Le Dhamma de la Forêt


L’attention doit s’accompagner de sagesse

Bhante Gunaratana

Traduit par Jeanne Schut
http://www.dhammadelaforet.org/ 


Être attentifs à ce que nous faisons ne va pas suffire à éliminer l’avidité, l’aversion et l’ignorance1 qui obscurcissent notre esprit. C’est un peu comme être en samadhi : en nous concentrant sur un point unique, nous calmons l’esprit mais cela ne suffit pas à nous libérer de toutes les pollutions mentales. Pour cela, il faut passer à l’étape suivante, vipassana, la vision profonde qui éveille la sagesse qui est en nous.

En général, quand nous croyons être attentifs dans notre quotidien, il manque ce facteur crucial : la sagesse. L’attention doit être doublée de sagesse – sati-pañña – et, pour ce faire, elle doit être constamment accompagnée des trois racines bénéfiques : la générosité, la bienveillance et la sagesse2. Autrement dit, quand nous considérons une chose, une personne ou une situation, nous devons veiller à l’envisager sans avidité, sans aversion ni indifférence mais, au contraire, avec générosité, bienveillance et sagesse. De cette manière, nous ne permettons pas à l’esprit d’être obscurci par les pollutions mentales.

Avec sati-pañña, la générosité, la bienveillance et la sagesse qui sont en nous sont activées et elles ont ainsi le pouvoir de minimiser les pollutions mentales. Sans sati-pañña, ce sont les racines nocives qui ont le dessus et, sans nous en rendre compte, nous développons toujours plus d’avidité, d’aversion et d’ignorance.

Comment éveiller en nous sati-pañña lorsque nous observons quelque chose ou que nous nous trouvons dans une situation particulière ? Nous devons simplement nous rappeler l’aspect impermanent, insatisfaisant et impersonnel de tout ce que nous voyons ou vivons. Cette façon de considérer les choses nous permet de nous souvenir que tout ce que nous voyons et ressentons ne cesse de changer, que cette réaction que nous avons ne durera pas. Nous changeons et les situations changent aussi. Avec sati-pañña nous nous souvenons que tout est impermanent. Cette compréhension de l’impermanence nous permet de lâcher nos réactions premières, brouillées par les kilesa.

De plus, quand nous voyons avec sagesse que tout ce qui est insatisfaisant est également impermanent, nous faisons le lien entre insatisfaction et impermanence. Enfin, lorsque nous sommes attachés à une chose ou à une situation qui va inévitablement finir par changer et disparaître, et, de ce fait, nous faire souffrir, nous comprenons que nous ne maîtrisons rien. C’est ainsi qu’avec une attention doublée de sagesse, nous voyons clairement que ce qui est impermanent et insatisfaisant est également impersonnel.

N’oublions jamais qu’un véritable état d’attention est un état d’esprit empli de générosité, de bienveillance et de sagesse, ainsi que de compassion, de joie altruiste et d’équanimité. Chaque fois que nous posons notre attention sur quelque chose ou que nous nous trouvons dans une situation particulière, posons-nous la question : « Ces facteurs sont-ils présents dans mon esprit ? » S’ils ne le sont pas, nous ne pratiquons pas l’attention telle qu’enseignée par le Bouddha.


1 Les trois grandes catégories de kilesa appelées « pollutions mentales » ou « racines nocives ». Le mot « ignorance » se réfère à une sorte de confusion mentale qui ne nous permet pas de voir le non-soi. On l’identifie aussi souvent à de l’indifférence.
2 Ici, ce mot peut également être entendu comme « discernement ».