Le Dhamma de la Forêt |
Ajahn Mahā Boowa est l’un des grands disciples d’Ajahn Mun, ce vénérable maître qui redonna toute sa force à la Tradition de la Forêt thaïlandaise au début du XXe siècle. Il transmet ici sa propre expérience de méditant sur la Voie du Bouddha.
De nos jours, tout ce qu’il reste du bouddhisme, ce sont les paroles du Bouddha. Seuls ses enseignements – « les Ecritures » – demeurent. Je vous demande d’être bien conscient de cela. A cause de la corruption due à la nature trompeuse des kilesa [les pollutions mentales que sont l’avidité, l’aversion et les concepts erronés], les authentiques principes spirituels ne sont plus pratiqués aujourd’hui. Nous permettons constamment à notre esprit d’être agité et confus, submergé par les pollutions mentales qui nous assaillent de toutes parts. Elles dominent tellement notre esprit que nous ne nous élevons jamais au-dessus de ces influences contagieuses, même si nous essayons – et la grande majorité ne s’y intéresse même pas assez pour essayer. Les gens ferment simplement les yeux et laissent l’assaut les envahir sans essayer d’y résister le moins du monde. Comme ils n’ont pas la claire conscience qui leur permettrait d’être attentifs aux conséquences de leurs pensées, tout ce qu’ils pensent et tout ce qu’ils font et disent sont des manifestations des kilesa qui les assaillent. Il y a tellement longtemps qu’ils se sont soumis à la puissance de ces forces néfastes qu’ils n’ont plus, maintenant, de motivation pour retenir leurs pensées égarées. En l’absence de l’attention, les kilesa agissent impunément, jour et nuit, dans toutes les sphères d’activité. Ce faisant, ils ne cessent d’alourdir et d’oppresser le cœur et l’esprit des gens, partout dans le monde, avec dukkha [le mal-être, la souffrance].
Au temps du Bouddha, ses disciples directs étaient de vrais pratiquants. Ils renoncèrent au monde dans le but précis de transcender dukkha. Quel que fût leur statut social, leur âge ou leur sexe, quand ils se firent ordonner sous la direction du Bouddha, ils changèrent leurs façons habituelles de penser, d’agir et de parler pour se conformer au Dhamma [la vérité de ce qui est, de la nature]. Rejetant les kilesa, les disciples cessèrent de les suivre dès ce moment-là. Avec sérieux, effort et détermination, ils mirent toute leur énergie à purifier leur cœur, à le nettoyer de la contamination des kilesa.
Pour un méditant, le sérieux dans l’effort signifie principalement essayer de maintenir une attention présente et consciente, stable et continue, s’efforcer de veiller constamment sur tous les mouvements de l’esprit. Quand l’attention préside à toutes nos activités mentales et émotionnelles, à tout moment et dans toutes les postures, cela s’appelle « l’effort juste ». Que nous soyons en train de méditer ou pas, si nous nous efforçons sérieusement de garder notre esprit fermement centré sur l’instant présent, nous repoussons constamment la menace que représentent les kilesa. Les kilesa travaillent sans relâche à éveiller en nous des pensées relatives au passé et à l’avenir, ce qui distrait l’esprit, l’éloigne du moment présent et de la présence attentive qui maintient notre effort.
C’est pour cela que les méditants ne doivent pas laisser leur esprit vagabonder dans des pensées sur le monde, le passé et l’avenir. De telles pensées sont inévitablement liées à des kilesa et, par conséquent, elles entravent la pratique. Au lieu de suivre la tendance des kilesa à se tourner vers les affaires du monde extérieur, les méditants doivent se tourner vers l’intérieur et devenir conscients du monde de l’esprit. C’est essentiel.
C’est en grande partie parce qu’ils ne sont pas suffisamment déterminés à appliquer les principes de base de la méditation que beaucoup de méditants ne parviennent pas à obtenir des résultats satisfaisants. Je demande toujours à mes étudiants d’être très précis dans leur quête, et d’avoir un point de focalisation clair et spécifique dans leur méditation. De cette façon, ils sont sûrs d’obtenir de bons résultats. Il est important de trouver un objet d’attention approprié pour préparer correctement l’esprit à ce genre de travail. Je recommande généralement un « mot de méditation » préparatoire. La répétition mentale continue de ce mot agit comme une ancre qui pose rapidement l’esprit du méditant dans un état de calme méditatif et de concentration. Si le méditant se contente de concentrer son attention sur la présence d’une conscience dans l’esprit, sans un mot de méditation pour l’ancrer, les résultats seront inévitablement décevants. La présence connaissante de l’esprit est trop subtile pour offrir une base d’attention suffisamment ferme, de sorte que l’esprit ne tarde pas à vagabonder dans les pensées et les distractions, attiré par l’appel des sirènes des kilesa. A ce moment-là, la pratique de la méditation devient irrégulière. Par moments, elle semble progresser facilement, presque sans effort, pour soudain devenir étrangement difficile. Elle vacille et tout progrès semble perdu. Sa confiance ébranlée, l’esprit reste embourbé là. Par contre, si on utilise un mot de méditation comme une ancre qui retient solidement notre attention, l’esprit ne peut manquer d’atteindre un état de calme méditatif et de concentration dans les plus brefs délais. Il lui sera également possible de maintenir aisément cet état de calme.
Je parle par expérience personnelle. Quand j’ai commencé à méditer, ma pratique manquait de fondations solides. Comme je n’avais pas encore trouvé la bonne méthode pour veiller sur mon esprit, ma pratique était dans un état constant de flux et de reflux. Elle progressait régulièrement pendant un temps pour ensuite décliner rapidement et retomber dans son état originel de confusion. Comme je déployais des efforts intenses, mon esprit parvenait à atteindre un état de samādhi, calme et concentré, qui me semblait aussi stable et solide qu’une montagne. Cependant, n’ayant pas la méthode adéquate pour maintenir cet état, je me détendais, me reposais sur mes lauriers … et ma pratique déclinait. Or, quand elle commençait à se détériorer, je ne savais pas comment renverser le processus. Alors, j’ai longuement réfléchi pour trouver une base ferme sur laquelle je pouvais espérer stabiliser mon esprit. J’ai fini par conclure que l’attention m’avait déserté parce que mes bases étaient mauvaises : il me manquait un mot de méditation pour servir de point de focalisation à mon attention.
Je dus reprendre ma pratique à zéro. Cette fois, je commençai par enfoncer profondément un pieu dans le sol et je m’y attachai fermement quoi qu’il arrivât. Ce pieu, cette fondation, c’était bouddho, le mot qui rappelle la présence du Bouddha. Ce mot de méditation bouddho devint le seul objet de ma concentration mais je veillai aussi à ce que l’attention préside toujours à cet effort. Toute pensée de progrès ou d’échec fut mise de côté ; j’étais décidé à laisser advenir ce qui devait advenir. J’étais déterminé à ne pas me réfugier dans mes modes de penser habituels : revenir sur le passé, comme penser au temps où ma pratique était bonne et comment elle s’était détériorée ; imaginer l’avenir, comme espérer que, grâce à mon puissant désir de réussite, le sentiment de contentement que j’avais autrefois referait surface de lui-même. En laissant mes pensées s’évader de cette manière, je n’avais pas réussi à créer la « condition » qui aurait pu entraîner les résultats désirés ; tout ce que je voulais, c’était constater un progrès mais, à chaque fois, j’avais été déçu car ce progrès n’arrivait pas. Car, il faut le dire, le désir de réussite n’engendre pas la réussite ; seul un effort plein de présence attentive y parvient.
Cette fois, je résolus de laisser arriver ce qui arriverait. M’inquiéter d’un progrès ou d’un échec avait été source d’agitation et m’avait distrait, m’éloignant de l’instant présent et de la tâche à accomplir. Seule la répétition pleinement consciente de bouddho pouvait empêcher ma méditation d’avoir des hauts et des bas. Il était capital que je centre mon attention sur la conscience de l’instant présent. Les pensées vagabondes ne devaient plus être autorisées à perturber la concentration.
Pour pratiquer la méditation sérieusement dans le but de mettre un terme à toute souffrance, vous devez être entièrement engagé dans ce que vous faites, à chacune des étapes du chemin. Rien de moins qu’un engagement total permettra d’y parvenir. Pour aller jusqu’aux niveaux les plus profonds du samādhi [la méditation de la concentration] et toucher aux niveaux les plus profonds de la sagesse, vous ne pouvez pas vous permettre d’être « tiède » et indolent, toujours hésitant parce qu’il vous manque les principes fermes qui doivent guider votre pratique. Les méditants qui ne sont pas fermement engagés dans les principes de leur pratique peuvent méditer leur vie entière sans obtenir les résultats recherchés. Dans les premières étapes de la pratique, vous devez trouver un objet de méditation stable qui va ancrer votre esprit. Ne vous fixez pas négligemment sur un objet ambigu comme la conscience toujours présente en tant que nature intrinsèque de l’esprit. Sans un objet d’attention précis pour soutenir votre esprit, il sera pratiquement impossible d’empêcher votre attention de s’échapper. C’est la formule garantie pour l’échec. Au bout du compte, vous serez déçu et vous n’aurez plus envie d’essayer.
Quand l’attention perd son point d’ancrage, les kilesa s’engouffrent pour attirer votre attention vers un lointain passé ou un futur à venir. L’esprit s’agite et vagabonde dans le paysage mental sans jamais rester un instant calme ni satisfait. Voilà comment les méditants perdent pied en voyant leur pratique de méditation s’effondrer. Le seul antidote est un point d’attention unique et simple comme un mot de méditation ou la respiration. Choisissez celui qui semble vous convenir le mieux et puis concentrez-vous fermement sur cet unique objet à l’exclusion de tout autre chose. Un engagement total est essentiel à cette tâche.
Si vous choisissez la respiration comme point d’ancrage, prenez pleinement conscience de chaque inspiration et de chaque expiration. Soyez attentif à la sensation créée par le mouvement de la respiration et fixez votre attention sur le point où cette sensation est la plus clairement perçue, où la sensation de la respiration est ressentie le plus fort – par exemple, au bout du nez. Assurez-vous que vous êtes conscient de l’instant où l’air entre et de l’instant où il sort mais ne le suivez pas tout le long – restez simplement centré sur le point par lequel l’air passe. Si cela peut vous aider, ajoutez à cette observation la répétition silencieuse du mot bouddho en pensant boud- au point de l’inspiration et –dho au point de l’expiration. Ne permettez pas à des pensées vagabondes d’interférer dans votre pratique. Il s’agit d’un exercice d’attention à l’instant présent, alors demeurez vigilant et pleinement attentif.
Tandis que l’attention se stabilise peu à peu, l’esprit va cesser de prêter attention aux pensées et aux émotions négatives. Il va perdre tout intérêt pour ses préoccupations habituelles. N’étant pas distrait, il se stabilisera de plus en plus dans le calme et la tranquillité. En même temps, la respiration qui, au début, était assez grossière, va devenir plus fine au point même de disparaître complètement de votre conscience. Elle devient si subtile et fine qu’elle finit par disparaître. A ce moment-là, il n’y a pas de respiration consciente ; seule demeure la nature connaissante essentielle de l’esprit.
Mon choix fut de méditer avec bouddho. Dès l’instant où je pris cette résolution, j’empêchai mon esprit de s’éloigner de la répétition du mot bouddho. Depuis le moment où je me réveillais le matin jusqu’au moment où je m’endormais le soir, je m’efforçais de ne penser qu’à bouddho. En même temps, je cessai de me préoccuper de notions de succès ou d’échec : si ma méditation devait progresser, elle progresserait avec bouddho ; si elle devait échouer, elle échouerait avec bouddho. Dans tous les cas, bouddho était ma seule préoccupation. Tout le reste ne me concernait plus.
Maintenir une telle concentration sur un seul objet n’est pas chose facile. Je dus littéralement forcer mon esprit à rester lié à bouddho à tout moment et sans interruption. Que je sois assis en méditation, en train de marcher en méditation ou simplement en train d’accomplir mes tâches quotidiennes, le mot bouddho résonnait profondément dans mon esprit à tout moment. De par ma nature, j’ai toujours été extrêmement déterminé et de caractère entier ; dans la situation, cette tendance fut un avantage. Je finis par être si sérieusement engagé dans cette tâche que rien n’aurait pu ébranler ma résolution. Aucune pensée vagabonde ne pouvait séparer mon esprit de bouddho.
Travaillant à cette pratique jour après jour, je veillais constamment à ce que bouddho résonne en harmonie avec ma conscience de l’instant présent. Bientôt, je vis les résultats de calme et de concentration apparaître clairement dans le citta, la nature connaissante essentielle de l’esprit. C’est à ce stade que je commençai à voir la nature très fine et très subtile du citta. Plus j’intériorisais bouddho, plus le citta devenait subtil jusqu’au moment où la subtilité de bouddho et la subtilité du citta se fondirent l’une dans l’autre pour ne faire qu’une seule et même essence de connaissance. Je ne pouvais pas séparer bouddho de la nature subtile du citta. J’avais beau essayer, je ne parvenais pas à faire apparaître le mot bouddho dans mon esprit. Grâce à mon application et à ma persévérance, bouddho était devenu si étroitement unifié au citta que le mot lui-même n’apparaissait plus dans ma conscience. L’esprit était devenu si calme et paisible, si profondément subtil, que rien, pas même bouddho, ne résonnait en lui. Cet état méditatif est similaire à la disparition du souffle mentionnée ci-dessus.
Quand cela se produisit, je me sentis désorienté. J’avais basé toute ma pratique sur le maintien incessant de la répétition de bouddho mais, maintenant que bouddho n’était plus apparent, où allais-je poser mon attention ? Jusqu’à ce moment-là, bouddho avait été mon point d’ancrage et, maintenant, il avait disparu ! J’essayai de toutes mes forces de retrouver ce point de concentration mais il était perdu. J’étais dans une impasse. Tout ce qui restait, à ce moment-là, c’était la nature connaissante profondément subtile du citta, une conscience pure et simple, brillante et claire. Il n’y avait, dans cette conscience, rien de concret à quoi m’attacher.
Je réalisai alors que rien n’envahit la sphère d’attention de l’esprit quand la conscience – sa présence connaissante – atteint un niveau aussi subtil et profond. Je n’avais plus de choix : ayant perdu bouddho, il ne me restait qu’à concentrer mon attention sur le sentiment essentiel de conscience et de connaissance qui était omniprésent et prépondérant à ce moment-là. Cette conscience-là n’avait pas disparu ; au contraire, elle pénétrait tout. Toute l’attention qui avait été concentrée sur la répétition de bouddho se concentra alors fermement sur la très subtile présence connaissante du citta calme et focalisé. Mon attention demeura fermement fixée sur cette subtile essence connaissante jusqu’à ce que, au bout d’un certain temps, elle commence à diminuer d’intensité, ce qui permit à ma conscience normale de se rétablir.
Tandis que la conscience normale revenait, bouddho réapparut. Je recentrai donc aussitôt mon attention sur la répétition de mon mot de méditation. Bientôt, ma pratique quotidienne prit un nouveau rythme : je me concentrais intensément sur bouddho jusqu’à ce que la conscience arrive dans l’état clair et lumineux de la nature connaissante essentielle de l’esprit ; ensuite je restais absorbé dans cette subtile présence connaissante jusqu’au retour de la conscience normale ; après quoi je me recentrais sur la répétition de bouddho avec encore plus d’énergie.
C’est à ce stade que je commençai à acquérir des fondations solides dans ma pratique de la méditation. Dès lors, je progressai régulièrement sans jamais plus subir de revers. De jour en jour, mon esprit devenait plus calme, paisible et concentré. Les hauts et les bas qui m’avaient longtemps affligé cessèrent d’être un problème. Mes soucis par rapport au niveau de ma pratique étaient remplacés par une attention ancrée dans l’instant présent. L’intensité de cette présence attentive était incompatible avec des pensées sur le passé ou l’avenir. Mon centre d’activité était le moment présent : chaque répétition silencieuse de bouddho qui apparaissait et disparaissait. Je ne m’intéressais à rien d’autre. Je finis par être convaincu que la raison des hauts et des bas que mon esprit avait connus autrefois était l’absence d’attention stable – car je n’avais pas de mot de méditation pour la stabiliser. Je m’étais contenté de me concentrer sur un sentiment général de présence intérieure sans objet spécifique, permettant ainsi à mon esprit de s’éloigner facilement quand des pensées intervenaient.
Lorsque j’eus compris la méthode appropriée à ce premier stade de la méditation, je m’appliquai à la tâche avec un engagement tellement sérieux que je refusai de laisser l’attention retomber, ne serait-ce qu’un instant. Commençant le matin au réveil et continuant jusqu’à la nuit au sommeil, j’étais consciemment présent à ma méditation à chaque instant de veille. C’était une tâche difficile qui nécessitait la plus haute concentration et la plus grande persévérance. Je ne pouvais pas me permettre de baisser ma garde et de me détendre un seul instant. Etant aussi intensément concentré sur l’intériorisation de bouddho, je remarquais à peine ce qui se passait autour de moi. Mes interactions normales de tous les jours se faisaient dans une espèce de brouillard mais bouddho était toujours très clairement présent dans ma concentration. Mon engagement envers mon mot de méditation était absolu. Avec cette fondation solide qui soutenait ma pratique, le calme mental et la concentration devinrent inébranlables ; ils me donnaient l’impression d’être aussi solides et indestructibles qu’une montagne.
Finalement, ce fut cette condition de l’esprit solide comme le roc qui devint le point de focalisation principal de mon attention. Tandis que le citta gagnait une stabilité intérieure toujours plus grande – ce qui permettait un degré d’intégration encore plus élevé – le mot de méditation bouddho commença à s’effacer de la conscience, ne laissant derrière lui que l’état calme et concentré de la nature connaissante essentielle de l’esprit. Celle-ci était désormais perçue prédominante et seule. A ce stade, l’esprit était arrivé au samādhi, à un état d’intense concentration qui avait surgi spontanément, indépendamment de toute technique de méditation. Parfaitement calme et unifiée, la présence connaissante elle-même devint le seul objet de mon attention ; c’était une condition d’esprit si prééminente et puissante que rien n’aurait pu la déloger. L’esprit était dans un état dit de « samādhi continu » – en d’autres termes, le citta était samādhi : tous deux ne faisaient plus qu’un.
A propos des niveaux profonds de la pratique méditative, il faut savoir qu’il existe une différence fondamentale entre l’état de calme méditatif et l’état de samādhi. Quand l’esprit s’unifie et tombe dans un état calme et concentré pendant un certain temps puis revient à sa conscience normale, cela s’appelle un « calme méditatif ». Le calme et la concentration sont des conditions temporaires qui durent le temps que l’esprit reste fixé dans cet état paisible. Lorsque la conscience normale revient, ces conditions extraordinaires se dissipent rapidement. Cependant, quand le méditant se familiarise de plus en plus avec cette pratique, qu’il est capable d’entrer et de sortir de cet état à volonté, l’esprit commence à construire de solides fondations intérieures. Quand ces fondations deviennent inébranlables en toutes circonstances, on dit que l’esprit est dans un état de « samādhi continu ». Dès lors, même quand l’esprit se retire de son calme méditatif, il demeure solide et compact comme si rien ne pouvait perturber sa concentration intérieure.
Le citta qui est constamment unifié en samādhi est toujours égal et calme ; il donne un sentiment de satiété. Du fait de cette unité intérieure très dense et concentrée, les pensées et les émotions du quotidien n’ont plus d’impact sur l’esprit. Dans cet état, l’esprit n’a aucune envie de penser. En totale paix, parfaitement satisfait, il a le sentiment que rien ne lui manque.
Dans un tel état de calme et de concentration continus, le citta devient très puissant. Alors qu’autrefois l’esprit avait soif de pensées et d’émotions, désormais il les évite soigneusement. Avant, il ne pouvait pas s’empêcher de penser et d’imaginer des choses à l’infini et maintenant, avec le samādhi comme condition normale de base, l’esprit n’a aucun désir de penser à quoi que ce soit ; il considère la pensée comme une perturbation malvenue. Comme la présence connaissante essentielle de l’esprit se manifeste clairement à tout moment, le citta est tellement concentré, à l’intérieur, qu’il ne tolère aucune perturbation.
A cause de cette sublime tranquillité et de la tendance du samādhi à créer un sentiment de satisfaction sereine, ceux dont l’esprit a atteint le samādhi continu ont tendance à s’y attacher avec force. Cela dure jusqu’au moment où ils atteignent le niveau de pratique où la sagesse prend le pas sur le calme mental. Alors les résultats deviennent encore plus satisfaisants ...
(Fin de la première partie)