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(Récitation en pāli)
Chers amis, vous entendez ces textes en pāli et vous vous demandez peut-être si je vais continuer dans cette langue ! Non, mais c’est la façon traditionnelle de commencer un enseignement dans la tradition bouddhiste Theravada. Nous commençons par inviter les deva à venir écouter le Dhamma ; ensuite nous rendons hommage au Bouddha et puis nous récitons un texte sur un thème donné. Telles sont les trois étapes que nous suivons normalement avant de dispenser un enseignement formel.
C’est une très bonne chose d’inviter les deva en ce début de XXIème siècle. En effet, à cause de notre technologie, de notre philosophie, et de toutes les idées avec lesquelles nous vivons, nous avons chassé tous les deva de notre monde. C’est pourquoi le monde est surchargé de problèmes. Alors nous invitons les deva à revenir et à prendre soin des problèmes de notre monde. C’est une chose en laquelle nous croyons beaucoup.
Dans l’enseignement que je vais donner aujourd’hui, il n’y aura pas de place pour des questions mais si vous en avez, notez-les mentalement ou sur un papier et vous pourrez les poser les jours où nous aurons des sessions de questions-réponses.
Je voudrais commencer par évoquer une comparaison que le Bouddha a faite. Il s’agit d’une ville et cette ville a un maire — aujourd’hui nous dirions « un maire » mais autrefois on disait « le Seigneur de la cité ». Le maire est assis à un carrefour, au centre de la ville. Cette ville a six portes auxquelles sont postés des gardes. A chacune de ces portes arrivent deux messagers venus voir le maire et chacun lui apporte un message. Les messagers viennent de toutes les directions — de l’est, du nord, de l’ouest et du sud. Donc chaque paire de messagers arrive à une porte et se trouve face à un garde. Là, tous deux demandent où se trouve le maire.
De son côté, le garde est intelligent et très bien entraîné, c’est un homme habile et plein de discernement, capable de distinguer qui il peut envoyer jusqu’au maire et à qui il doit refuser l’accès. Quand une personne lui paraît douteuse ou mal intentionnée, le garde la renvoie. Quand une autre lui paraît être porteuse de bonnes choses pour la ville comme pour le maire, une personne serviable et utile pour tous, le garde la laisse entrer et lui montre où trouver le maire.
La même scène se reproduit à chacune des six portes de la ville. Finalement chaque paire de messagers arrive jusqu’au maire, lui transmet son message et puis tous repartent par où ils sont venus. Le maire, ayant reçu les deux messages d’égale importance de la part de chaque paire de messagers, les met en œuvre et parvient ainsi à se libérer lui-même, ainsi que la ville, de tout souci.
Le Bouddha a donné cette image pour expliquer la pratique de la méditation. Les deux messagers sont samatha et vipassanā, c’est-à-dire la méditation de la tranquillité et la méditation de la vision pénétrante. Les six portes de la ville sont nos six sens. La ville est notre corps. Le maire, le seigneur du lieu assis au carrefour, est notre conscience. Essayons maintenant de comprendre tout le sens de cette comparaison.
Une ville se compose de plusieurs éléments : elle est entourée de remparts (du moins à l’époque), elle a des rues, des maisons et des habitants — ce n’est pas une ville morte : elle vit, elle est très dynamique … tout comme notre corps avec sa conscience. C’est la conscience qui se trouve au centre de ce corps, tout comme le maire se trouve au carrefour du centre de la ville. Comme la ville habitée par des êtres vivants, le corps se compose de toutes sortes d’êtres vivants et de choses non vivantes. Les êtres vivants sont, par exemple, les plus minuscules parcelles de notre corps qui sont bien vivantes et actives en permanence. Nous pouvons donc dire très justement que ce corps est un corps vivant avec des millions d’éléments vivants à l’intérieur. Chaque cellule de notre corps est vivante et chaque cellule vivante est aussi en train de mourir. Il n’existe pas de cellule qui vive éternellement ; toute cellule doit mourir pour que de nouvelles cellules puissent apparaître. Comme dans la ville : elle est habitée par beaucoup d’êtres humains, d’animaux, etc. qui sont tous actifs et qui participent tous à la vie de la cité.
Quant aux messagers — la tranquillité et la vision pénétrante — ils arrivent ensemble, ce qui signifie qu’ils sont d’importance égale. De nos jours on entend les gens parler de samatha et de vipassanā comme s’il s’agissait de deux écoles différentes. On fait une distinction entre les deux. Certains sont tellement férus de vipassanā qu’ils laissent entendre que la concentration de samatha est totalement inutile.
Quand le Bouddha a enseigné la méditation, il n’a jamais enseigné deux systèmes de méditation séparés parce que les deux fonctionnent toujours ensemble. Vous pouvez alors vous demander : « Comment les distinguer l’un de l’autre dans ce cas ? Qu’est-ce qui relève de la concentration et qu’est-ce qui relève de la vision pénétrante ? » S’il faut vraiment les distinguer, disons que samatha, la méditation de la tranquillité, permet de développer tout particulièrement la concentration. Si cette concentration est poussée à un très haut niveau, elle prend un nom différent du fait de la qualité de puissance qu’elle génère. Ce nom est jhāna.
Entre parenthèses, j’ajouterai, puisque cette retraite a lieu dans un centre de méditation zen, que le mot « zen » vient de cette racine jhāna — en sanskrit dhyāna, en chinois chan et en japonais zen. Dans la méditation zen, il est entendu que les personnes concentrent leur esprit sur un unique objet, de façon à obtenir une concentration très forte, très profonde. Si vous vous souvenez du Noble Octuple Sentier enseigné par le Bouddha, la dernière étape du sentier s’appelle « la concentration juste », samādhi, et cela se définit en termes de jhāna. En conséquence, jhāna est en quelque sorte l’aboutissement de la méditation.
L’autre aspect de la méditation s’appelle méditation de l’attention ou de la vision pénétrante. Celle-ci correspond à la septième étape de l’Octuple Sentier. On travaille cette méditation, on la développe pour voir l’impermanence, l’insatisfaction et le non-soi des cinq agrégats.
Mais le développement de l’attention ne prend tout son sens que lorsqu’il se combine avec la concentration, de même que la concentration ne peut se développer qu’à travers la pratique de l’attention. Donc ce dont on entend toujours parler — la méditation de l’attention, la méditation de la vision pénétrante, vipassanā — ce sont des mots que nous utilisons mais il est bien entendu que cette forme de méditation n’est pas dépourvue de concentration.
Pour en revenir à notre comparaison, le Bouddha a dit que les deux messagers qui arrivent par chacune des six portes sont la méditation de la tranquillité et la méditation de la vision pénétrante et qu’ils viennent ensemble pour apporter un message de liberté.
Le gardien de chaque porte, extrêmement attentif et vigilant, représente sati sampajañña autrement dit l’attention doublée d’une claire compréhension des choses. L’attention filtre, l’attention distingue ce qui est bénéfique de ce qui ne l’est pas. Ensuite elle ne laisse pas ce qui est bénéfique s’éloigner ; elle l’invite à entrer, elle l’accepte. L’attention est donc ce qui permet de faire la différence entre le vrai et le faux.
Quant aux six portes de la ville, elles correspondent aux yeux, aux oreilles, au nez, à la langue, au corps et à l’esprit. La méditation de l’attention implique la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher et la pensée. Quoi qu’il se produise au niveau de ces sens, c’est là que se situe notre terrain de pratique de l’attention. En général les méditants vipassanā se disent : « On s’assoit sur un coussin, on observe la respiration et voilà tout ce qu’il y a à faire pour pratiquer vipassanā. » Il est vrai que l’on commence par s’asseoir sur un coussin et par observer sa respiration, comme je l’ai dit ce matin, mais ce n’est pas tout. Ce n’est qu’une partie de la méditation de l’attention. Cette pratique est en réalité très dynamique et elle inclut tout. Tout ce que nous voyons, entendons, sentons, goûtons, touchons et pensons devient objet de méditation. En vérité, toutes ces choses que nous voyons, entendons, sentons, goûtons, touchons et pensons, sont marquées par les mêmes caractéristiques. Normalement, quand nous voyons un objet, nous nous laissons happer par son apparence extérieure mais le seigneur de la cité ne reçoit pas ce message-là — cela signifie que la conscience devrait recevoir le réel message de ce que nous voyons. Et quelle est cette réalité, cette vérité ? C’est que, quoi que nous voyions, cette chose que nous voyons n’est pas permanente.
En d’autres termes, ce que nous avons vu disparaît immédiatement. Pour rafraîchir la conscience de ce que nous avons vu, il faut voir cette chose à nouveau. Les images qui pénètrent notre esprit par les yeux ne restent pas dans l’esprit. Dès que nous fermons les yeux, l’image disparaît complètement et il faut les rouvrir pour que l’image réapparaisse. Tant que nous fixons le regard sur l’objet, celui-ci engendre de plus en plus d’images dans la conscience mais dès que nous fermons les yeux, les images cessent de pénétrer dans la conscience. Tout ce qu’il reste, c’est un petit souvenir de l’image et, au fil du temps, ce souvenir lui-même va s’estomper peu à peu. Cela revient à dire que ce que nous voyons est impermanent.
Les objets extérieurs sont eux aussi impermanents mais nous ne le voyons pas aussi clairement. Par exemple, on pense à quelqu’un que l’on a connu il y a longtemps et quand on le revoit des années plus tard, on se dit : « Je suppose que c’est lui mais comme il a changé ! » A une certaine époque, quand je vivais à Washington, j’étais très gros et ma tête était ronde comme un ballon de football ! Quelqu’un qui m’avait connu à cette époque est venu me rendre visite quinze ou vingt ans plus tard. Entre-temps mes cheveux avaient commencé à grisonner, mon visage avait maigri, j’étais devenu tout mince et cet homme m’a dit : « La dernière fois que je suis venu il y avait un jeune moine sympathique, bel homme, assez fort. Où est-il ? » J’ai répondu : « Il est mort. » … (rires). Plus tard je lui ai dit : « C’était moi à cette époque-là. Maintenant je suis très différent. »
Ainsi, même les objets que nous voyons changent ; les images que nous amenons à l’esprit à travers les yeux changent ; les souvenirs que nous gardons après avoir vu quelque chose changent. Et il en va de même avec les sons que nous entendons : pendant que nous entendons un son il est vivant mais, dès que nous nous bouchons les oreilles ou que nous n’y prêtons pas attention, le son disparaît. C’est très évident en ce moment même, n’est-ce pas ? Quand les mots sortent de mes lèvres, il y a un son ; quand le son ne passe plus par ces lèvres, ce son disparaît. Quand un son vient de la traductrice, pendant qu’il arrive, vous pouvez l’entendre et quand elle cesse de parler, ce son n’est plus là. C’est l’impermanence simple et évidente. Le son peut demeurer un certain temps sous forme de résonance ou de vibration mais ensuite il disparaît complètement, même à l’intérieur.
Il en va de même pour les odeurs : pendant que nous reniflons, nous sentons l’odeur et ensuite l’odeur n’est plus là. Le goût que nous sentons quand nous mangeons ou buvons est présent pendant que nous mangeons ou buvons mais quand nous cessons de manger ou de boire, au bout d’un moment le goût disparaît. Et le toucher ? Nous touchons avec nos mains et notre corps. Nous faisons l’expérience du contact physique pendant que nous avons un contact mais quand celui-ci cesse, nous n’éprouvons pas cette sensation. De la même manière, quand nous pensons à un objet, pendant que nous sommes en train de penser, cette pensée est animée dans notre esprit mais dès que nous cessons de penser, elle n’y est plus.
Dans cette méditation de l’attention, nous devenons pleinement conscients de ce qui se passe pendant que cela se passe — ni avant, ni après. Cela signifie que nous ne pouvons faire l’expérience de l’impermanence que lorsque nous sommes vraiment en train de la vivre. Nous ne faisons l’expérience des sensations et des sentiments que pendant que nous sommes en train de sentir ou ressentir les choses. Ensuite, cette sensation ou ce sentiment n’est plus là. Voilà ce que signifie vipassanā avec anupassanā.
Vous avez déjà entendu le mot vipassanā. Vipassanā signifie « voir quelque chose avec l’esprit — avec l’œil intérieur — tel qu’il est en train de se produire ». Passanā signifie « voir », anu signifie « pendant que cela se produit ». Par exemple pour dire « aller » en pāli, on dit gacchati et si on suit celui qui va, on dit anugacchati. Quand quelqu’un est assis, on dit nisīdati et quand on s’assoit en même temps que cette personne, on dit anunisīdati. Quand quelqu’un dort, on dit sayati, et anusayati signifie : « dormir avec » cette personne. Donc, pour décrire une action que l’on fait en même temps que quelqu’un d’autre, on utilise le préfixe anu. C’est pourquoi anupassanā signifie : « voir les choses au moment où elles se déroulent ». C’est un mot pāli très beau. On utilise ce préfixe anu pour dire que l’on fait quelque chose en même temps qu’une autre chose ou que l’on voit les choses au moment où elles se produisent. En conclusion, pour pouvoir réellement pratiquer la méditation de l’attention, ces deux choses doivent aller de pair. Autrement dit, une chose doit être observée et vécue au moment où elle est en train de se produire.
Il y a une expression très courante en pāli qui dit : « parimukham satim upatthapetvā, so sato va assasati, sato passasati », c’est-à-dire : « En gardant l’esprit devant soi, inspirer et expirer. » « Avoir l’esprit devant soi » ne signifie pas qu’il doit être suspendu devant vous comme une carotte devant un cheval. Vous savez, il est étrange de constater que certains méditants ont pris ces paroles à la lettre et suspendent quelque chose devant eux. Il y a un nouveau mouvement de méditation en Thaïlande où on suspend un cristal devant soi pendant la méditation en étant attentif et en gardant l’attention devant soi. Mais, du coup, l’attention … c’est ce qui est suspendu !
Vous savez, quand les gens ne connaissent pas le sens des mots, ils les prennent à la lettre. Il y a un exemple très connu à ce propos. Juste après son Eveil, le Bouddha alla à Bénarès et, en chemin, il rencontra un ascète du nom de Upekkhā. Upekkhā lui demanda où il allait et le Bouddha répondit : « Je vais à Kasi (l’ancien nom de Bénarès) pour battre le tambour du Dhamma. » Il a littéralement dit, en pāli : « J’y vais pour battre le tambour du Dhamma. » Eh bien, un moine japonais a pris ces paroles littéralement. Il a introduit un tambour dans sa pratique et, chaque matin, il sort en frappant sur son tambour tout en disant : « Namu Myo Ho Ren Ge Kyo, Namu Myo Ho Ren Ge Kyo ». C’est devenu une secte très célèbre au Japon maintenant ; elle s’appelle la secte Nipponzan - Myōhōji. L’un de ces moines a séjourné dans notre monastère et, tous les jours, il sortait dans la rue en frappant sur son tambour. Un jour je lui ai demandé : « Pourquoi jouez-vous du tambour ? » Et il a répondu : « Ne savez-vous pas que c’est ce que le Bouddha a fait ? » Ces mots que le Bouddha a utilisés comme une métaphore ont été pris littéralement et c’est ainsi que le tambour est apparu et qu’aujourd’hui c’est une des sectes japonaises du bouddhisme. Et dans cette secte on ajoute : « Quand on joue du tambour, quiconque entend le son de ce tambour atteint l’Eveil. » N’est-ce pas formidable ? Inutile de faire des efforts assis sur votre coussin ! Ecoutez simplement le tambour ! Ou bien prenez vous-même un tambour et éveillez les autres ! C’est une secte qui existe aujourd’hui au Japon. Son chef s’appelle Fuji Guruji ; il est très célèbre, ce n’est pas un secret, mais je n’en parle que pour que les gens comprennent comment certaines métaphores sont prises littéralement.
De la même manière, « parimukham satim upatthapetvā, so sato va assasati, sato passasati » a été compris littéralement et les gens disent que l’attention doit être « devant ». Pour montrer que l’attention est devant, il faut qu’il y ait un objet, alors ils prennent un cristal qu’ils suspendent à un fil de nylon très fin et ils disent : « Vous voyez, l’attention est suspendue là. » Mais ce que cette phrase signifie réellement, c’est que nous devons être attentifs à quelque chose dans l’instant présent. Ce n’est que quand quelque chose se passe, et seulement à ce moment-là, que nous pouvons être conscients de ce qui se passe vraiment — ni avant, ni après. L’impermanence n’est donc qu’une théorie, qu’un simple mot, tant qu’elle se situe dans le passé ou dans l’avenir. Par contre, elle est présente, c’est une réalité vivante, si vous l’observez au moment où elle est en train de se produire.
Dans la comparaison que nous avons utilisée, c’est le travail du bon gardien d’être très vigilant, conscient et zélé pour devenir pleinement conscient de ce qui est présent dans l’instant. Dès que nous devenons inattentifs, que nous ne sommes plus présents, les choses passent et nous n’en sommes pas conscients. Ensuite nous devons y penser pour les évoquer mais quand on y pense, c’est trop tard. Nous devons être si vigilants, si attentifs, si vifs qu’il n’y ait rien entre ce qui est en train de se produire et notre présence d’esprit. Nous devrions pouvoir voir ce qui est réellement en train de se passer sans aucun obstacle.
C’est pour cela que je recommande toujours très fermement de ne pas utiliser de mots, d’étiquettes, de noms, de concepts ou d’idées. Accordez une attention pleine et entière à ce que vous vivez. Quand on colle un mot ou une étiquette sur un ressenti, l’esprit est piégé par l’étiquette, le concept ou le nom et, du même coup, il ne pourra plus saisir ce qui se trouve derrière le nom, l’étiquette ou le concept. Nous devons donc veiller à ne pas bloquer la vision de la réalité. Nous ne devons pas effacer la vérité de l’impermanence en mettant quelque chose comme des étiquettes entre ce qui se produit et notre conscience. Alors essayez de ne pas utiliser de mots. Par exemple, quand vous marchez, au moment où vous soulevez le pied, n’allez pas dire : « Soulever, soulever, soulever. » Si vous vous contentez de mettre votre attention dans ce mot, l’esprit va se satisfaire du mot et il ne sera pas conscient du fait que vous soulevez le pied !
Dans l’image que le Bouddha a utilisée — la ville représentant notre corps tout entier, composé d’éléments, composé de nourriture, de liquides et de milliards de particules, de cellules qui sont dans un état de flux constant, changeant tout le temps — tout ce que nous avons à faire à tout moment, c’est accorder notre attention à tous les aspects du corps. Nous commençons avec la respiration parce qu’elle représente l’ensemble, le champ tout entier des activités. Comme la respiration est très active, qu’elle a un mouvement, elle est représentative de l’impermanence.
Vous savez, quand on est très attentif à la respiration, on constate que tous les cinq agrégats sont contenus dans la respiration. Quels sont les cinq agrégats ? La forme, les sensations, les perceptions, les pensées et la conscience.
1) La respiration est une forme parce qu’elle se compose d’éléments. Tout ce qui se compose d’éléments est une forme et la respiration contient l’élément terre, l’élément air, l’élément eau et l’élément feu. Donc la respiration est une forme.
2) La respiration est une sensation : quand nous inspirons et expirons, nous sentons le souffle. Nous sentons quand il est long et quand il est court ; nous sentons le contact avec les narines, nous sentons le passage dans les poumons. Nous sentons tout cela. La sensation est donc bien là, dans la respiration.
3) Nous percevons également la respiration et la sensation mentalement.
4) Nous respirons volontairement pour connaître toutes ces choses. Il y a donc bien intention ou volition.
5) Enfin nous respirons consciemment, donc la conscience est aussi incluse dans notre respiration.
Les cinq agrégats sont bien présents. Si, sans utiliser le moindre mot, vous portez toute votre attention à votre respiration, vous pouvez les voir changer constamment tous les cinq : la respiration change, les sensations changent, les perceptions changent, l’intention change et la conscience change.
Donc le gardien des portes est là, sous nos narines, et ce gardien, cette attention, cette conscience, sait qu’il ne faut pas coller de mots ou de concepts qui empêcheraient de voir la réalité de l’impermanence des formes, des sensations, des perceptions, etc. C’est pourquoi le gardien, l’esprit très habile ou l’attention, laissera tomber les étiquettes et les mots et se posera tout entier sur la respiration, observant simplement l’air entrer et sortir.
Prenez n’importe quel exemple, que vous soyez en train de voir, d’entendre, de sentir, de goûter, de toucher ou de respirer, vous retrouverez toujours la même caractéristique d’impermanence. Certaines de ces expériences seront très belles, très agréables mais malheureusement elles ne demeureront pas et vous serez déçu — c’est la caractéristique de l’insatisfaction. Et comme vous n’avez aucun contrôle sur tout cela dans la mesure où vous ne pouvez pas garder ce qui est agréable ni éloigner ce qui est désagréable parce que tout se produit naturellement, comme il n’y a aucun moyen de maîtriser la moindre de ces choses, nous disons qu’il n’y a pas de « soi » permanent pour contrôler tout cela.
Mes amis, je crois que nous allons en rester là pour cet après-midi. Ce n’est qu’une introduction ; nous continuerons dans les jours qui viennent à clarifier le sens de notre pratique et j’essaierai de rendre cela aussi simple que possible.