtises avec ses
amis ! Si vous êtes énervé ou en colère, cherchez un lieu calme pour vous
éloigner de la cause de cette irritation. Se tenir à l’écart de ce qui
déclenche les schémas habituels de comportement, est une manière très habile
d’agir. De loin, nous avons une meilleure compréhension de la situation. Un
vieux dicton chinois dit : « Aimez le tigre mais à distance ». Il
n’est pas possible de caresser un tigre, c’est beaucoup trop dangereux mais, de
loin, vous pouvez l’aimer — vous pouvez changer d’attitude. Il n’est pas
toujours facile de gérer une personne qui est toujours agressive ou qui vous énerve
quotidiennement si vous en êtes trop proche, alors donnez-vous de la distance,
donnez-vous plus d’opportunités de voir les choses différemment. Aimez le tigre
à distance. Etre trop proche ne provoque que la peur.
Le bouddhisme utilise la parabole de la main pour illustrer
cela : si vous mettez une main devant vos yeux, vous ne voyez rien d’autre,
tout le reste est occulté simplement parce qu’elle est trop près de vos yeux.
Le problème ne vient pas de la main mais de l’endroit où elle se trouve. Si je
l’éloigne de mes yeux, je vois ma main mais je vous vois vous aussi, ainsi que
cette salle ; j’ai une vision plus large de la situation. De même, lors
d’une séparation, d’un décès ou d’une maladie, nous ne voyons rien d’autre et
nous ne réagissons pas de la bonne manière. Nous sommes incapables de voir
au-delà de ce qui nous afflige mais le monde est beaucoup plus vaste que ce
seul chagrin et d’autres personnes s’intéressent certainement à nous.
Aimez le tigre à distance, regardez votre main mais au bout de
votre bras, changez de perspective, éloignez-vous de la source du conflit !
Si vous mettez votre cancer au premier plan, il devient un gros problème mais
si vous l’éloignez, comme la main au bout du bras, vous voyez que vous n’êtes
pas que le cancer, qu’il n’est qu’une partie de votre vie. Et puis si vous mourez,
vous allez peut-être renaître avec un meilleur corps, qui sait ? C’est
comme moi, avec ce corps qui vieillit — ce serait l’occasion de changer de
modèle ! (Rires) La mort n’est
qu’une partie de la vie ; il n’y a rien d’anormal à mourir. Quand quelque
chose se passe mal dans votre vie, il y a beaucoup d’autres choses qui se
passent bien. Des naissances, des morts … cela arrive tout le temps.
Si vous vous tenez éloigné de la source de vos problèmes, vous pouvez
agir différemment, vous avez plus d’opportunités, plus de solutions s’offrent à
vous. L’attention vous aide à trouver des alternatives, votre vision s’élargit.
Cet homme qui est venu au monastère quand il avait des problèmes avec sa femme,
s’est donné l’occasion de se tenir à distance de son problème, d’avoir une
vision plus sage et de ne pas réagir de manière habituelle.
L’amour bienveillant est un autre moyen de gérer nos schémas
habituels de comportement car ils sont, pour la plupart, une sorte
d’autodestruction. Nous buvons tout en sachant que cela nous détruit —
pourquoi ? Nous restons dans la douleur de la perte d’un proche, nous nous
refusons le droit d’être libres, d’être heureux, d’être en paix —
pourquoi ? En tant que bouddhiste et méditant, je vois très clairement que
les gens ont peur du bonheur. Ils ne veulent pas êtes heureux ni trouver des
solutions à leurs problèmes, ils ne veulent pas se libérer de leurs accoutumances.
Les gens ne s’aiment pas, ils pensent ne pas mériter d’amour à cause d’une mauvaise
action, d’une culpabilité ou d’une erreur du passé. Au fond de leur cœur, ils
se disent : « Je ne mérite pas d’être heureux après tout ce que j’ai
fait ; je mérite une punition, je suis coupable. » Ce sentiment de
culpabilité, au plus profond de notre inconscient, est le creuset de la plupart
de nos schémas négatifs d’habitudes.
Pour installer l’amour bienveillant dans notre vie, il faut
commencer par ne pas se sentir coupable, ne pas être malheureux, ne pas avoir ce
sentiment d’autopunition causé par nos mauvaises habitudes, ne pas se dire :
« Je suis un alcoolique donc je suis mauvais, je me sens coupable et je
bois encore plus. » Ou bien : « J’ai commis de mauvaises
actions, je ne suis pas heureux, je suis en colère contre moi-même, je rends
les autres malheureux et cela me désole encore plus. » Nous sommes en
manque d’estime pour nous-mêmes, piégés dans ces cycles d’auto-mortification où
la culpabilité entraine le désespoir et le malheur. Le manque de bonheur
intérieur est l’un des plus grands problèmes de l’humanité.
Je ne suis ni orgueilleux ni fier, je ne me sens ni meilleur ni
pire que les autres, mais j’ai de l’estime pour moi-même, je suis en paix. Le
bouddhisme parle de trois formes de vanité : se sentir meilleur que les autres,
égal aux autres ou pire que les autres. Remarquez que cette troisième option
est aussi considérée comme de la vanité. Mais se comparer aux autres n’apporte
rien. Libérez-vous plutôt du jugement qui est à la racine de la culpabilité. L’amour
bienveillant rend les choses plus faciles pour surmonter vos schémas habituels
de comportement négatif. Donnez de la gentillesse, donnez de l’amour aux autres
mais aussi à vous-même !
Comme je vous l’ai dit de nombreuses fois, aimer c’est pouvoir
dire : « La porte de mon cœur est ouverte. Peu importe ce que je
fais, peu importe qui je suis, même si je suis un alcoolique ou si je prends de
la drogue, même si j’ai commis des actes terribles, la porte de mon cœur reste
toujours ouverte. Je peux être en paix, je peux m’aimer malgré tous ces actes ».
C’est le début du processus de réhabilitation. Vous agissez au niveau de
l’inconscient sur les causes de l’auto-mortification, vous acceptez pleinement
d’être comme vous êtes et en paix.
Cet amour bienveillant, c’est metta,
l’amour bouddhiste, dont l’importance est tellement grande
que nous en parlons continuellement dans tous les enseignements. On
l’appelle
aussi le lâcher prise : vous laissez les choses être
ce qu’elles sont au
lieu d’essayer de les changer. C’est l’acceptation,
l’amour. Vous ne pouvez pas
exiger de vous-même la perfection pour vous autoriser à
trouver la paix — vous
serez mort avant ! Soyez en paix au milieu de vos imperfections,
aimez les
autres malgré leurs défauts, soyez capable d’aimer
quelqu’un de très mauvais parce
que l’amour est l’antidote du mal, c’est la voie de
la guérison. Combien
d’histoires ai-je entendu sur des personnes qui, ayant
reçu de l’amour, de la
gentillesse, de l’acceptation, ont réussi à
surmonter leurs comportements
destructifs. Je connais des personnes ayant commis des crimes terribles
qui,
après avoir reçu l’amour d’un frère,
d’un père ou d’une mère, n’ont plus
jamais
commis d’actes négatifs.
C’est le pouvoir de la bonté et de l’amour qui va nous aider à
surmonter nos obsessions. Agissez différemment, au lieu de vous haïr pour vos
dépendances et vos mauvaises actions. Ayez le courage de vous dire :
« Malgré tous mes comportements négatifs, malgré mes obsessions, je
m’ouvre la porte de mon cœur ». Vous serez surpris de voir comme il
devient alors facile de surmonter vos schémas habituels grâce à l’amour et au
pardon ! Il n’y a plus de raison de vous auto-punir, les causes ont disparu.
Ouvrez la porte et la voie de la paix s’ouvre à vous. Nous construisons notre
propre prison, nous sommes les propriétaires de notre Karma, personne d’autre
ne nous enferme ou ne nous puni, seulement nous. Avec l’amour bienveillant, metta, vous allez apprivoiser vos accoutumances,
votre tigre intérieur. Lâchez prise, soyez en paix avec vous-même et la racine
de vos maux va disparaître.
Les gens sont en colère après les autres parce qu’ils ne
s’aiment pas, ils ne sont pas en paix. Les grands moines et nonnes que j’ai
rencontrés ne s’énervent jamais, ne sont jamais en colère, quoi qu’on leur
dise, parce qu’ils sont en paix avec eux-mêmes. Avec l’acceptation de vous-même
et l’amour de vous-même, vous devenez très tolérant avec les autres, en paix. Les
comportements destructifs disparaissent. Observez vos dépendances au lieu de
les suivre machinalement. Répétez-vous sans cesse, pour bien comprendre le sens
de ces paroles : « La porte de mon cœur est ouverte, peu importe ce
que j’ai fait, peu importe qui je suis, l’amour coule, inconditionnel. » Si
vous savez vous aimer, vous savez aimer les autres. Ainsi vos comportements
négatifs vont s’arrêter.
Quand
on arrive à stopper une dépendance, on commence à
se
sentir fort et libre. Quand j’étais étudiant, un
jour j’ai décidé d’arrêter de
boire de l’alcool. J’ai ressenti une grande énergie
en moi pendant tout le week-end
parce que j’avais pris ma vie en main, j’étais
devenu capable de ne pas faire
ce qui était mauvais pour moi. Vous avez le pouvoir de
décider de votre vie, de
votre bonheur. En abandonnant un comportement négatif, vous avez
l’énergie et
la méthode pour abandonner les autres accoutumances. Vous
découvrez cette force
comme une forme de liberté.
Vous êtes sous le contrôle de vos obsessions tyranniques qui
blessent les autres et vous-même. Pourquoi buvez-vous ? Pourquoi prenez-vous
de la drogue ? Tout cela coûte très cher. Vous devriez boire du thé et
nous faire don de la différence (Rires).
Ne buvez pas d’alcool, ne consommez pas de drogue, ne regardez pas ces stupides
feuilletons à la télévision ! Ne faites pas tout cela et vous
trouverez une grande liberté.
Certaines personnes ne viennent pas, le vendredi soir, pour
aller voir un concert ou ne pas rater une émission de
télévision — ils ne sont
pas libres. Si vous surmontez vos schémas habituels de
fonctionnement, vous n’êtes plus dans un comportement
automatique,
vous avez le choix de faire ou de ne pas faire, vous n’êtes
plus victime de vos
habitudes, vous devenez une personne incroyablement libre et non plus
prévisible. On peut vous traiter de cochon et vous
répondez : « Rrrr
Rrrr » (Rires) Vous en jouez !
Pas besoin de vous mettre en colère. Vous vivez libéré des choses nuisibles.
Rappelez-vous ces trois méthodes très simples pour surmonter les
habitudes néfastes :
1/ l’attention vous
donne l’opportunité de faire d’autres choix,
2/ l’amour bienveillant vous
libère de la culpabilité,
3/ la parabole du serpent
vous aide à mieux analyser les difficultés.
Finalement vous pourrez
aussi vous libérer des habitudes les plus banales telles que la rancœur ou le
jugement. Nous critiquons tout le temps les autres : « Tu n’as pas
fait ceci, tu n’as pas fait cela ! » C’est un comportement négatif
qui ne rend pas le monde heureux. Combien de fois avons-nous remercié quelqu’un ?
Vous rappelez-vous avoir remercié votre femme ou votre mari d’être un bon
compagnon, lui avoir dit que vous l’appréciez. ? Changez, devenez libre, devenez
heureux et vous ferez votre propre louange pour tous les efforts et le bien que
vous aurez fait. Soyez dans l’énergie positive du bien et de l’amour. Quittez
la prison de vos habitudes et de la souffrance. Servez la communauté en
accroissant le bonheur de votre pays. Le roi du Bhoutan, l’un des pays les plus
pauvres au monde, au lieu d’essayer d’accroître le PIB de son pays comme nous
le ferions en Occident, a lancé un programme pour améliorer le bonheur national
et c’est l’une des priorités du gouvernement : créer l’économie du bonheur
… Très peu de pays ont de telles ambitions !
C’est le sens de la vie : accroître votre bonheur, celui
des autres, de votre pays et de la planète. C’est ainsi que l’on se libère de
ses obsessions. Alors n’hésitez plus ! Allez-y ! (en anglais
« Just do it ! ») … Le discours de ce soir est sponsorisé par
une grande marque de chaussures « Just do it ». (Rires)
(1) Les Anglais utilisent les mots mindfulness ou awareness pour traduire le mot pāli sati. En français, nous utilisons les mots « attention » ou
« pleine conscience ».
Voici la définition qu’en donne Michel-Henri Dufour dans Le dictionnaire Pāli-Français du bouddhisme
originel aux Editions des 3 Monts, 1998 :
Sati : Vigilance, attention, lucidité.
Ce qui surveille, enregistre les différents
facteurs surgissant dans la méditation.
Etat d’esprit sans distraction. Pleine possession de soi. Présence,
totale appréhension de l’« ici et maintenant ». Mémoire, souvenir,
remémoration (des caractéristiques des phénomènes) indissociablement liés à sampajañña, la claire compréhension.