Le Dhamma de la Forêt


La paix qui est en nous

Ajahn Liem

Traduit par Jeanne Schut

http://www.dhammadelaforet.org/



Enseignement donné par Ajahn Liem, le successeur d’Ajahn Chah au monastère Wat Nong Pah Pong,
le 13 septembre 1988, pendant la Retraite des pluies.



Première partie


La pratique de la vision pénétrante (vipassana) a pour but de rendre les choses claires et lumineuses, comme lorsque l’on appuie sur un interrupteur pour éclairer une pièce. La lumière permet de voir, simplement et clairement, les caractéristiques des choses telles qu’elles sont. La vision claire de vipassana nous apporte une connaissance juste et met fin à notre vision erronée de la réalité. Pour ce faire, nous devons avoir détermination, modération et patience, et ces qualités doivent être ancrées dans la foi et la confiance. Quand l’esprit est déterminé, il est naturellement appliqué et plein d’énergie ; sans cette détermination, la paresse et les mauvaises excuses, alimentées par le sentiment de notre propre importance, prennent le dessus et nous tirent vers le bas.

Avant que la pratique de vipassana puisse éclairer et illuminer notre compréhension, il est nécessaire de mettre en place des conditions favorables. Nous devons tenir compte aussi bien des circonstances extérieures de notre environnement que des conditions intérieures de notre état d’esprit, faute de quoi nous ne pourrons pas progresser. On peut comparer cette pratique au travail d’un fermier : avant de faire ses plantations, le fermier doit prendre en considération la saison, l’environnement et le terrain. Les cultures dépendent de la saison parce qu’elles ont besoin d’eau ; la saison des pluies est donc la plus appropriée pour planter le riz. Mais le champ doit aussi être bien préparé, et c’est par là que le fermier commencera son travail. Les outils et les moyens de travailler dans les rizières sont évidemment nombreux et variés. Il faudra de nombreux mois de soins avant que le riz pousse, et encore beaucoup d’efforts pour transformer les grains de riz en un produit consommable. Tout ce travail devra être accompli avec soin, selon les méthodes justes et les techniques adéquates. Il en va de même pour notre pratique de la méditation.

Il est important que nous sachions pourquoi nous pratiquons. Notre objectif, c’est santi. Santi signifie « tranquillité » ou « paix ». Il y a d’autres formes de bonheur qui sont assez faciles à comprendre comme, par exemple, construire une habitation pour se protéger de la chaleur et de la pluie ; cela apporte un confort physique, c’est un bonheur matériel. Mais les enseignements du Bouddha nous invitent à trouver le bonheur de la liberté, à être libres de tout attachement, libres de tout ce qui pollue l’esprit. Quand le cœur et l’esprit sont libérés de tous leurs fardeaux et atteignent la pureté, ils reposent dans leur propre paix et dans leur propre tranquillité. C’est ce que l’on appelle « santi ».

Santi, ce sentiment de paix, est le fruit d’un processus de préparation qui implique un entraînement à l’application et à l’effort, aussi bien à un niveau élémentaire qu’à un niveau plus raffiné. Au niveau élémentaire, cela signifie être attentif à son comportement physique, à ses manières de faire, à ses paroles. Au niveau raffiné, il s’agit d’être conscient de ses pensées et des ressentis qui se présentent, la plupart étant pollués, malsains ou empoisonnés – ce que le Bouddha a appelé les asava. Travailler avec eux exige énormément de finesse.

Il faut comprendre aussi bien les aspects élémentaires que les aspects raffinés de la pratique et utiliser des méthodes pour les passer au crible et les tamiser, comme on filtre de l’eau sale : si on utilise un système de filtrage grossier, on obtiendra de l’eau encore sale ; mais si le système de filtrage est raffiné, comme lorsqu’on filtre avec différents éléments minéraux, on obtiendra une eau de plus en plus propre.

Il en va de même pour notre pratique. Nous devons établir des principes et maintenir une ligne directrice. Dans ce monastère, nous avons des pratiques quotidiennes régulières. En fin d’après-midi, le son du gong vient nous rappeler à nos responsabilités spirituelles. C’est le signal qu’il est temps d’arrêter nos autres activités – affaires personnelles ou travaux de groupe – qui sont des préoccupations extérieures, et de mettre un terme aux soucis que ces activités peuvent nous causer. Notre tâche, maintenant, est de venir travailler à un niveau plus raffiné. Nous devons nous appuyer sur notre détermination et nous appliquer avec assiduité. C’est dans cet esprit que nous nous réunissons. À seize heures, nous prenons une douche puis, quand nous entendons le gong, nous mettons notre vêtement du dessus en laissant l’épaule droite découverte en signe de respect ; les moines ordonnés mettent aussi leur vêtement d’extérieur plié sur l’épaule gauche. Nous apportons à la salle de méditation tout autre objet qui nous est nécessaire, et cela se fait avec une intention saine et une attitude positive. Notre intention est de désactiver les pensées égoïstes, les différentes formes de paresse ou de réticence à participer. Nous faisons l’effort de retrancher ces aspects négatifs et nous nous engageons à pratiquer avec révérence et respect, avec énergie et motivation.

Certains obstacles mentaux peuvent subsister mais ils n’entravent que les faibles. Les forts n’en seront pas gênés parce qu’ils ne leur accorderont aucune importance. Les faibles ou les indécis leur accordent de l’importance, c’est pourquoi ils en sont perturbés. Mais les plus dynamiques ne s’y attacheront pas, sachant que se saisir des poisons mentaux ne peut pas conduire au bien-être intérieur.

Lorsque nous arrivons dans la salle de méditation, c’est avec l’intention de nous asseoir ensemble. Nous nous inclinons devant le Bouddha pour lui rendre hommage, puis nous nous asseyons pour méditer. Nous nous efforçons d’avoir une posture correcte. Cette posture très particulière nous permet d’atteindre, dès le début, un état de connaissance et de vision intérieure. Une fois assis, nous découvrons qu’il y a encore des difficultés à dépasser. Parfois c’est le corps qui fait obstacle – le Bouddha a appelé cela khandamara (khanda se traduit par « groupes » ou « agrégats », tandis que mara est ce qui fait obstacle). Le corps demeure un obstacle pour ceux qui ne sont pas encore fermes et résolus dans leur engagement. Toutes sortes de ressentis peuvent apparaître – faiblesse, nausée, fièvre, maux et douleurs, faim, soif, inconfort dû aux mouches et aux moustiques, au chaud et au froid, etc. – et les plus timorés les considèrent comme des obstacles. Mais ceux dont l’esprit est ferme, centré, sincère et déterminé, savent qu’il s’agit simplement de faits naturels de ce monde. Si nous nous libérons du monde conditionné, il n’y aura pas de khanda et, par conséquent, ni maux ni douleurs car ceux-ci sont invariablement liés aux khanda. La fièvre, la maladie, tout ce qui menace notre santé arrive avec cet ensemble d’éléments que nous appelons « le corps ». Il est impossible d’avoir un corps sans avoir de tels problèmes. Où pourraient-ils apparaître sinon dans le corps ? Alors, nous observons ces situations avec un certain recul, en considérant qu’elles ne constituent pas un problème pour nous, qu’elles sont simplement une composante nécessaire de la vie dans ce corps. Il n’est pas nécessaire que nous les considérions comme des difficultés ou des entraves. Dans notre entraînement, nous devons faire preuve de retenue et de tolérance.

Lorsque nous nous asseyons pour méditer, notre esprit peut aussi être soumis aux cinq obstacles comme, par exemple, l’attachement aux diverses formes de sensualité. Si nous nous angoissons du fait de notre attachement à certains objets matériels parce que nous craignons de les perdre ou qu’ils nous soient volés, pensant qu’ils nous manqueront terriblement, de telles pensées exacerbées nous priveront de détermination. Voilà pourquoi nous mettons de côté tous ces soucis. Ils sont comme les couches extérieures de l’écorce d’un arbre, pas son cœur, et ils ne nous conduiront pas à la paix, à santi. Alors, nous les tranchons et nous en faisons abstraction. Nous apprenons à considérer les sensations physiques désagréables et les inconforts comme des situations normales du corps. Il est naturel que nous ressentions la douleur et la maladie parce qu’elles sont des composantes de l’état ordinaire de tout être conditionné et, de ce fait, elles sont inévitables. Avec cet état d’esprit déterminé, nous nous efforçons d’abandonner les obstacles à la pratique, notamment les différents khandamara, de façon à être libres de tout souci, libres des inquiétudes qui ternissent l’esprit. Nous nous appliquons avec détermination pour pratiquer avec diligence, pour assumer notre responsabilité en créant les conditions nécessaires pour qu’apparaissent la connaissance et la vision pénétrante, les causes de santi.

En réalité, nous avons déjà tous les éléments nécessaires à notre pratique ; nous ne manquons de rien à cet effet. La raison pour laquelle notre pratique n’a pas encore atteint son but, c’est que notre attention et notre claire compréhension sont déficientes. Ces deux qualités jouent un rôle extrêmement important. Elles nous soutiennent en éveillant la vigilance et la conscience de soi, qui ne sont pas faciles à maintenir du fait de la distraction causée par les objets mentaux. Par conséquent, nous devrions travailler à développer et à renforcer l’attention et la claire compréhension.

Jusqu’à présent, nous avons permis à l’esprit de suivre librement toutes les pensées qui lui venaient, ce qui a créé excitation et stimulation, et ne lui a pas permis de se stabiliser. Nous allons maintenant essayer de développer l’attention et la sagesse en prenant un seul objet mental pour nous aider dans cette bataille : le processus de la respiration. Il y aura des obstacles mais nous nous appuierons sur la force de notre détermination pour nous appliquer de notre mieux. Le fait de concentrer notre attention sur un seul objet apporte de l’énergie à notre pratique et lui donne un fondement solide. C’est aussi un moyen très efficace de repousser toutes les distractions possibles. L’objet de méditation qui nous sert de base pour développer la conscience de soi, est déjà présent dans cet ensemble corporel ; c’est l’un des éléments qui le composent. L’élément air que nous inspirons et expirons est un moyen efficace pour apaiser l’esprit, le libérer des obstacles et le préparer ainsi à la pratique de vipassana ou vision pénétrante.

Quand on s’incline devant le Bouddha, avant de s’asseoir en méditation, on devrait se dire : « Maintenant, je vais observer mon esprit, veiller sur lui et en prendre soin en éloignant tous les ennemis invisibles qui pourraient l’attaquer. » Ces attaquants sont les phénomènes mentaux qui apparaissent en fonction de certaines causes et conditions. Ils sont sans forme mais il faut tout de même les affronter, ce qui nécessite l’usage d’un objet mental fin, solide et stable. Une fois que nous avons choisi le processus respiratoire comme objet de méditation, nous concentrons notre attention pour être présents et conscients à chaque inspiration et à chaque expiration. Quand nous inspirons, nous le savons : « J’inspire » ; et quand nous expirons, nous le savons : « J’expire ». Nous avons le sentiment d’être à la fois avec l’inspiration et l’expiration. Nous devons veiller à ne pas permettre au moindre obstacle de venir bloquer cette observation, à ne rien laisser se faufiler dans cette zone protégée.

D’ordinaire, si nous avons réussi à abandonner les différentes formes d’inquiétude qui ont tendance à apparaître, nous risquons de trop relâcher l’attention, permettant ainsi à l’obstacle de la torpeur de prendre le dessus. Nous devons maintenir une présence consciente en pointant clairement notre attention sur l’activité de l’esprit. Les pensées et les ressentis qui lui parviennent, de même que les impressions et les formations mentales, peuvent nous faire dévier et nous faire perdre notre attention. Nous sommes alors piégés par une bonne ou une mauvaise humeur, ou par une façon de penser, ou bien nous sommes distraits par des objets extérieurs via les oreilles ou les yeux. Si notre attention n’est pas fermement établie, nous risquons d’être éloignés de la voie et d’être ensuite assaillis de tous côtés par les obstacles : prolifération mentale, irritation, agitation, doutes et hésitations ; sensations inconfortables, voire douloureuses, comme si le corps allait se briser ; besoin d’aller aux toilettes ; morosité et réticence à faire le moindre effort. Tout cela peut se produire et, si nous n’avons pas préparé l’esprit à être déterminé, nous pouvons être emportés par cette marée. Nous devons être fermes et résolus. Quand de tels symptômes apparaissent, nous pouvons les juguler en utilisant un parikamma, c’est-à-dire un mot de méditation. Nous l’évoquons comme un nimitta, une image mentale. Sans émettre de son mais en implantant une image dans l’esprit conscient, nous récitons « boud-» sur l’inspiration et « dho »  sur l’expiration. Lorsque nous aurons travaillé dur pour vraiment installer bouddho pleinement et complètement, il n’existera plus d’obstacles ni d’entraves. Nous pourrons alors changer l’objet de notre attention et la centrer sur l’esprit lui-même et sur ce qu’il contient. Nous nous appuierons sur la conscience de soi dont la vigilance et la présence permettent de véritablement savoir ce qui est. Il arrive souvent qu’à ce stade, on soit assailli par des difficultés parce qu’on aura lâché les rênes et ralenti ses efforts. Quand on relâche trop l’attention, le désir s’infiltre et s’installe. Mais si on ne faiblit pas dans ses efforts et qu’on ne laisse pas le désir s’installer, il n’y aura pas de problème.

Notre attention se pose donc maintenant sur l’esprit et se focalise pour savoir ce qu’est la « conscience mentale ». On pourrait croire que l’on se réfère à l’esprit comme à un objet matériel mais ce n’est pas le cas. Le processus de prise de conscience est la fonction immatérielle de l’esprit recevant des impressions sensorielles comme la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher et les formations mentales. Nous observons cette conscience sensorielle et nous reconnaissons qu’il s’agit simplement d’une partie des composantes matérielles et immatérielles que nous prenons pour « moi ».

La connaissance engendrée par l’observation de l’esprit renforce notre présence consciente et notre capacité à répondre à ce qui se présente. Nous ne suivons pas les tendances négatives de l’esprit ; nous les écartons. Nous suivons ses tendances positives qui renforcent ce qui, en nous, est capable de détruire le monde illusoire du « moi ». Nous étudions toutes les fonctions de l’esprit, nous voyons qu’elles sont impersonnelles, nous les observons sans nous en saisir ni les identifier.

Si l’esprit est sain, il cherchera à simplifier et à réduire. Il déblayera les détritus en ne permettant pas à des sentiments de « moi » ou de « mien » d’apparaître. Quand l’esprit sain s’engage dans quelque chose, c’est avec une pleine conscience. Il ne s’engage pas sans conscience. La conscience de soi est présente. De ce fait, notre pratique engendre de plus en plus de fermeté et de force. De même que des grains de riz semés dans un champ et recevant toutes les conditions environnementales favorables comme pluie, arrosage, engrais, atmosphère, soleil et moment approprié, ne succomberont pas à la maladie mais pousseront, s’épanouiront et développeront force et immunité, de même notre pratique de la méditation s’épanouira.

Notre présence consciente est bien établie dans chaque instant et nous nous sentons pleins de résolution et de courage. Nous ne prêtons aucune attention aux choses extérieures comme le corps. Quelle que soit la durée de l’assise, cela ne nous inquiète pas, cela nous semble sans importance. C’est voir et savoir – le fait de voir et de savoir ce qui se passe dans l’esprit – qui est pour nous de première importance car nous sentons que c’est là que tous les problèmes peuvent être tranchés, que nos difficultés peuvent arriver à leur terme.

C’est ainsi qu’est créée la cause permettant l’apparition de la connaissance et de la vision profonde. Le Bouddha nous a recommandé de maintenir une attention pleinement consciente au moment de nous asseoir, au moment d’observer, au moment de connaître et au moment de voir. Lorsque nous observons quelque chose ou que nous en prenons conscience, que ressentons-nous ? Lorsque nous voyons, que ressentons-nous ? Une fois que nous avons vu, qu’emportons-nous avec nous ? Voir vraiment, a dit le Bouddha, c’est voir avec la vision juste, c’est voir avec la vacuité, libre de toute saisie et de tout attachement. Lorsque nous voyons des objets mentaux, nous voyons qu’ils sont sans substance et qu’ils ne conduisent pas à la paix. Alors, nous les posons et nous ne nous en occupons plus. Ainsi, les objets mentaux sont déposés selon le niveau de notre pratique : plus notre pratique se développe, plus ils sont apaisés.

Notre pratique fait la distinction entre l’esprit et ses objets, les objets de l’esprit et l’esprit lui-même. Ainsi, « celui qui voit » et « celui qui est » sont considérés comme des aspects séparés. Ils existent ensemble en tant qu’états de connaissance – de vision – et d’être qui peuvent être observés dans ce processus. Telle est la méthode de notre pratique : faire nettement la distinction entre l’état de voir et l’état d’être. Une fois cette distinction faite, rien ne peut plus obscurcir l’esprit. L’état de l’esprit et son objet peuvent être reconnus et identifiés. « Celui qui sait » est celui qui sait que l’esprit est l’esprit et que l’objet de l’esprit est l’objet de l’esprit. Par conséquent, les objets mentaux ne sont pas en mesure de le perturber ni de le tromper. Voilà le type de connaissance qui apparaît. On voit chaque objet de l’esprit comme étant vide de toute substance, comme un leurre, une simple illusion, quelque chose d’insignifiant, comme un jouet d’enfant. On ne lui accorde aucune valeur. On a juste envie de poser ce genre de chose, de déposer les objets mentaux. On n’a aucun plaisir à les voir apparaître mais aucun déplaisir non plus. C’est la paix.

Telle est la paix de l’isolement. Le même isolement que l’on peut connaître à la nuit quand les gens cessent d’aller et venir. Quand il n’y a plus personne alentour, tout est calme et paisible – c’est la même chose. Même si notre capacité à percevoir est toujours bien présente, les phénomènes mentaux ne prennent tout simplement pas le dessus. On existe dans un état de vacuité, d’équanimité, libre du « moi ». Il n’y a pas d’être, pas de personne, pas de « j’aime » et « je n’aime pas », pas d’amour, pas de haine ou de colère. On demeure dans un espace frais et rafraîchissant, avec un sentiment de grande paix et d’isolement. Voilà ce qu’est l’expérience de santi, la paix de santi. La conscience de ce qui se passe est toujours présente et totale, mais on n’a pas de désir ou de soif inextinguible ; on est comme le voyageur qui a atteint sa destination et qui pose ses bagages. On n’a pas soif, on est sans soif. Le mot « soif » n’existe plus. Tout bascule et arrive à un état de paix. C’est la conscience de soi qui est à l’origine de ce processus de développement. Maintenant, quand des objets mentaux apparaissent, on est présent et conscient, de sorte qu’ils ne présentent aucun danger.

Si, dans cette pratique, nous sommes confrontés à des obstacles, des entraves et des difficultés, si nous ne parvenons pas à voir ou à comprendre, c’est parce que notre esprit n’est pas assez déterminé. C’est parce que le balayage, le dépoussiérage, l’essuyage et le lavage n’ont pas été faits. Nous n’avons pas atteint la fermeté de résolution nécessaire. C’est comme habiter dans une maison sale : on ne s’y sent pas bien ; mais une fois la maison nettoyée, on se retrouve confiant et sans crainte.

Alors, au fil du temps, nous essayons d’arriver à ce stade. Ce n’est pas difficile. Le Bouddha a dit que, lorsqu’on pratique jusqu’à parvenir à santi – c’est-à-dire à la paix et au complet isolement des pollutions mentales après les avoir tranchées définitivement –, on vit ensuite avec un sentiment d’estime de soi, le cœur lumineux, l’esprit présent, éveillé et joyeux. Rien ne peut plus causer la moindre impression d’impureté ou de souffrance. Même quand les formations corporelles changent, ce ne sont que des éléments de la nature qui changent ; le ressenti intérieur n’en est pas affecté.

C’est quelque chose que nous devons essayer d’atteindre. C’est un but qui n’est pas proche et pourtant pas lointain. Nous le comprenons quand nous lisons l’enseignement sur les Quatre Fondements de l’Attention, les qualités d’un étudiant du Dhamma qui pratique pour l’amour de la connaissance et de la vision justes. Dans ce sutta, le Bouddha dit que si nous pratiquons continuellement, sans relâcher notre attention, nous pouvons nous attendre à obtenir des résultats plus ou moins rapidement : en sept jours si nous progressons vite ; en sept mois si la progression est moyenne ; et, dans le pire des cas, en sept ans. Voilà le temps alloué par le Bouddha. Il a peut-être simplement esquissé un cadre de pratique mais, si nous pratiquons ainsi en continu, nous aurons certainement l’occasion d’atteindre des résultats. Nous devrions réfléchir sérieusement à cela et ne pas bouder nos efforts. Si nous ne faisons rien ou si nous croyons que nous n’en sommes pas capables, c’est stupide, vraiment stupide, parce que l’enseignement du Bouddha n’a rien d’inabordable, il est tout à fait praticable et c’est la raison pour laquelle nous devons nous y employer.

Quand vous êtes assis en méditation, essayez de rester proches de votre objet d’attention. Essayez de pacifier tout ce qui peut apparaître d’autre. Ne vous attachez pas à des états de concentration (samādhi). Que votre but soit simplement de pacifier tout ce qui se présente – c’est suffisant. Le simple fait d’être en mesure de calmer toutes les pensées qui apparaissent suffit à éveiller motivation et énergie. Si vous avez des difficultés, c’est à cause de la foison d’entraves et de croyances erronées qui sont restées ancrées dans le passé. Ces pensées et ces souvenirs insistent pour vous faire croire qu’ils appartiennent à un « moi » ; ils vont vous perturber au point de vous empêcher de rester immobiles, que vous soyez assis ou debout. Vous ne ressentez aucune paix ; seulement frustration, fièvre et agitation. (C’est surtout vrai pour ceux qui viennent se faire ordonner pour un temps limité. Ils ont l’impression qu’ayant revêtu l’habit de moine, ils ont déjà atteint leur but et qu’il ne leur reste qu’à attendre que le temps passe.) Il est inévitable que des pensées et des émotions négatives apparaissent ; ces sentiments sont un obstacle à la pratique, ils nous empêchent d’assumer nos responsabilités. Malgré tout, nous devons faire l’effort d’entreprendre cet entraînement de l’esprit.