Le Dhamma de la Forêt


Mettā : philosophie et pratique de l’amour universel

par Acharya Buddharakkhita


Traduction de Jeanne Schut

http://www.dhammadelaforet.org/


  Troisième et dernière partie

La méditation mettā, ses bienfaits et sa force


6. Méditer sur mettā  

Il existe différentes façons de pratiquer mettā-bhavana, la méditation de l’amour universel. Nous en expliquerons trois ici. Ces instructions, basées sur des sources canoniques et leurs commentaires, ont pour but d’expliquer la pratique de la méditation mettā de manière claire, simple et directe, pour que toute personne qui souhaiterait sincèrement entreprendre cette pratique n’ait aucun doute quant à la façon de procéder. Pour trouver toutes les instructions sur la théorie et la pratique de mettā-bhavana, le lecteur pourra se référer au chapitre IX du Visuddhimagga.

Méthode 1

Prenez une posture assise confortable dans un lieu paisible – une salle de méditation, une pièce calme, un parc ou tout autre endroit où vous pourrez trouver tranquillité et silence. Les yeux fermés, répétez le mot « mettā » plusieurs fois tout en évoquant mentalement tout ce qu’il signifie : amour – par opposition à haine, ressentiment, malveillance, impatience, orgueil, arrogance – et un profond sentiment de bonne volonté, d’empathie et de gentillesse qui privilégie le bonheur et le bien-être des autres.

Visualisez maintenant votre propre visage rayonnant de bonheur. (A chaque fois que vous vous regardez dans le miroir, voyez la joie sur votre visage et retrouvez cette image en méditation). Une personne qui se sent heureuse ne peut pas se mettre en colère ni nourrir des pensées et des sentiments négatifs. Après vous être visualisé dans un état d’esprit joyeux, emplissez-vous de la pensée suivante : « Puissè-je être libre de toute hostilité, libre de toute souffrance physique ou mentale ; puissè-je vivre heureux. » Tandis que vous baignez ainsi dans la force d’amour de cette pensée positive, vous vous remplissez comme un réceptacle dont le contenu est prêt à déborder dans toutes les directions.

Ensuite visualisez votre maître de méditation, s’il vit toujours ; sinon choisissez un autre maître vivant ou quelqu’un que vous respectez profondément. Voyez-le d’humeur heureuse et projetez la pensée suivante : « Puisse mon maître être libre de toute hostilité, libre de toute souffrance physique ou mentale ; puisse-t-il vivre heureux. »

Evoquez ensuite d’autres personnes pour lesquelles vous avez beaucoup de considération et qui sont encore vivantes : des moines, des enseignants, des parents, des grands-parents et envoyez, en direction de chacun, une pensée de mettā comme précédemment : « Puissent-ils être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

La visualisation doit être claire et l’émanation de la pensée de bienveillance doit être bien délibérée. Si la visualisation est trop rapide ou si le souhait est exprimé superficiellement ou mécaniquement, la pratique ne servira pas à grand-chose car il ne s’agirait que d’un passe-temps intellectuel où l’on penserait à mettā. Il faut bien comprendre que penser à mettā est une chose, et pratiquer mettā, projeter activement et volontairement la force de la bienveillance, est tout à fait autre chose.

Il est à noter qu’il ne faut visualiser que des personnes vivantes, pas des décédés. La raison en est que la personne décédée, ayant changé de forme, ne sera pas dans l’angle de projection de mettā. L’objet de mettā est donc toujours un être vivant et la force de la pensée perd toute son efficacité si le sujet n’est pas vivant.

Après avoir fait rayonner des pensées de mettā dans l’ordre indiqué (d’abord envers soi, puis envers le maître de méditation, puis envers d’autres personnes que l’on respecte profondément), visualisez à présent, un par un, les êtres qui vous sont chers, en commençant par les membres de votre famille, en les faisant baigner dans une abondante lumière d’amour bienveillant. La charité commence chez soi : si on ne peut pas aimer ses proches, on ne pourra pas aimer les autres.

Tandis que vous rayonnez de mettā envers les membres de votre famille, faites attention à ne pas évoquer la personne qui vous est la plus chère – époux ou épouse, par exemple – avant la fin de ce cycle. En effet, l’intimité qui existe entre un mari et une femme introduit un élément d’amour physique qui pollue mettā. L’amour spirituel doit être le même pour tous. De même, s’il y a une mésentente ou une querelle temporaire avec un membre de la famille, cette personne doit être visualisée plus tard pour éviter d’évoquer des incidents désagréables pendant la pratique.

On doit ensuite visualiser des personnes « neutres », c’est-à-dire envers lesquelles on n’éprouve rien de particulier, ni attirance ni répulsion, comme des voisins, des collègues de travail, de simples connaissances, etc. Après avoir émis des pensées bienveillantes envers toutes les personnes de ce cercle neutre, on va évoquer des personnes que l’on n’aime pas, envers lesquelles on a de l’hostilité ou des préjugés, y compris celles avec lesquelles on peut avoir une mésentente momentanée. Tandis que l’on visualise ces personnes, on doit répéter à chacune : « Je n’ai pas d’hostilité envers vous. Puissiez-vous ne pas avoir d’hostilité envers moi. Puissiez-vous être heureux. »

Ainsi, tandis que l’on visualise les personnes des différents cercles, on casse la barrière créée par l’attirance et la répulsion, l’attachement et la haine. Quand on est capable de considérer un ennemi sans négativité et avec la même bienveillance que l’on éprouve pour un ami très cher, mettā atteint une impartialité parfaite et propulse l’esprit vers le haut, comme dans un mouvement de spirale qui s’élève, de plus en plus large, jusqu’à tout englober.

Le mot visualisation signifie « amener à l’esprit », visualiser certaines choses – une personne, un certain lieu, une direction ou une catégorie d’êtres. En d’autres termes, cela signifie imaginer les personnes vers lesquelles des pensées d’amour bienveillant sont projetées. Par exemple, vous imaginez votre père et vous visualisez son visage tandis qu’il est souriant et radieux puis vous projetez la pensée vers cette image en disant mentalement : « Puisse-t-il être heureux ! Puisse-t-il être libre de toute maladie et de tout souci ! Puisse-t-il jouir d’une bonne santé. » Vous pouvez aussi utiliser d’autres mots pour souhaiter son bien-être.

Le mot rayonner signifie, comme expliqué plus haut, projeter des souhaits de bien-être en faveur des personnes vers lesquelles l’esprit est dirigé. Une pensée de mettā est très puissante. Elle peut même matérialiser ce qui a été voulu car souhaiter le bien de quelqu’un est un acte de volonté et donc une action créative. En fait, tout ce que l’humanité a créé dans tous les domaines est le résultat de ce qui a été voulu, qu’il s’agisse d’une ville, d’un projet hydroélectrique, d’une fusée qui va sur la lune, d’une arme de destruction ou d’un chef-d’œuvre artistique ou littéraire. Rayonner des pensées de mettā est également une façon de développer une volonté qui peut matérialiser tout ce qui est voulu. Il n’est pas rare de constater que des maladies ont été guéries ou que des malheurs ont été écartés, même lorsque le rayonnement de la force de mettā vient de très loin. Mais le pouvoir de cette pensée de mettā doit être généré de manière très spécifique et très habile, selon une certaine séquence.

La formule utilisée ici pour rayonner mettā nous vient de l’ancien Patisambhidamagga : « Puissent-ils être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux » (avera hontu, abyapajjha hontu, anigha hontu, sukhi attanam pariharantu). L’explication de ces termes selon les Commentaires est extrêmement significative. « Libre de toute hostilité » (avera) signifie absence d’hostilité causée par soi ou par d’autres, ou causée par soi à cause des autres ou causée par d’autres à cause de soi ou des autres. La colère envers soi peut causer des lamentations sur son propre sort, des remords ou un fort sentiment de culpabilité. Elle peut être conditionnée par l’interaction avec les autres. L’hostilité est une combinaison de colère et d’animosité. « Libre de toute souffrance physique » (abyapajjha) signifie absence de douleur. « Libre de toute souffrance mentale » (anigha) signifie absence de cette angoisse ou anxiété qui accompagne souvent l’hostilité et la souffrance physique. Ce n’est que lorsque l’on est libre de toute hostilité et de toute souffrance physique et mentale que l’on « vit heureux », c’est-à-dire que l’on se comporte avec aisance et joie. C’est ainsi que tous ces termes sont reliés entre eux.

L’« ordre » dont nous avons parlé signifie qu’il faut visualiser les choses les unes après les autres, en prenant la voie de moindre résistance, dans une séquence par paliers qui élargit progressivement le cercle et, de ce fait, élargit l’esprit lui-même. Le Visuddhimagga insiste beaucoup sur l’importance de cet ordre. Selon son auteur, Acariya Buddhaghosa, il faut commencer la méditation mettā en se visualisant soi-même et, ensuite seulement, évoquer une personne pour laquelle on a beaucoup de considération, ensuite des êtres chers, puis des personnes « neutres » et enfin des personnes hostiles. Tandis que l’on rayonne des pensées d’amour dans cet ordre-là, l’esprit fait tomber toutes les barrières entre soi, une personne respectée, une personne chère, une personne neutre et une personne hostile. On en vient à considérer tout le monde d’un même regard empreint d’amitié bienveillante.

Dans le Visuddhimagga, Acariya Buddhaghosa fait une comparaison très juste à propos des barrières qui tombent : « Imaginez que des bandits s’approchent d’un méditant assis auprès d’une personne qu’il respecte profondément, d’une qui lui est chère, d’une autre qui lui est indifférente et d’une dernière qui est méchante ou hostile et qu’ils lui disent : ‘Nous voulons l’un de vous pour faire un sacrifice humain.’ Si le méditant se disait : ‘Qu’ils prennent celui-ci ou celui-là’, c’est qu’il n’aurait pas fait tomber toutes les barrières. Même s’il se disait : ‘Qu’ils ne prennent aucun d’eux ; qu’ils me prennent moi’, il n’aurait pas non plus fait tomber les barrières puisqu’il chercherait à souffrir alors que la méditation mettā consiste à souhaiter du bien à tous, y compris à soi-même. Par contre, s’il ne voit pas la nécessité de céder à la demande des bandits et qu’il projette avec impartialité des pensées d’amitié bienveillante envers tous, y compris les bandits, il ferait ainsi effectivement tomber toutes les barrières. »

Méthode 2

La première méthode de pratique de la méditation mettā consiste à projeter des pensées d’amitié bienveillante vers des personnes particulières, de plus en plus éloignées de soi. La seconde méthode est une façon impersonnelle de rayonner mettā, qui donne à l’esprit une dimension universelle, comme suggéré par le mot pāli mettā-cetovimutti qui signifie « la libération de l’esprit grâce à l’amour universel ». L’esprit non libéré est emprisonné dans les murs de l’égocentrisme, l’avidité, l’aversion, les concepts erronés, la jalousie et la mesquinerie. Tant qu’il demeure entre les griffes de ces facteurs mentaux trompeurs et étouffants, il reste coupé des autres et piégé. En brisant ces liens, mettā libère l’esprit, et l’esprit libéré grandit tout naturellement jusqu’à devenir illimité et incommensurable. De même que la terre ne peut pas devenir « sans-terre », l’esprit de mettā ne peut pas être limité.

Après avoir dirigé la lumière de mettā vers certaines personnes choisies, quand l’esprit brise les barrières qui le séparent de ceux qu’il révère, qu’il aime, qui lui sont indifférents et qui lui sont hostiles, le méditant s’embarque sur le grand voyage du rayonnement impersonnel, tout comme un grand vaisseau prend le large sur l’océan vaste et infini, tout en suivant malgré tout un cap et un but. Voici comment se pratique cette technique.

Imaginez les personnes qui vivent chez vous comme formant un groupe et accueillez-les toutes dans votre cœur en envoyant les pensées de mettā suivantes : « Que tous ceux qui vivent dans cette maison soit libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique et mentale ; puissent-ils vivre heureux ». Après avoir ainsi visualisé votre propre maison, visualisez celle de vos voisins et tous ses habitants, puis la maison suivante, et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes les maisons de la rue soient également baignées d’amitié bienveillante. Evoquez ensuite la rue suivante et puis la suivante, jusqu’à ce que tout le voisinage ou le village soit couvert. Ensuite, en visualisant clairement, continuez à élargir le cercle dans toutes les directions et à rayonner mettā abondamment. Vous devez couvrir ainsi toute la ville, puis le département et la région, en rayonnant des pensées de mettā.

Visualisez ensuite les régions les unes après les autres en commençant par la vôtre puis celles qui l’entourent dans les quatre directions : est, sud, ouest et nord. Couvrez ainsi tout le pays en visualisant géographiquement les habitants de ce pays indépendamment de toute notion de statut social, de race ou de religion. Pensez ainsi : « Que toux ceux qui vivent dans ce grand pays demeurent en paix et dans le bien-être ! Puisse-t-il n’y avoir pas de guerre, pas de conflits, pas de malheurs et pas de maladies ! Que tous les habitants de ce pays, rayonnants d’amitié et de bonheur, jouissent, avec compassion et sagesse, de la paix et de l’abondance. »

Couvrez ensuite tout le continent, pays par pays, en direction de l’est, du sud, de l’ouest et du nord. Tout en imaginant géographiquement chaque pays et ses habitants avec leur apparence physique, vous rayonnez des pensées de mettā en abondance : « Puissent-ils être heureux ! Puisse-t-il n’y avoir ni conflits ni discorde ! Que prévalent la bonne volonté et l’entente. Que la paix les accompagne tous ! »

Evoquez ensuite tous les continents – l’Afrique, l’Asie, l’Australie, l’Europe, l’Amérique du nord et du sud – en les visualisant, pays par pays, peuple par peuple jusqu’à couvrir le globe tout entier. Projetez de puissants rayons de mettā qui enveloppent une direction du globe, puis une autre et encore une autre jusqu’à ce que toute la terre baigne dans des pensées rayonnantes d’amour universel.

On doit ensuite projeter dans l’immensité de l’espace de puissants rayons de mettā à l’intention de tous les êtres qui vivent dans les autres sphères ; d’abord aux quatre points cardinaux puis dans les directions intermédiaires : nord-est, sud-est, sud-ouest, nord-ouest – et puis au-dessus et au-dessous, couvrant ainsi les dix directions d’abondantes pensées d’un amour universel illimité.

Méthode 3

Selon la cosmologie du bouddhisme, il existe d’innombrables mondes habités par une infinie variété d’êtres à différents stades d’évolution. Notre terre n’est qu’une petite tache dans notre système solaire, lequel est lui-même un minuscule point dans l’univers avec ses innombrables systèmes. C’est en tout lieu et envers tous les êtres que l’on doit envoyer des pensées d’amour infini. C’est ce qui est développé dans la méthode de pratique suivante : l’universalisation de mettā.

L’universalisation de mettā se fait de trois manières particulières :

1 - Un rayonnement généralisé anodhiso-pharana),
2 - Un rayonnement spécifié (odhiso-pharana),
3 - Un rayonnement directionnel (disa-pharana).

Selon le Patisambhidamagga,, le rayonnement généralisé de mettā se pratique de cinq façons, le rayonnement spécifié de sept façons et le rayonnement directionnel de dix façons. Comme nous allons le voir, ces dix façons directionnelles peuvent être combinées aux cinq catégories de rayonnement généralisé et aux sept catégories de rayonnement spécifié, ce qui fait cent-vingt. Dans chacun de ces modes de pratique, on peut utiliser, pour pratiquer mettā, n’importe laquelle des quatre phrases types : « Puissent-ils être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique et mentale ; puissent-ils vivre heureux. » Quatre types de pensées appliqués à cinq, sept et cent-vingt objets de mettā totalisent cinq-cent-vingt-huit modes de rayonnement. N’importe lequel d’entre eux peut être utilisé comme véhicule pour atteindre des états d’absorption méditative (jhana) par la technique de mettā-bhavana. (Cf. Vism. IX, 58.)

Le rayonnement généralisé

Les cinq façons de pratiquer le rayonnement généralisé de mettā sont :

1. « Puissent tous les êtres (sabbe satta) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

2. « Puissent tous ceux qui respirent (sabbe pana) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

3. Puissent toutes les créatures (sabbe bhuta) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-elles vivre heureuses. »

4. Puissent tous ceux qui ont une existence individuelle (sabbe puggala) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

5. Puissent tous ceux qui sont incarnés (sabbe attabhavapariyapanna) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

Le rayonnement spécifié

Les sept façons de pratiquer le rayonnement spécifié de mettā sont :

1. « Puissent toutes les créatures féminines (sabba itthiyo) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-elles vivre heureuses. »

2. « Puissent toutes les créatures masculines (sabbe purisa) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-elles vivre heureuses. »

3. Puissent tous les Nobles Etres (sabbe ariya) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

4. Puissent tous les êtres ordinaires (sabbe anariya) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

5. Puissent toutes les déités (sabbe deva) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-elles vivre heureuses. »

6. Puissent tous les êtres humains (sabbe manussa) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

7. Puissent tous ceux qui sont dans des états de souffrance (sabbe vinipatika) être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

Le rayonnement directionnel

Les dix façons de pratiquer le rayonnement directionnel impliquent que l’on envoie des pensées de mettā à tous les êtres dans les dix directions. Cette méthode, dans sa forme de base, s’applique à la catégorie des êtres (satta), le premier des cinq objets de rayonnement généralisé de mettā. Mais il peut être développé davantage en étendant mettā avec chacune des cinq façons de rayonnement généralisé et des sept façons de rayonnement spécifié, comme nous allons le voir.

I.

1. « Puissent tous les êtres situés à l’est être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

2. « Puissent tous les êtres situés à l’ouest être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

3. « Puissent tous les êtres situés au nord être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

4. « Puissent tous les êtres situés au sud être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

5. « Puissent tous les êtres situés au nord-est être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

6. « Puissent tous les êtres situés au sud-ouest être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

7. « Puissent tous les êtres situés au nord-ouest être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

8. « Puissent tous les êtres situés au sud-est être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

9. « Puissent tous les êtres situés au-dessous être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

10. « Puissent tous les êtres situés au-dessus être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

II.

1-10. « Puissent tous les êtres qui respirent situés à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

III.

1-10. « Puissent toutes les créatures situées à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-elles vivre heureuses. »

IV.

1-10. « Puissent tous ceux qui ont une existence individuelle situés à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

V.

1-10. « Puissent tous ceux qui sont incarnés situés à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

VI.

1-10. « Puissent toutes les créatures féminines situées à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-elles vivre heureuses. »

VII.

1-10. « Puissent toutes les créatures masculines situées à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-elles vivre heureuses. »

VIII.

1-10. « Puissent tous les Nobles Etres situés à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

IX.

1-10. « Puissent tous les êtres ordinaires situés à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

X.

1-10. « Puissent toutes les déités situées à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-elles vivre heureuses. »

XI.

1-10. « Puissent tous les êtres humains situés à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »

XII.

1-10. « Puissent tous ceux qui sont dans des états de souffrance situés à l’est […] au-dessus, être libres de toute hostilité, libres de toute souffrance physique ou mentale ; puissent-ils vivre heureux. »


Explication

Dans cette technique d’universalisation de mettā, chacune des cinq catégories de rayonnement généralisé se réfère à l’ensemble de la dimension d’existence animée, sensible et organique relevant des trois sphères du monde : le kamaloka, sphère d’existence sensorielle où le désir est la motivation première ; le rupaloka, domaine des radieuses déités Brahma à la forme subtile ; et l’arupaloka, domaine des êtres sans forme dont la vie est purement mentale. Qu’il s’agisse d’un « être », de « ce qui respire », d’une « créature », de « ce qui a une existence individuelle » ou de « ce qui est incarné », tout cela se réfère à la totalité de l’existence animée mais la distinction est faite grâce à chaque terme qui reflète un certain aspect de la vie dans sa globalité.

Tandis que l’on visualise chaque catégorie, on doit garder à l’esprit l’aspect spécifique exprimé par sa dénomination. Si l’on entraîne l’esprit à la manière d’un « exercice mental », après avoir pratiqué les deux premières méthodes, la signification des cinq termes non spécifiés ou généralisés deviendra claire. Quand on aura fini de pratiquer les deux méthodes, la conscience sera suffisamment développée pour tout englober. Avec une telle conscience, quand chacun de ces concepts universels est évoqué, l’universalisation devient aisée. Il est utile de souligner qu’à ce stade on ne visualise plus des objets individuels mais un concept qui est complet et qui englobe tout. Dans ce cas, le rayonnement devient un abondant « flot d’amour » qui se déverse dans la direction de l’objet mental conceptualisé : tous les êtres, toutes les créatures, etc.

Chacune des sept catégories du rayonnement spécifié inclut une partie de l’éventail complet de la vie et, combinée avec les autres, elle exprime le tout. Itthi fait référence au principe féminin en général, incluant tous les êtres féminins parmi les deva, les humains, les animaux, les démons, les esprits et les habitants de l’enfer. Purisa signifie le principe masculin que l’on trouve dans toutes les sphères d’existence. Ensemble, itthi et purisa englobent tout. Sous un autre angle, les ariya ou Nobles êtres éveillés spirituellement et les anariya ou êtres ordinaires prisonniers du cycle du devenir, englobent la totalité. Les ariya sont ceux qui sont entrés sur la voie transcendantale ; on les trouve parmi les humains et les êtres célestes ; ils constituent le sommet de la pyramide de l’existence sensorielle. Les êtres ordinaires se trouvent dans toutes les sphères d’existence et on pourrait dire qu’ils constituent le corps de la pyramide depuis la base vers le haut. De même, les trois catégories des deva, manussa et vinipatika (déités, humains et êtres ayant sombré dans le malheur) comprennent la totalité en termes de statut cosmologique. Les deva, êtres célestes rayonnants, constituent la couche supérieure, les humains, la couche intermédiaire et les vinipatika, la couche inférieure de cette cosmologie.

L’« exercice mental » en termes de rayonnement directionnel, le rayonnement de mettā vers les douze catégories d’êtres mentionnés ci-dessus et dans les dix directions, fait de l’universalisation de mettā une expérience tout à fait exaltante. Tandis que l’on se place mentalement dans une certaine direction, et qu’on laisse l’amitié bienveillante s’écouler et envelopper toute la zone géographique, on transporte littéralement l’esprit vers les plus hauts sommets qui mènent au samadhi, la concentration ou absorption de l’esprit.

Quand on projette de tout son cœur ce souhait que tous les êtres vivent heureux, libres de toute hostilité, de toute souffrance physique et mentale, non seulement on s’élève à un niveau où le véritable bonheur s’impose mais on met aussi en mouvement de puissantes vibrations qui mènent au bonheur, à l’apaisement de l’animosité, au soulagement de la souffrance physique et mentale. C’est ainsi que l’on verra que l’amour universel infuse bien-être et bonheur tout en retirant les souffrances mentales et physiques causées par les pollutions de l’esprit que sont l’aversion, l’animosité et la colère.


7. Les bienfaits de mettā  

« Moines, quand l’amour universel qui mène à la libération de l’esprit est pratiqué avec ardeur, développé et systématiquement mis en œuvre, que l’on en fait son véhicule et le fondement de sa vie, quand il est pleinement établi, bien consolidé et perfectionné, on peut en attendre onze bienfaits. Quels sont-ils ?

« On dort en paix ; on se réveille heureux ; on ne fait pas de mauvais rêves ; on est aimé des humains ; on est aimé des non-humains ; on est protégé par les déités ; on ne peut être atteint ni par le feu, ni par le poison ni par les armes ; l’esprit atteint rapidement la concentration ; l’expression du visage est sereine ; on meurt sans être perturbé ; et même si on ne peut atteindre les états d’Eveil les plus élevés, on atteindra au minimum la sphère de Brahma.

« Moines, quand l’amour universel qui mène à la libération de l’esprit est pratiqué avec ardeur, développé et systématiquement mis en œuvre, que l’on en fait son véhicule et le fondement de sa vie, quand il est pleinement établi, bien consolidé et perfectionné, on peut en attendre ces onze bienfaits. « (AN 11.16.)

Mettā cetovimutti – l’amour universel qui mène à la libération de l’esprit – signifie atteindre le samadhi, c’est l’état de concentration basé sur la méditation mettā. Comme mettā libère l’esprit de l’esclavage de l’aversion et de la colère, de l’égoïsme, de l’avidité et de la vision erronée des choses, c’est un état de liberté. A chaque fois que l’on pratique mettā, même pendant peu de temps, on a l’occasion de jouir d’une certaine liberté de l’esprit. Par contre, pour obtenir une liberté infinie de l’esprit, il faut avoir développé complètement mettā jusqu’à l’état de samadhi.

Les différentes applications de mettā indiquées par les mots « pratiqué, développé », etc. signifient que l’on éveille une force bien structurée, non seulement grâce à des heures de méditation spécifiques, mais aussi en convertissant tous ses actes, paroles et pensées en actes de mettā.

Le mot « pratiqué » (asevita) signifie que mettā est pratiqué avec ardeur, pas comme un simple exercice intellectuel. On s’y engage de tout son cœur et on en fait la philosophie qui va guider sa vie, qui va conditionner son attitude, son regard sur les choses et son comportement.

Le mot « développé » (bhavita) implique les différents processus de culture intérieure et d’intégration mentale effectués par la pratique de la méditation de l’amour universel. Comme la méditation entraîne l’unification de l’esprit en intégrant les différentes facultés, on l’appelle « le développement de l’esprit ». Le Bouddha a enseigné que tout le monde mental est développé par la pratique de la méditation de l’amour universel qui mène à la libération de l’esprit et à la transformation de la personnalité.

Les mots « systématiquement mis en œuvre » (bahulikata) soulignent l’importance de pratiquer mettā à toute heure du jour, en action, en paroles et en pensée, et de maintenir constamment le rythme de la claire conscience de mettā. Une action répétée engendre de la force. Tous les cinq pouvoirs spirituels – la confiance, l’énergie, l’attention, la concentration et la sagesse – sont exercés et cultivés grâce à la pratique répétée de mettā.

« En faire son véhicule » (yanikata) signifie un engagement total envers l’idéal de mettā, d’une part, en tant que seule méthode valide pour solutionner les problèmes interpersonnels et, d’autre part, en tant qu’instrument de croissance spirituelle. Quand mettā est le seul « mode de communication », le seul véhicule, la vie est automatiquement une « demeure divine » comme le dit le Mettā Sutta.

« En faire le fondement de sa vie » (vatthikata), c’est faire de mettā la base de son existence à tout point de vue. Mettā devient notre principale ressource, notre port d’attache, le refuge de notre vie. Faire du Dhamma notre refuge devient une réalité.

« Pleinement établi » (anutthita) se réfère à une vie fermement enracinée dans mettā, ancrée dans mettā en toutes circonstances. Quand mettā est pratiqué sans effort, on ne viole jamais les lois de l’amour universel, pas même par erreur.

« Bien consolidé » (paricita) signifie que l’on est tellement habitué à mettā que l’on y reste immergé sans effort, tant en méditation que dans le comportement de tous les jours.

Le mot « perfectionné » (susamaraddha) indique un degré d’aboutissement obtenu grâce à une totale adhésion et à une pratique continue qui mènent à un état de pleine intégration dans lequel on jouit d’un parfait bien-être et d’une félicité spirituelle – lesquels sont décrits dans le passage qui détaille les onze bienfaits de mettā.

Les bienfaits de mettā sont effectivement immenses et complets. Pour un disciple du Bouddha, mettā est un instrument suprême qui peut être utilisé avantageusement partout.


8. Le pouvoir de mettā  

Les bienfaits subjectifs de l’amour universel n’ont pas besoin d’être démontrés. Jouir du bien-être, d’une bonne santé, d’un esprit en paix, d’un visage lumineux et de l’affection et la bienveillance de tous, est en effet une immense bénédiction de la vie qui découle de la pratique de la méditation mettā. Mais ce qui est encore plus extraordinaire, c’est l’impact que mettā a sur l’environnement et sur les autres, aussi bien les êtres humains que les animaux et les deva, comme cela est illustré par nombre d’histoires mémorables dans le Canon Pāli et les Commentaires.

Un jour, le Bouddha, suivi par un groupe de moines rentrant de leur quête de nourriture, s’approcha d’une prison. Là, soudoyé par le vil et ambitieux cousin du Bouddha, Devadatta, le bourreau laissa s’échapper Nalagiri, l’éléphant sauvage qui participait à l’exécution des criminels. Rendu encore plus féroce par l’alcool que lui avait fait boire le bourreau, l’éléphant se précipita sur le Bouddha avec un barrissement effrayant. Le Bouddha projeta vers lui de puissantes pensées de mettā et éloigna Ananda, son fidèle compagnon qui essayait de le protéger de son corps, car le rayonnement d’amour, à lui seul, suffisait. L’impact de la projection de mettā du Bouddha fut tellement immédiat et irrésistible qu’au moment où l’éléphant arriva à la hauteur du Bouddha, il était complètement soumis, comme un ivrogne rendu subitement sobre par magie. On dit qu’il s’agenouilla aux pieds du Bouddha, comme les éléphants domptés le font dans les cirques.

Le Visuddhimagga raconte aussi le cas d’un propriétaire terrien de Pataliputra (aujourd’hui la ville de Patna) du nom de Visakha. Cet homme avait entendu dire que l’île du Sri Lanka était un véritable jardin du Dhamma, jonché d’innombrables sanctuaires et de stupas, que le climat était idéal et que les gens, très droits et honnêtes, suivaient les enseignements du Bouddha avec grande ferveur et sincérité.

Visakha décida d’aller au Sri Lanka et d’y passer le reste de sa vie en tant que moine. En conséquence, il remit son immense fortune à sa femme et à ses enfants, et quitta sa maison avec une seule pièce d’or en poche. Il attendit un bateau pendant quelque temps au port de Tamrapili (aujourd’hui Tamluk) et, pendant ce temps, fit un peu de commerce qui lui rapporta mille pièces d’or.

Il finit par atteindre le Sri Lanka et se rendit à la capitale, Anuradhapura. Là, il alla au célèbre monastère Mahavihara et demanda à l’abbé la permission d’entrer dans le Sangha. Tandis qu’on le conduisait à l’endroit consacré pour la cérémonie d’ordination, la bourse qui contenait les mille pièces d’or tomba de sa ceinture. Quand on lui demanda de quoi il s’agissait, il répondit : « J’ai mille pièces d’or, Vénérable. » Quand on lui dit qu’un moine ne doit pas posséder d’argent, il dit : « Je ne veux pas le garder pour moi, je voulais le distribuer à tous ceux qui vont assister à la cérémonie. Il ouvrit alors sa bourse et couvrit entièrement de pièces d’or le sol de la pièce consacrée en disant : « Qu’aucun de ceux qui auront assisté à l’ordination de Visakha ne reparte les mains vides». 

Après cinq ans passés auprès de son maître, il décida de se rendre au célèbre monastère de forêt de Cittalapabbata où vivaient bon nombre de moines aux pouvoirs surnaturels. En chemin, il arriva à un croisement et se demanda quelle route prendre. Comme il avait pratiqué la méditation mettā assidûment, il fut en mesure de discerner un deva qui vivait dans la roche à cet endroit-là et qui lui montrait la route à suivre. Arrivé au monastère de forêt de Cittalapabbata, il s’installa dans l’une des huttes.

Au bout de quatre mois, alors qu’il pensait partir le lendemain matin, il entendit des pleurs. Quand il demanda qui c’était, le deva qui vivait dans l’arbre au bout de l’allée répondit : « Vénérable, je m’appelle Maniliya (habitant de l’arbre de Manille) ».

- Pourquoi pleures-tu ?
- Parce que vous envisagez de quitter ces lieux.
- En quoi ma présence t’importe-t-elle ?
- Vénérable, en votre présence, les deva et les autres créatures non humaines se traitent avec bonté.
- Après votre départ, ils vont recommencer à se chamailler et se disputer. »

- Si ma présence ici vous permet de vivre en paix, c’est bien.

Il resta donc encore quatre mois. On raconte que, lorsqu’il envisagea encore de partir, le deva pleura à nouveau, de sorte que Visakha finit par passer le reste de sa vie dans ce monastère, et c’est là qu’il atteint l’Eveil. Tel est l’impact de mettā-bhavana sur les autres, même parmi les créatures invisibles.

Il y a aussi la célèbre histoire de la vache qui allaitait son veau dans une forêt. Un chasseur qui passait par là voulut la tuer et lui jeta une lance. Celle-ci, au lieu de s’enfoncer dans la chair de la vache, rebondit comme une feuille de palmier. Telle est la force de mettā, l’amour. Il n’est pas indispensable d’avoir complètement développé mettā-samadhi, la concentration basée sur mettā. Dans le cas de la vache, il s’agissait simplement de la conscience de son amour pour son petit.

On ne pourra jamais assez parler de la puissance de mettā. Les Commentaires du Canon Pāli sont pleins d’histoires, non seulement de moines mais aussi de gens ordinaires qui ont survécu à toutes sortes de dangers, y compris à la menace d’armes et de poison, grâce à la seule force de mettā, l’amour désintéressé.

Mais il ne faudrait pas s’imaginer que mettā est un sentiment comme un autre. C’est le pouvoir des forts. Si les chefs de toutes sortes voulaient bien donner une chance à mettā, aucun principe ou directive d’action n’aurait de plus grande efficacité ou de succès dans toutes les sphères.

En toute chose, l’être humain est la pièce majeure. S’il décide de mettre en œuvre mettā en tant que politique d’action contre l’agressivité et la négativité, le monde deviendra une véritable demeure de paix. Car ce n’est que lorsque l’être humain aura de la paix en lui et une bienveillance infinie envers les autres que la paix dans le monde sera réelle et durable.



Provenance:

©1989 Buddhist Publication Society.
The Wheel Publication No. 365/366 (Kandy: Buddhist Publication Society, 1989).
This Access to Insight edition is ©1995–2012.
http://www.accesstoinsight.org/lib/authors/buddharakkhita/wheel365.html