Le Dhamma de la Forêt

Force, courage et détermination

Extrait du livre d’Amy Schmidt :

Dipa Ma, présence et rayonnement d'une femme bouddhiste.



Dipa Ma couv.

aux éditions SULLY

Traduction de Jeanne Schut

http://www.dhammadelaforet.org/

Même en tant que veuve élevant seule sa fille et avançant sur la voie spirituelle dans les confins d’un système monastique bouddhiste patriarcal et hiérarchique, Dipa Ma n’a jamais douté qu’elle pouvait atteindre les plus hauts sommets. A cette époque, dans cette région du monde, on ne parlait guère de mouvement de libération de la femme mais Dipa Ma s’est libérée toute seule. Elle a dit un jour : « Je ne connais pas la peur. Maintenant je suis en paix. »

Avant qu’elle ne commence à pratiquer la méditation, elle était angoissée et dépendante des autres. Quand on considère ses origines personnelles et culturelles – mariée à douze ans, enfermée chez ses beaux-parents, soumise au bon vouloir de son mari – il est stupéfiant qu’elle soit devenue un véritable libre-penseur. Elle a insisté, par exemple, pour que sa fille Dipa fasse des études universitaires et l’a ensuite soutenue quand Dipa a décidé de se séparer de son mari.

Dipa Ma était consciente des difficultés des femmes de son entourage mais elle leur faisait remarquer qu’elles aussi pouvaient suivre le chemin de la libération. « Quand on naît dans ce monde, dit-elle à son élève Pritimoyee Barua, on doit faire face à de nombreuses souffrances, surtout si on est une femme. La vie d’une femme est très difficile mais il ne faut pas t’en inquiéter. Continue à pratiquer. Que le fait d’avoir à t’occuper de ton mari et de tes enfants ne soit pas un problème. Si tu es dans le Dharma, tout passera par le Dharma et tout sera solutionné par le Dharma. »

En plus de dispenser des conseils d’ordre spirituel aux personnes qui se tournaient vers elle, elle donnait des conseils pratiques. Une femme de Calcutta se souvient d’une remontrance qu’elle lui a faite à plusieurs reprises : « Tu ne dois pas croire que les femmes sont impuissantes. Tu peux agir. D’abord, tu dois t’éduquer, ensuite tu dois apporter ton aide aux autres. Si tu veilles à ta situation économique, tu seras indépendante. »

Mais la plupart du temps, Dipa Ma aidait les autres par son propre exemple. C’était un véritable maître dans une lignée monastique presque exclusivement masculine et elle fut la première enseignante asiatique à être invitée à enseigner aux Etats-Unis. Dipa Ma n’a jamais accordé grande importance à tout cela mais la force de son exemple est une inspiration et un encouragement pour les femmes de toutes les cultures.


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« Les émotions ne sont pas un obstacle ». Souvenir de Micelle Levey

Quand elle a dit que les femmes pouvaient progresser plus profondément et plus vite que les hommes dans la pratique parce que leur esprit est plus doux, j’ai été surprise. Je pensais que cette douceur était aussi porteuse d’émotion et donc de plus d’agitation de l’esprit. Beaucoup de femmes pensent que les émotions sont un obstacle mais Dipa Ma a dit : « La tendance des femmes à être plus émotives n’est pas un obstacle à la pratique. » Puis elle nous a donné le conseil suivant : « Contentez-vous simplement d’observer les émotions, ne vous identifiez pas à elles. Développez toujours plus l’attention, l’observation et la concentration. »


« Douceur et force ». Souvenir de Kate Wheeler

Elle combinait harmonieusement douceur, simplicité et force. Le fait qu’elle soit une femme avec tant de profondeur et tant d’autorité signifiait beaucoup pour moi. Rien dans son apparence ne la faisait ressembler à quelqu’un qui allait nous guider. Elle ne mesurait pas un mètre quatre-vingts et ne portait pas un costume. C’était un petit bout de femme, toute menue. Mais sa présence nous électrifiait parce qu’elle avait réussi, elle était allée au-delà de ce que nous pouvions concevoir. Cela voulait dire que moi aussi je pouvais y arriver.


« Un phare ». Souvenir de Michele McDonald

A l’époque où je l’ai rencontrée, il n’y avait pratiquement que des modèles masculins, des enseignants hommes, des bouddhas hommes. Rencontrer une femme qui vivait dans le monde avec sa fille et son petit-fils et qui était aussi pleinement éveillée, eut sur moi un retentissement plus fort que je ne puis l’exprimer. Elle incarnait ce que je souhaitais être au plus profond de moi. Même si j’étais déjà bien engagée dans la pratique quand je l’ai rencontrée, elle m’a donné le sentiment que la libération était accessible. Elle y était arrivée. Ce n’était pas juste une idée. Pour moi qui vivais dans le monde, la voir comme une femme qui évoluait elle aussi dans le monde m’a fait aussitôt songer : « Si elle peut y arriver, je le peux aussi. » Elle est comme un phare, une lumière vers laquelle je me tourne quand j’ai besoin de courage pour continuer à avancer sur la voie.


Question de Joseph Goldstein

Dipa Ma a dit un jour : « Les femmes ont un avantage sur les hommes parce que leur esprit est plus souple… C’est peut-être difficile à comprendre pour les hommes parce que ce sont des hommes. » Je lui ai demandé : « Y a-t-il tout de même de l’espoir pour nous ? » et elle a répondu : « Le Bouddha était un homme, Jésus était un homme, donc il y a de l’espoir pour les hommes aussi. »