Le Dhamma de la Forêt |
L’attention et l’image de la jarre d’huile
Extrait d’un enseignement donné au monastère international
de Thaïlande, Wat Pah Nanachat.
Pour expliquer la pratique de
l’attention, le Bouddha a donné l’image d’une jarre remplie d’huile.
Un homme doit transporter une grande
jarre d’huile en traversant la place du marché, au milieu d’une foule réunie
autour du spectacle d’une belle danseuse. L’homme n’a pas le droit de renverser
une seule goutte d’huile parce qu’il est suivi d’un garde qui lui couperait la
tête si cela arrivait.
Imaginez-vous dans cette
situation : vous portez la grosse jarre, où allez-vous diriger votre
attention ? Vous ne pouvez pas vous permettre de tourner les yeux vers la
belle danseuse ni de vous laisser distraire par la foule. Il est probable que
votre attention portera essentiellement sur la jarre. Toutefois vous ne pouvez
pas ignorer l’état du chemin car il faut en éviter les embûches. Il faut aussi,
de temps à autre, regarder à droite et à gauche pour éviter les obstacles et
puis revenir à votre objet d’attention numéro un : la jarre d’huile. Votre
attention est donc tournée vers la jarre d’huile la plupart du temps mais, de
temps en temps, vous regardez devant vous pour voir si la voie est libre.
Voilà à quoi le Bouddha compare la
pratique de sati, l’attention. Quant
à sampajañña, la claire
compréhension, elle consiste à retirer son attention de l’objet de sati pendant un instant, pour voir
l’ensemble du contexte dans lequel on agit : que se passe-t-il
d’autre ? Y a-t-il des problèmes ou des obstacles qui se présentent ?
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La pratique et l’image du pain
Extrait de
l’enseignement audio intitulé “Mindfulness
has many choices”.
Les moines doivent veiller à ne pas
parler de choses qui sont au-delà du langage.
Notre maître disait que c’est comme
si on voulait parler du pain. A quoi ressemble le pain ? Quel est le goût
du pain ? Nous pouvons nous efforcer de décrire en long et en large à quoi
ressemble le goût du pain à quelqu’un qui n’en a jamais mangé mais quel serait
l’intérêt de cet exercice ?
Il serait bien plus efficace
d’apprendre à cette personne à faire du pain — quels sont les ingrédients,
comment mélanger farine, eau et levain, quelle doit être la température du four,
et combien de temps le pain doit y cuire — et puis dire à la personne : « Mélangez
ces ingrédients, faites-les cuire de telle et telle façon, et vous obtiendrez
du pain. Ainsi vous saurez par vous-même ce qu’est le pain et quel goût il
a. »
Cette attitude directe et pragmatique
est exactement l’attitude que nous adoptons dans le bouddhisme pour transmettre
une formation spirituelle. Nous évitons de trop philosopher et de faire trop de
spéculations métaphysiques. Nous préférons partir de là où nous sommes
maintenant.
Dans la culture occidentale, on a
plutôt l’habitude de partir d’un idéal et puis de s’appliquer ensuite à suivre
cet idéal dans la vie. Mais cette approche a un point faible : elle a
tendance à engendrer, chez celui qui la vit, un sentiment de culpabilité et
d’inadéquation.
« Tu devrais être bon, tu
devrais être serviable, tu devrais être comme ceci et comme cela. » Et
puis, quand on s’aperçoit que l’on n’est pas tout à fait aussi bien qu’on le
voudrait, on s’inquiète de ne pas savoir comment changer et s’améliorer. Ce
sentiment de ne pas être comme on voudrait être a toujours été un élément
central de la psychologie occidentale, n’est-ce pas ?
Par contre, le bouddhisme part de là où on en est maintenant. On observe la situation telle qu’elle est maintenant et puis on voit comment, pas à pas, on peut l’améliorer.
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L’impermanence et l’histoire du chili doux
Extrait d’un enseignement donné au monastère international
de Thaïlande, Wat Pah Nanachat.
Il y a une énorme différence entre
accepter l’idée d’impermanence sur un plan intellectuel et vraiment pénétrer la
réalité de l’impermanence avec sagesse. Il est probable que pas une personne au
monde, quelle que soit sa nationalité ou sa religion, ne contestera que les
choses changent. Mais au-delà de la compréhension immédiate et superficielle du
changement, se trouve un point où la véritable perception du changement vous
transforme. Ce point ne peut être atteint qu’avec la pratique, quand on réalise
à quel point on a recherché le bonheur dans des choses qui ne durent pas.
Telle est l’erreur fondamentale que
nous commettons tous parce que nous ne voulons pas nous souvenir, nous ne
voulons pas voir la réalité des choses. Nous préférons garder un léger espoir
que certaines choses peuvent peut-être durer.
Cela me rappelle une histoire de
Mulla Nazruddin. Un jour quelqu’un le voit en train de manger des chilis
(piments extrêment piquants) qu’il sortait d’un sac. Les chilis étaient si
forts que des larmes coulaient sur son visage. L’homme lui demande :
« Mais pourquoi continues-tu à manger ces chilis ? » et Mulla
répond : « Parce que j’espère en trouver un qui sera doux. »
Nous sommes exactement pareils. Nous
nous disons que peut-être, un jour ou l’autre, nous trouverons un chili doux — une
situation qui ne sera pas impermanente comme toutes celles que nous avons déjà
vécues. Le côté rationnel de l’esprit dit que ce n’est pas possible mais il
reste un désir latent sur le plan émotionnel.
Deux jeunes gens sur un canot au
clair de lune disent : « Si seulement cette soirée pouvait ne jamais
finir » ; mais ils ne le souhaitent que parce qu’ils savent que c’est
impossible. En fait, ce serait affreux si cette soirée devait durer une
éternité, vous ne croyez pas ?
Les gens croient que le bonheur est
un plaisir qui dure toujours, mais le bonheur ne fonctionne pas ainsi. Si la
soirée à pagayer sur le canot durait trop longtemps, les jeunes gens seraient
vite fatigués de pagayer ; l’excitation elle-même est fatigante ! En
réalité, il n’est guère possible de se délecter longtemps d’une même chose,
l’avez-vous remarqué ? Combien de temps pouvez-vous apprécier quelque
chose avant que cette chose ne vous ennuie ?
Une personne sans sagesse est comme
un homme qui se noie et qui s’accroche à n’importe quelle paille pour tenter de
survivre. Mais la paille est fragile et rien ne dure. Rien ne vous apportera
jamais un bonheur permanent.
Le Bouddha nous a fait part de ses
réflexions à ce propos : « Avant mon Eveil, bien qu’étant sujet à la
naissance, au vieillissement et à la mort, je recherchais le bonheur dans les
choses qui étaient elles-mêmes sujettes à la naissance, au vieillissement et à
la mort. » Il a réalisé que cette
quête n’était pas digne d’une personne intelligente et cela l’a conduit à ce
qu’il appelle « la noble quête ». Ce n’était pas la quête de plaisirs
matériels mais la quête de la Libération.