Le Dhamma de la Forêt


Un Cœur Libéré

III


Vénérable Ajahn Mun



Traduit par Jeanne Schut

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Partie 12 : Le discours sur Mulatika

Tika signifie « trois » et mula veut dire « racine ». Ensemble, ces deux mots signifient « les racines qui vont par trois ». Ainsi avidité, aversion et ignorance forment un trio appelé « les racines de ce qui manque de sagesse ». L’avidité se décompose aussi en trois : désir sensoriel, désir d’exister et désir de ne pas exister. Quant aux souillures et aux poisons de l’esprit (asava), ils vont tous par trois : sensualité, états devenir et manque d’attention. Si une personne se laisse piéger par ce type de trios, alors tiparivattam : elle devra continuer à tourner en trios et ainsi les trois sphères — les sphères de la sensualité, de la forme et du sans-forme — devront continuer à être comme elles sont maintenant car ces trios sont les racines des trois sphères.

Le remède arrive aussi par trois : vertu, concentration et sagesse. Quand les gens pratiquent en accord avec la vertu, la concentration et la sagesse qui sont les remèdes, alors na tiparivattam : ils n’auront plus besoin de continuer à tourner par trois ; les trois sphères n’existeront pas — en d’autres termes, ils seront entièrement libérés des trois sphères.



Partie 13 : Les visuddhi deva sont les seuls individus à être véritablement en paix

Akuppam sabba-dhammesu neyyadhamma pavessanto: santo

« Il faut avoir un esprit qui ne se laisse pas agiter par les parasites mentaux et avoir une profonde connaissance de tous les phénomènes, aussi bien intérieurs qu’extérieurs pour pouvoir être en paix. » Une personne ayant trouvé la paix de cette manière aura une conscience pleinement développée de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas, des qualités mentales pures et saines, un esprit calme et une intégrité personnelle dotée des qualités d’un deva (être céleste) comme il est dit dans cette stance :

Hiri-attapa-sampanna sukkadhamma-samahita

Santo sappurisa loke deva-dhammati vuccare.

De par leur naissance, les deva, habitants des royaumes célestes, baignent dans les plaisirs sensoriels et sont agités par les obstacles mentaux. Alors, comment pourraient-ils être en paix ? Cette stance doit donc certainement faire référence aux visuddhi deva (deva par la pureté), autrement dit aux arahants [êtres humains pleinement éveillés]. Ces personnes-là sont véritablement en paix ; on peut dire d’elles qu’elles ont une conscience pleinement développée de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas, et qu’elles possèdent les « vertus blanches », c’est-à-dire une authentique pureté.



Partie 14 : La non-activité est le point final du monde, au-delà des suppositions et des formulations

Saccanam caturo pada

khinasava jutimanto te loke parinibbuta.

Les Quatre Nobles Vérités – la souffrance, sa cause, sa cessation et la Voie qui mène à cette cessation – sont des activités, dans le sens que chaque vérité a un aspect qui doit être exécuté : la souffrance doit être comprise, sa cause doit être abandonnée, sa cessation doit être clarifiée et la voie vers la cessation doit être développée. Tout cela, ce sont des choses à faire et, s’il faut les faire, ce sont forcément des activités. Nous en concluons que les Nobles Vérités sont, toutes les quatre, des activités. Ceci correspond bien à la première ligne du verset ci-dessus qui parle des quatre Vérités comme de « pieds » ou de « marches d’escalier » qu’il faut prendre pour achever la tâche. C’est pourquoi ce qui s’ensuit est appelé « non-activité ». C’est comme écrire des nombres 1-2-3-4-5-6-7-8-9-0 et puis effacer de 1 à 9 et laisser seulement le 0 et puis ne plus rien écrire. Quand on lit ce qui reste, on dit : « zéro » mais il n’y a là aucune valeur du tout. On se peut pas s’en servir pour l’ajouter, le soustraire, le multiplier ou le diviser avec un autre nombre et pourtant on ne peut pas dire qu’il n’existe pas parce qu’il est bien là : 0 – zéro.

C’est comme la sagesse, la connaissance qui permet d’avoir une vision globale des choses parce qu’elle détruit l’activité qui consiste à élaborer des pensées. En d’autres termes, elle efface complètement les pensées : elle ne s’intéresse plus et ne s’attache plus à la moindre pensée. Quand on parle d’« effacer » ou de « détruire » l’activité des pensées, la question suivante se pose : « Quand nous ne penserons plus rien, où nous poserons-nous ? » La réponse est que nous nous poserons en un lieu qui n’est pas « pensé » : juste là, dans la non-activité.

Cette explication répond bien aux aspects de la réalité qui n’apparaissent clairement qu’à ceux qui pratiquent et que ceux qui ne pratiquent pas ne peuvent pas connaître. Ce n’est que lorsque nous écoutons et puis que nous pratiquons en conséquence jusqu’à voir et connaître par nous-mêmes que nous serons en mesure de comprendre.

Le sens de la seconde ligne est : « Ceux qui sont libérés de tous les poisons du mental mettent fin aux trois sphères et sont éblouissants. » Autrement dit, ils ont pratiqué la persévérance et ont étudié les choses en profondeur : bhavito bahulikato. Ce qui signifie qu’ils ont travaillé et ont développé cette investigation à maintes reprises jusqu’au moment où leur esprit a eu la force suffisante pour analyser et détruire toutes les pensées de façon à atteindre la non-activité. Ils réussissent ainsi à être libérés des trois sphères.

En mettant fin aux trois sphères, les arahants ne s’envolent pas dans des royaumes de sensualité, que ce soit avec ou sans forme. Ils restent exactement là où ils sont. C’est ce qui est arrivé au Bouddha : quand il a mis fin aux trois sphères, il était assis à un endroit précis, sous l’arbre de la Bodhi. Il ne s’est pas envolé dans les trois sphères. Il y a mis fin au niveau de l’esprit car c’est là, dans l’esprit, que les trois sphères existent.

Ceux qui ont pour but de mettre fin aux trois sphères doivent donc le faire dans leur propre cœur et dans leur esprit. C’est alors seulement qu’ils aboliront toute activité du cœur et de l’esprit pour ne laisser place qu’à la non-activité. C’est le cœur originel, le Dhamma originel, qui est au-delà de la mort.



Partie 15 : Les cinq domaines des êtres vivants.

Les sphères des êtres célestes, le monde des humains et les sphères de souffrance, (apaya), sont classées en tant que sphères des sens : c’est le domaine des êtres vivants qui s’adonnent à la sensualité. Ensemble, ils comptent pour un. Les sphères de la forme, domaine des êtres vivants qui ont atteint rupa jhana, sont au nombre de quatre. Les sphères du sans-forme, domaine des êtres vivants qui ont atteint arupa jhana, sont également au nombre de quatre. En tout, il y a donc neuf domaines pour les êtres vivants. Ceux – les arahants – qui ont la pleine connaissance des neuf domaines, les quittent ; ils ne sont obligés de vivre dans aucun d’eux. Ceci apparaît dans la dernière des Questions du Novice (samanera-panha) : dasa nama kim – qu’est-ce qui est dix ? Réponse : dasahangehi samannagato arahati vuccati ti – l’arahant, celui qui est doté des dix vertus, est libre des neuf domaines d’existence des êtres vivants.

On peut comparer cela aux nombres 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10. De 1 à 9, il s’agit de nombres que l’on peut compter, nommer, additionner, soustraire, multiplier et diviser. Quant à 10 – 1 et 0 (zéro) – quand on efface le 1 parce qu’il fait double emploi, il reste 0 (zéro). Si on utilise 0 pour additionner, soustraire, multiplier ou diviser avec n’importe quel autre nombre, cela n’augmentera pas la valeur de ce nombre. Quant au zéro, il n’a, en lui-même, aucune valeur mais on ne peut pas dire qu’il n’existe pas parce qu’il est présent.

Il en va de même pour l’esprit. Les attributs de sa nature sont semblables au 0. Quand 0 est relié à n’importe quel autre nombre, il accroît énormément la valeur de celui-ci. Par exemple si on relie un 0 à 1, cela donne 10. Même chose pour l’esprit : quand on le relie à quoi que ce soit, il se multiplie aussitôt en choses élaborées et fantasques. Par contre, quand il est bien entraîné jusqu’à être sage et avoir pleine connaissance de tous les phénomènes connaissables, il revient à son état originel, le zéro : vide, ouvert et clair, au-delà de tout calcul et de toute étiquette. Il ne se situe pas dans les neuf endroits qui sont le domaine des êtres vivants mais en un lieu libre de pensées et de formulations. C’est là sa nature inhérente en tant que zéro ou non-activité, comme il a été dit au paragraphe 14.



Partie 16 : Le sens du premier sermon, du sermon du milieu et du sermon final.

Les sermons délivrés par le Bouddha à trois moments de sa vie ont une signification à laquelle les bouddhistes devraient accorder une réflexion et une considération particulières.

A. Quand il a commencé à enseigner, le Bouddha a fait un sermon au cinq ascètes au Parc des Daims, à Isipatana, près de Bénarès. C’était son tout premier sermon et on l’a appelé « le lancement de la roue du Dhamma ». Il a commencé avec les deux extrêmes dans lesquels ne doivent pas tomber ceux qui ont quitté le monde pour chercher la vérité en disant : Dveme bhikkhave anta pabbajitena na sevitabba – « Moines, il y a deux extrêmes que ceux qui ont quitté le monde pour chercher la vérité doivent éviter : se complaire dans les plaisirs des sens et se complaire dans la mortification. » On peut dire que se complaire dans les plaisirs des sens fait pencher la balance du côté de l’amour et se complaire dans la mortification, du côté de la haine. Les deux côtés sont causes de souffrance et de peine. Quand nous pratiquons l’auto-purification et que nous tombons néanmoins dans l’un de ces deux côtés, on ne peut pas dire que nous avons trouvé la voie du milieu. En effet, quand nous persévérons dans nos efforts dans la pratique et que l’esprit commence à s’apaiser et se détendre, nous nous en réjouissons ; quand l’esprit est agité par les pensées et les distractions, nous sommes mécontents. Se réjouir est une forme de complaisance dans le plaisir et être mécontent, une forme de complaisance dans la négativité. Se réjouir est désir, être mécontent est aversion ; et ne pas discerner le désir et l’aversion, c’est être ignorant de ce qui est.

Quiconque s’efforce de développer la persévérance dans la concentration ne peut éviter de se heurter à ces deux extrêmes. Quand cela se produit, nous sommes considérés comme étant dans l’erreur mais il est naturel d’être dans l’erreur avant de pouvoir être dans le juste. Le Bouddha lui-même, avant son Eveil, était dans l’erreur, exactement de la même façon. Ses deux principaux disciples eux-mêmes étaient dans l’erreur et soutenaient, en outre, des doctrines pernicieuses. Tous les autres disciples ont également commencé par être dans l’erreur. Mais quand le Bouddha a trouvé la voie du milieu tandis qu’il méditait à l’ombre de l’arbre de la Bodhi, après avoir obtenu les deux premières connaissances (le souvenir de ses vies antérieures et la vision de la mort et de la renaissance des êtres vivants) dans les deux premiers quarts de la nuit, il a acquis la troisième connaissance (la connaissance de l’extinction des parasites mentaux) dans le quart qui précédait l’aube. C’est alors qu’il a trouvé l’authentique voie du milieu, libérant ainsi son esprit de l’erreur des deux extrêmes. Libéré des clans, des classes sociales, des domaines, des lignées et de l’héritage des conventions et des pensées, il trouva le clan, la classe, le domaine, la lignée et l’héritage des Nobles Etres. Plus tard, les Nobles Disciples apprirent à connaître la même chose en suivant le Bouddha, en agissant correctement en accord avec cette connaissance qui met fin aux obstacles mentaux et obtinrent la libération de l’erreur, tout comme lui.

Quant à nous, méditants, il est normal qu’au début nous tombions dans l’erreur. Tant que nous nous permettrons d’être contents ou mécontents de nos progrès en mérite et en sagesse, nous tomberons sous l’emprise des habitudes du monde (lokadhamma). Et quand nous sommes sous l’emprise des habitudes du monde, nous sommes agités par le plaisir et le mécontentement. C’est ce que l’on appelle être secoué dans tous les sens.

Uppanno kho me : « Où apparaissent les habitudes du monde ? » En nous-mêmes. Les habitudes du monde ont huit facteurs et la voie qui nous en guérit en a également huit. La Voie Octuple est le remède aux huit habitudes du monde. C’est ainsi que le Bouddha a enseigné la voie du milieu comme le remède aux deux extrêmes. Une fois guéris des deux extrêmes, nous entrons sur la Noble Voie, traversons les courants du monde, obligeant l’esprit à cago patinissaggo mutti analayo – lâcher prise, se détendre et se poser en paix.

En résumé : Tant que les deux extrêmes existent encore dans votre cœur et votre esprit, vous n’êtes pas sur la bonne voie. Par contre, quand votre cœur et votre esprit se libèrent des deux extrêmes, vous devenez parfaitement stables : libres des impuretés et à l’abri du courant des pensées et des émotions. C’est la raison pour laquelle la portée de la Roue du Dhamma est très significative. Quand le Bouddha a expliqué la Roue du Dhamma, cela a fait trembler les éléments du monde. Et quand le message est tellement plein de sens, comment auraient-ils pu ne pas trembler ? Les éléments du monde ne sont autres que ce corps que nous avons. Notre corps se compose des éléments du monde et il tremble parce que l’esprit perçoit quelque chose qu’il n’avait jamais vu auparavant. Le fait que l’esprit soit libéré des deux extrêmes est la cause qui amène les éléments du monde à trembler. Ils tremblent parce que l’esprit ne reviendra plus jamais les faire renaître.



B. Au milieu de sa vie d’enseignant, le Bouddha a donné, au Jardin Royal des Bambous, près de Rajagaha, devant une assemblée de 1250 arahants, un discours appelé « l’Exhortation du Patimokkha ». L’un des points importants était : Adhicitte ca ayogo etam buddhana-sasanam : « Elever l’esprit : tel est l’enseignement des Bouddhas. » Pour élever l’esprit, nous devons être calmes et en paix.

Iccha lobha-samapanno samano kim bhavissati : « Quand nous sommes assaillis par le désir – avides, combattifs, et ayant une vision erronée des choses – comment pouvons-nous être calmes et en paix ? » Nous devons pratiquer en suivant la discipline, comme point de départ, et développer notre thème de méditation, en commençant par la méditation assise et en marchant. Nous devons travailler notre contemplation des grands fondements de référence [l’attention au corps et à l’esprit] et la développer encore et encore, en commençant par être très attentifs au corps – il nous sert de fondement de référence. Au début, nous devons contempler les parties du corps en employant parikamma savana, c’est-à-dire la réflexion – cette partie est ainsi, celle-là est ainsi, etc. – parce que, si nous faisons cela avec attention, avec une claire conscience de nous-mêmes, l’esprit ne s’éloigne guère du corps et finit par se calmer facilement. Quand nous pratiquons souvent de cette manière, un uggaha nimitta [image mentale] apparaît. Nous devons ensuite maîtriser cette étape jusqu’à atteindre patibhaga : l’analyse de tous les composants de l’image mentale apparue. Quand nous aurons une parfaite maîtrise de patibhaga, celle-ci se transformera en méditation de la vision pénétrante. Nous développons alors la vision pénétrante jusqu’à son plus haut degré pour que l’esprit atteigne thitibhutam [l’esprit originel], comme nous l’avons vu dans les stratégies de vision pénétrante. Voilà ce que l’on entend par « pratiquer ».

Quand nous avons pratiqué, c’est d’abord mokkham : la traversée et au-delà. C’est à cause des pratiques que nous aurons mené jusqu’à leur terme que nous traverserons et irons au-delà, c’est-à-dire, au-delà du monde. Voilà ce que signifie l’expression : « les dhamma transcendants. » Et puis, c’est khemam : la libération de tous les liens.

Le message de ce sermon du milieu est donc significatif puisqu’il pointe vers la Libération.



C. A la fin de sa vie, quand le Bouddha fut sur le point d’entrer dans le Nibbana ultime, il donna son dernier enseignement au milieu d’un rassemblement de Nobles Disciples dans la forêt de salas, à Kusinara. Il dit : Handadani amantayami vo bhikkhave, pativediyami vo bhikkhave, khaya-vaya-dhamma sankhara, appamadena sampadetha : « Je vous le dis, moines, ne soyez pas négligents. Voyez et méditez sur le fait que tout ce qui est fabriqué apparaît puis disparaît. Quand vous contemplerez les choses ainsi, vous pénètrerez complètement leur vérité. » Ce fut tout ce qu’il dit et il ne prononça plus une parole après cela. C’est pourquoi on l’appelle le dernier sermon.

Expliquons le sens de ces paroles. Que sont les « fabrications » ? Où apparaissent-elles ? Elles apparaissent dans notre esprit. Elles sont une conséquence ou une condition de l’esprit qui donne naissance à toutes les pensées. Ces fabrications sont les coupables qui pensent et formulent tout ce qui peut exister au monde. En réalité, les choses du monde, dans leurs propriétés élémentaires en tant que phénomènes, sont simplement comme elles sont. La terre, les arbres, les montagnes, le ciel et le soleil ne disent pas qu’ils sont quoi que ce soit. Le corps humain, lui-même, qui se compose aussi des éléments du monde, ne dit pas qu’il est ceci ou cela. Ce sont les fabrications mentales qui sont les coupables, qui façonnent ces choses comme étant ceci ou cela. Et nous tombons dans le piège en croyant ce qu’elles nous disent et en étant persuadés que toutes ces choses sont « nous » ou nous appartiennent. Le désir, l’aversion et la vision erronée des choses apparaissent ainsi. Ils sont la cause du fait que l’esprit originel s’égare et court après la naissance, le vieillissement, la maladie et la mort, passant, dans un cycle sans fin, à travers d’innombrables états de devenir et de naissance. Et tout cela à l’instigation des fabrications mentales.

Voilà pourquoi le Bouddha nous a appris à contempler les fabrications mentales comme étant impermanentes et source de souffrance : sabba sankhara anicca, sabbe sankhara dukka.

Nous fonctionnons ainsi jusqu’à ce que nous voyions, avec une pleine et claire compréhension – laquelle est le fruit de la pratique de patibhaga – le moment où l’esprit entre en bhavanga [paix sans attache], son état sous-jacent. Quand le courant du bhavanga disparaît, une compréhension authentiquement intuitive apparaîtra au niveau du cœur : « C’est exactement ainsi que sont les choses : impermanentes et source de souffrance. » Quand nous maîtriserons cela et que nous le verrons clairement et distinctement, nous aurons la connaissance des fabrications mentales. Dès lors, les fabrications mentales ne pourront plus jamais modeler l’esprit, ni l’agiter, comme il est dit dans la phrase : akuppam sabba-dhammesu neyyadhamma pavessanto : santo. Ce qui signifie : « Quand les fabrications mentales ne façonnent plus l’esprit, l’esprit ne s’agite plus. Il a la connaissance de tous les dhamma connaissables et ainsi, calme et en paix, il atteint la Libération. »

Les mots de ce dernier sermon sont vraiment plein de sens. Ils peuvent permettre à qui les contemple de s’éveiller jusqu’au plus haut niveau d’Eveil. C’est la raison pour laquelle le Bouddha ne dit plus rien après cela.

Les enseignements donnés par le Bouddha en ces trois moments de sa vie ont une signification qui va au-dessus et au-delà de tout ce qu’il a jamais dit. Le premier pointe vers la Libération, celui du milieu pointe vers la Libération et le dernier pointe vers la Libération. Ainsi les trois sans exception ne visent qu’une seule chose : la Libération.



Partie 17 : Tous les arahants atteignent à la fois la Libération par la concentration et la Libération par la sagesse, ayant développé l’entraînement en trois points jusqu’au bout.

Anasavam cet-vimuttim panna-vimuttim

dittheva dhamme sayam abhinna sacchikatva

upasampajja viharanti

« Ils demeurent libres de tous les poisons mentaux, ayant trouvé la Libération par la concentration et par la sagesse, et cette Libération a été réalisée et vérifiée par eux-mêmes au moment présent. »

Ce passage du Canon pāli montre que tous les arahants se libèrent tant par la concentration que par la sagesse, libérés de tous les obstacles mentaux dans le moment présent. Il n’y a pas de distinction entre tel groupe qui atteindrait l’Eveil seulement par la concentration et tel autre seulement par la sagesse. L’explication donnée par les Commentateurs – selon laquelle la Libération par la concentration est propre aux arahants qui commencent par développer la concentration avant d’aborder la vision pénétrante, tandis que la Libération par la sagesse est propre aux arahants qui travaillent uniquement sur la vision pénétrante sans passer par la concentration – est contraire à la voie de l’Octuple Sentier puisque celui-ci inclut aussi bien la Vision Juste que la Concentration Juste. Celui qui veut atteindre la Libération doit avoir parcouru toutes les étapes du Sentier, sinon il n’y parviendra pas. L’entraînement en trois points inclut aussi bien la concentration que la sagesse de la vision pénétrante. Celui qui veut connaître l’extinction des obstacles mentaux doit développer au maximum toutes les trois parties de cet entraînement.

C’est pourquoi nous disons que tous les arahants doivent atteindre aussi bien la Libération par la concentration que la Libération par la sagesse.