Le Dhamma de la Forêt


Commentaires sur le Mahaparinibbana Sutta 

Ajahn Nyanadhammo


Traduit par Luc Guillard

http://www.dhammadelaforet.org/

 


Enseignement donné à l’occasion de la fête de Vésak 2002 à la « Buddhist Society of Western Australia ».


La pleine lune du mois de mai est un moment plein de sens pour les Bouddhistes de toutes les traditions. C’est l’occasion de nous souvenir avec gratitude de notre maître, le Bouddha. Il est né à la pleine lune de mai, il a atteint l’éveil à la pleine lune de mai et il est mort en mai, la nuit de la pleine lune. Pour commémorer ces événements, nous célébrons le mois de mai, Vesakha et, comme c’est un moment très important dans le calendrier bouddhique, plusieurs services et cérémonies vont avoir lieu ce week-end.

Comme nombre d’entre vous ne sont pas familiers avec la vie du Bouddha — et peut-être encore moins avec sa mort — il m’a paru opportun de vous commenter le Mahaparinibbana Sutta, l’un des plus longs « discours », qui évoque les derniers jours du Bouddha mais aussi les enseignements qu’il a donné à la fin de sa vie. Je vais commencer par replacer le sutta dans son contexte puis je vous lirai les passages les plus pertinents que je commenterai pour vous.

Le Bouddha est mort à quatre-vingts ans et il a atteint l’Eveil à trente cinq ans. Il a donc œuvré pendant quarante-cinq années dans le nord de l’Inde, se rendant partout où il était invité pour dispenser son enseignement. Le Bouddha savait qu’il allait mourir et avait même prédit sa mort, trois mois auparavant, pour la pleine lune de mai. Pendant ces trois derniers mois, il a multiplié les discours et les déplacements, mettant l’accent sur ses enseignements les plus importants, essayant de donner aux moines, aux nonnes et aux laïcs un résumé du cœur de la Doctrine et puis, juste avant sa mort, il a donné ses ultimes conseils dans ce discours du Mahaparinibbana.

Il faut rappeler que cet enseignement a été donné dans une période d’agitation politique dans la région du Magadha, au nord de l’Inde, où les royaumes se préparaient à entrer en guerre. Le Bouddha commence donc son discours en parlant des conditions nécessaires à la stabilité sociale et à l’harmonie ; puis il donne des conseils aux moines pour leur bien-être et leur développement spirituel ; enfin, il parle des conditions qui mènent à la prospérité et au bonheur, et des conditions qui éloignent du déclin.

Je ne vais pas trop entrer dans le détail du sutta mais je commencerai par le passage où le Bouddha donne une analyse et un résumé de son enseignement. Il se trouve près de la ville de Rajagaha, capitale du très ancien et très puissant royaume du Magadha, et vit aux abords de la ville, en haut d’une montagne nommée le Pic du Vautour car elle est surplombée par un rocher qui ressemble à une tête de vautour. Aujourd’hui nous pouvons encore y voir les restes de la hutte que le Bouddha occupait à l’époque.

Le Bouddha s’adresse ainsi aux moines :

« Voici la moralité, voici la concentration, voici la sagesse. La concentration, pénétrée de vertu, apporte de grands fruits et de grands bienfaits. La sagesse, pénétrée de concentration, apporte de grands fruits et de grands bienfaits. L’esprit, pénétré de sagesse, devient complètement libre de toutes les corruptions, c’est-à-dire de la corruption de la sensualité, du devenir, des concepts erronés et de l’ignorance. »

 

 

Le Bouddha résume la Voie qu’il préconise pour réaliser l’Eveil. Cette Voie est fondée sur la vertu et la moralité, la paix de la concentration, et la sagesse. Il souligne que ces trois aspects de la Voie ne doivent pas être pratiqués séparément mais fonctionner ensemble. Quand on aspire à l’Eveil, il ne suffit pas de méditer, on doit aussi pratiquer la vertu et la bonté qui sont la base indispensable et nécessaire pour atteindre des états d’esprit paisibles. Quand la sagesse est imprégnée par la tranquillité d’esprit – sérénité, calme, concentration – elle apporte de grands bienfaits. L’esprit est alors assez fort pour voir les choses clairement et maintenir l’attention sur un objet pendant de longues périodes ; il peut ainsi connaître n’importe quel objet tel qu’il est. L’esprit devient pur, l’esprit devient rayonnant, l’esprit devient malléable, l’esprit devient clair. Dans cette pureté, dans cette clarté, dans cette luminosité, nous avons une vision limpide. Quand nous sommes assiégés par l’anxiété, le doute et le stress, nous sommes généralement trop proches de nos problèmes pour bien les appréhender ; c’est seulement quand nous devenons plus calmes et donc plus clairs dans notre esprit, que nous créons de l’espace pour mieux comprendre ces processus tels qu’ils sont.

Quand l’esprit se renforce par la pureté de la concentration, il se libère des « pollutions ». Dans le bouddhisme on appelle « pollutions » ce qui obscurcit le mental et entraîne la création d’encore davantage d’impuretés. Les pollutions du mental sont de plusieurs sortes :

- Le désir sensuel : c’est la recherche continuelle du plaisir à travers le corps. Dans ce cas, l’esprit n’est jamais en paix. Comment notre esprit peut-il être heureux quand nous recherchons continuellement le plaisir dans les objets que nous voyons, les sons, les sensations physiques, les saveurs ou les odeurs — nous sommes sans cesse projetés vers le monde extérieur ! Quand l’esprit est pur et calme, il est en paix ; nous faisons l’expérience de l’esprit serein, nous connaissons la paix intérieure, le contentement.  C’est quand l’esprit reste centré à l’intérieur que nous sommes heureux, pas dans la recherche continuelle des plaisirs extérieurs.

- Le désir d’une existence éternelle : c’est le désir d’être, le désir de devenir, le désir de faire. C’est la peur créée par le sentiment d’un « moi ». Nous ne trouvons jamais la sécurité car tout ce qui menace ce « moi » crée la peur et perpétue le sentiment d’exister.

- La vision erronée : c’est ne pas voir les quatre Nobles Vérités, ne pas voir pourquoi nous souffrons, ne pas voir la cause de la souffrance, ne pas comprendre que l’on peut se libérer et qu’il existe une Voie qui mène à cette Libération. La conséquence naturelle de la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort c’est dukkha — l’insatisfaction, la souffrance. Notre attachement à tout ce qui naît puis disparaît obligatoirement, crée l’insatisfaction. Quand nous voyons que rien n’est stable, que tout apparaît et disparaît, que rien de dure, que le monde est insatisfaisant, nous comprenons que nous ne trouverons pas de sécurité dans ce monde en changement perpétuel. Ce désir de voir les choses durer, de ne pas être séparé de nos proches, de ne connaître que des plaisirs et pas de douleur, est la racine de notre souffrance, dukkha. Est-il possible de n’avoir que des expériences plaisantes, d’être toujours en bonne santé, de ne pas vieillir, de ne pas mourir ? Non, ce n’est pas possible. La nature perpétuellement changeante de l’existence crée la souffrance du fait de notre désir que tout se passe selon nos souhaits. La vision erronée, c’est ne pas voir que, en abandonnant le désir insatiable, nous pouvons nous libérer de la souffrance ; c’est ne pas voir qu’il existe une Voie qui mène à la Libération en laissant la nature suivre son cours : la Voie de la moralité, de la concentration et de la sagesse.

 - L’ignorance : c’est ne pas voir la véritable nature des choses ; nous les voyons permanentes alors qu’elles sont impermanentes, nous les voyons substantielles alors qu’elles sont insubstantielles. Nous croyons que les choses nous apportent le bonheur mais, quand elles arrivent à leur terme et disparaissent, cela engendre insatisfaction et chagrin. Nous voyons les choses comme éternellement belles alors que tout se fane. Les fleurs derrière moi sont très belles mais elles vont se faner. Comme nous ne voyons pas le déclin de toutes choses, le déclin de la vie, nous nous attachons à ce qui est beau sans voir que tout prend fin. 

Après ce discours le Bouddha continue son périple en Inde et, dans ses derniers jours, le Vénérable Sariputta, l’un des principaux disciples du Bouddha, renommé pour sa sagesse, vient voir le Bouddha et lui déclare :

« Le Bouddha Gautama est certainement le plus grand et le meilleur de tous les êtres éveillés, de tous les bouddhas du passé et du futur … »  

Il fait référence au fait qu’un bouddha est un être qui a réalisé la Vérité et qu’il n’y a qu’un seul bouddha par monde et par période cosmique ; dans ce contexte, le Bouddha Gautama se situe entre les bouddhas du passé et ceux du futur. Alors, le Bouddha demande à Sariputta :

« Connais-tu vraiment l’esprit de tous les bouddhas du passé, connais-tu leur moralité, connais-tu l’étendue de leurs enseignements, connais-tu leur sagesse et connais-tu la voie qui les a menés à la Libération ? 

 « Non, en aucun cas, Vénérable », répond Sariputta, et il continue avec cette déclaration intéressante :

« Vénérable, l’esprit des arahants, de tous les bouddhas éveillés du passé, du futur et du présent n’est pas ouvert à ma compréhension. Mais je connais l’étendue du Dhamma, je comprends leurs enseignements… »

« Tous ces bouddha éveillés du passé ont atteint le suprême Eveil en abandonnant les cinq obstacles - qui affaiblissent la compréhension. L’esprit fermement établi dans les quatre fondations de l’attention, ils réalisent les sept facteurs d’Eveil tels qu’ils sont. Tous les bouddhas du futur feront la même chose. Et vous, Vénérable, qui maintenant êtes l’Arahant, le Bouddha pleinement éveillé, avez fait de même. »      

Le Bouddha approuve les paroles de Sariputta. En effet, pour devenir un Eveillé, il faut développer trois qualités d’esprit :

- Abandonner les cinq obstacles qui affaiblissent la sagesse et la compréhension et sont la  nourriture de l’ignorance :

·      La sensualité : la recherche des plaisirs par le corps.

·   La négativité, l’aversion : une personne en colère ne voit pas les choses clairement et fait du mal. L’aversion et la sensualité nous sont préjudiciables, nous ne recherchons que notre propre plaisir et pouvons exploiter les autres du fait de notre désir. L’aversion et la sensualité détruisent la clarté et la sagesse.

·     Le doute et la confusion : quelle est la Voie vers la paix, vers la Libération ? Pourquoi suis-je né ? Où vais-je aller après la mort ? Ces doutes sur la direction à suivre dans notre vie et sur le chemin spirituel conduisent à la confusion. Chez un être éveillé, le doute est détruit.

·      La paresse et la torpeur : ces deux obstacles ont été détruits chez un être éveillé. Son esprit est clair, lumineux et alerte.

·      L’agitation de l’esprit : celle-ci a aussi été détruite chez un être éveillé. Son esprit est serein, paisible, inébranlable. Nos actions, nos envies d’agir et de parler viennent de l’agitation, du manque de contentement, de l’impossibilité à rester posés. C’est cette agitation qui nous pousse à rechercher sans cesse les plaisirs extérieurs qui, à leur tour, nous conduisent à plus d’agitation.

- Les êtres éveillés développent un autre facteur : les quatre Etablissements de l’Attention.

·   C’est demeurer conscient de son propre corps et de ses gestes. Si nous ne restons pas à l’intérieur nous sommes ailleurs, nous ne sommes pas ici et maintenant.

·      C’est connaître les sensations : la nature plaisante, déplaisante et neutre des sensations du corps et de l’esprit et voir les sensations apparaître et disparaître. Nous ne sommes plus esclaves des sensations qui créent l’envie et le désir. Si nous faisons l’expérience d’une sensation plaisante, nous voulons la maintenir mais, si avons une douleur, nous voulons qu’elle s’arrête et disparaisse — l’esprit rejette la douleur. Et, la plupart du temps, nous ne sommes pas conscients des sensations neutres. L’esprit éveillé connaît les sensations quand elles apparaissent et disparaissent ; il distingue les types de sensations : corporelles ou mentales, plaisir, douleur ou sensations neutres ; il connaît aussi leurs caractéristiques : ceci n’est pas moi, ceci n’est pas mien, ceci n’est pas personnel.

·   L’esprit éveillé est conscient des pensées quand elles apparaissent et disparaissent, il voit les opini
et les idées comme des phénomènes conditionnés. Il pratique aussi la contemplation des phénomènes — les dhamma.

- Les êtres éveillés doivent aussi développer les sept Facteurs d’Eveil, ces qualités qui conduisent à la Libération.

·  L’attention : c’est être constamment alerte, pleinement conscient du moment présent, savoir, se souvenir.

·      ’effort juste : c’est avoir l’énergie nécessaire pour développer des états d’esprit sains et surmonter les états d’esprit malsains. C’est maintenir des qualités saines et abandonner les qualités malsaines. C’est aussi maintenir le plus longtemps possible dans notre esprit une pensée d’amour bienveillant qui apparaît — et c’est ce type d’effort qui vous conduira vers la Libération. Si nous voyons apparaître dans notre esprit la colère, la sensualité, la cruauté nous devons faire l’effort d’abandonner ces pensées et de reconnaître que ces émotions sont très éloignées de celles d’un être éveillé. Est-ce que je voudrais mourir avec des pensées de colère ? Une pensée de colère n’est pas l’attribut d’un Arahant ; une pensée d’égoïsme n’est pas appropriée pour une personne qui recherche la plus haute libération — vous devez aussi abandonner les concepts erronés, la peur, l’anxiété et l’orgueil.

·      L’investigation : vous devez investiguer, c’est-à-dire approfondir tous les phénomènes dont vous faites l’expérience pour en voir la vérité.

·      La tranquillité : vous devez aussi développer la tranquillité, le calme et le contentement. Et comment devenir tranquille ? En cultivant un état de joie et de contentement dans l’esprit. L’esprit devient serein quand il est joyeux et sain. La joie, la bonté et les pensées nobles rendent l’esprit heureux et joyeux, ce qui calme aussi bien le corps que l’esprit. C’est comme pendant vos vacances : vous êtes calme et détendu, vous vous allongez sur la plage. Vous laissez aller le monde, vous laissez aller les choses, vous faites confiance à votre propre gentillesse, à votre vertu et ainsi vous vous apaisez, vous vous relaxez et vous relâchez les tensions.

·      La joie, la concentration et l’équanimité sont les autres Facteurs d’Eveil qui doivent être développés.

Plus loin dans le sutta le Bouddha s’adresse aux moines.

« Moines, c’est en ne comprenant pas, en ne pénétrant pas, les quatre Nobles Vérités que j’ai moi-même, ainsi que vous tous, parcouru le cercle des naissances et des morts pendant des temps infinis. Quelles sont ces Vérités ?

En ne comprenant pas la Noble Vérité de la souffrance nous avons alimenté ce cycle.

En ne comprenant pas les Nobles Vérités de l’origine de la souffrance, de la cessation de la souffrance et du chemin qui mène à la cessation de la souffrance, nous avons alimenté ce cycle de la naissance et de la mort.

Mais en comprenant et en pénétrant ces mêmes Nobles Vérités de la souffrance, de l’origine de la souffrance, de la cessation de la souffrance et du chemin qui mène à la cessation de la souffrance le désir de devenir — d’une nouvelle existence — est détruit. »

Le Bouddha donne ici un résumé de son enseignement et nous explique la raison pour laquelle nous — comme lui-même avant son Eveil — parcourons indéfiniment le cercle des naissances et des morts et vivons dans le samsara : parce que nous ne comprenons pas la Noble Vérité de la souffrance. Nous ne comprenons pas que la naissance est souffrance, que la vieillesse est souffrance, que la douleur le chagrin et le désespoir sont souffrance, qu’obtenir ce que nous ne voulons pas est souffrance, qu’être séparé de ceux que nous chérissons est souffrance. Du fait de leur changement continuel, les cinq agrégats – le corps, les pensées, les sensations, les perceptions et la conscience sensorielle – sont aussi souffrance. Ne comprenant pas cela, nous nous attachons avec désir à notre vie et continuons indéfiniment notre existence dans le samsara. C’est seulement par la connaissance des ces quatre Vérités que nous pouvons nous libérer du devenir.

Le Bouddha reprend son périple et arrive au village de Nadika. Rappelons qu’il est alors âgé de quatre-vingts ans et qu’il continue à voyager à pied et à donner des enseignements. Ananda, disciple et assistant personnel du Bouddha, lui demande où ont repris naissance tous les laïcs de cette ville qui sont morts. Le Bouddha, qui avait la capacité de voir les sphères de renaissance des défunts, lui répond :

« Ananda, à Nadika, plus de cinquante disciples laïcs ont détruit la loi du samsara, connu une renaissance spontanée et atteint l’éveil ; ils ne reviendront plus dans ce monde. 

Quatre-vingt-dix autres laïcs, en détruisant les trois chaînes de l’avidité, la haine et l’illusion, sont devenus « Ceux qui ne reviennent qu’une seule fois », ils ne reviendront qu’une seule fois dans ce monde et mettront alors fin à leur souffrance.

Cinq cents autres, par la destruction des trois chaînes, sont devenus « Ceux qui sont entrés dans le courant », ils ne pourront plus tomber dans les états inférieurs et sont certains d’atteindre un jour le Nibbana. »

Le Bouddha explique que cinquante disciples laïcs ont atteint l’état de « Celui qui ne reviendra plus en ce monde » et, dans leur prochaine existence, vont donc entrer dans le Nibbana. Un certain nombre ont atteint l’état de « Celui qui ne revient qu’une seule fois » et cinq cents disciples ont atteint l’état de « Celui qui entre dans le courant », qui ont « l’œil du Dhamma », c’est-à-dire qu’ils voient et comprennent les quatre Nobles Vérités et sont assurés d’atteindre l’Eveil. En ce temps-là, beaucoup de disciples du Bouddha comprenaient le Dhamma.

Il est intéressant de souligner la remarque que le Bouddha fait à Ananda :

«Ananda, il n’y a rien d’étonnant à ce que les êtres humains doivent mourir. Mais je t’ai enseigné un moyen de comprendre le Dhamma qui se nomme « le miroir du Dhamma ». Un noble disciple, très déterminé, peut comprendre par lui-même : « Je me suis libéré de l’enfer, de toute possibilité de renaissance animale ou dans la sphère des fantômes et de la souffrance. Je suis un ‘vainqueur du courant’, je ne risque plus de retomber dans ces états de souffrance et je suis certain d’atteindre l’Eveil. »        

Le Bouddha explique à Ananda qu’au lieu de répondre à ses incessantes questions sur la renaissance des êtres, il va lui donner un enseignement pour que, dans le présent et le futur, une personne comprenant ses enseignements puisse regarder dans « le miroir du Dhamma » et se dire : « Suis-je loin de l’Eveil ? Vais-je atteindre l’Eveil ? Vais-je « entrer dans le courant » et ne revenir sur cette terre que sept fois au maximum ? »

« C’est grâce à ce miroir que nous pouvons voir. Alors, Ananda, le noble disciple, possède une foi inébranlable dans le Bouddha : ‘Le béni du ciel est un Arahant, un Bouddha pleinement éveillé, à la conduite et à la sagesse parfaites, protecteur des êtres, connaisseur des mondes, suprême instructeur des êtres, enseignant des hommes et des dieux, éveillé, béni du ciel’. »

Si vous avez une confiance inébranlable dans le Bouddha qui est un parfait Eveillé, un Arahant qui a détruit la convoitise, la haine et l’illusion; si vous avez foi dans sa connaissance de la Voie qui mène à la Libération et dans le fait qu’il peut guider ceux qui suivront cette Voie — c’est l’un des aspects du miroir du Dhamma qui vous permet de savoir que vous êtes destiné à l’Eveil.

« Si quelqu’un possède une foi inébranlable dans le Dhamma : 'Bien exposé est le Dhamma par le Bouddha, visible ici et maintenant, intemporel, il invite à l'examen approfondi, il conduit à l’intérieur, pour que les sages le comprennent chacun par eux-mêmes’.»

Le Bouddha explique que son enseignement doit être étudié, doit être porté en soi et pratiqué. Cet enseignement est intemporel, ce n’est pas une ancienne tradition qui ne conviendrait qu’aux contemporains du Bouddha, il y a deux mille cinq cents ans en Inde. Le Dhamma est applicable ici et maintenant, le Dhamma est à connaître ici et maintenant, il est visible ici et maintenant. L’esprit de l’un d’entre vous peut s’éveiller et voir le Dhamma, ici et maintenant. Le Dhamma est intemporel, il n’est pas enchaîné pas la convention du temps, il encourage l’investigation : est-ce vrai ? Que puis-je connaître de la souffrance ? Y a-t-il de la souffrance dans ma vie ? A quoi suis-je attaché ? Où sont mes passions ? Où sont mes aversions ? Où sont mes désirs ? La cause de ma souffrance est-elle liée à mes attachements ?

Tout cela vous le voyez sans l’aide d’une autre personne ; vous le voyez par vous-même. Vous voyez qu’en abandonnant vos désirs et vos attachements, vous pouvez vous libérer de la douleur et de la souffrance. Vous voyez aussi que la Voie de la moralité, de la concentration et de la sagesse purifie votre esprit et conduit à la liberté.

L’enseignement du Bouddha ne vous conduit pas à l’extérieur, à la recherche d’informations et de connaissances sur le monde ’’du dehors’’, mais à l’intérieur de vous-même, à la rencontre de votre corps et de votre esprit. Que pouvons-nous connaître de notre propre corps et de notre propre esprit ? Que pouvons-nous voir et comprendre sur ce qui se passe dans notre propre monde, celui dont nous faisons l’expérience ?

Tous les sages peuvent le comprendre par eux-mêmes. Cette compréhension de nous-mêmes ne peut être réalisée que par nous-mêmes quand nous nous éveillons. Vous savez si vous êtes en colère ou non, vous reconnaissez l’attachement, l’illusion. Mais vous reconnaissez aussi que vous pouvez être libre de la colère, vous reconnaissez l’amitié bienveillante, vous reconnaissez la compassion, vous reconnaissez les pensées de renonciation et de générosité. Nous pouvons savoir tout cela, c’est la libération de ces états malsains. Nous comprenons par nous-mêmes, sans demander confirmation à une autre personne : ceci est-il ou n’est-il pas souffrance ?

Le Bouddha exprime ici la vérité du Dhamma : tournez votre regard vers l’intérieur, vers vous-même, vers votre esprit.

« Il possède une foi inébranlable dans le Sangha. Bien dirigé est le Sangha des disciples du Bouddha avec leur comportement éclairé sur le chemin juste, le chemin parfait. Ce sont les quatre paires de personnes et les huit classes d’humains. »

Ce sont les disciples éveillés du Bouddha : ceux qui ont confiance dans le Bouddha, pratiquent la Voie et deviennent des êtres éveillés. Vous-même, si vous avez confiance dans ces enseignements, si vous faites un effort suffisant, vous avancerez sur la Voie et développerez les qualités nécessaires pour réaliser l’Eveil.

Les quatre paires de personnes et les huit classes d’êtres humains sont :

- Ceux qui sont « entrés dans le courant » (les personnes qui voient le Dhamma) et ceux qui sont sur la Voie pour réaliser le Dhamma, c’est-à-dire proches du but.

- Ceux qui « ne reviennent qu’une seule fois » et ceux qui sont sur la Voie pour ne revenir qu’une seule fois.

- Ceux qui « ne reviendront plus » et ceux qui sont sur la Voie pour ne plus revenir.

- Ceux qui sont pleinement éveillés et ceux qui sont sur la Voie pour devenir pleinement éveillés.

Tous ceux-là sont appelés « les huit classes d’êtres nobles dans le monde ». De telles personnes destinées à l’Eveil sont nobles et rares. Rencontrer un être éveillé est très rare et c’est une grande bénédiction. Le simple fait de savoir qu’il existe des êtres éveillés dans le monde nous donne l’occasion de réfléchir : quelqu’un a surmonté la colère dans son esprit, moi aussi je peux dépasser ma colère ; quelqu’un a surmonté l’égoïsme, moi aussi je peux le faire ; quelqu’un a surmonté la peur et l’illusion, moi aussi je peux le faire. Nous sommes emplis de confiance et faisons l’effort de lutter pour notre libération.

« Cette compréhension est appelé « le miroir du Dhamma ». Ainsi les nobles disciples savent par eux-mêmes : ‘J’ai détruit les royaumes inférieurs, j’ai vaincu le courant, je suis certain d’atteindre l’Eveil’. »

De telles personnes ont foi et confiance dans le Bouddha éveillé, dans son enseignement et dans la Voie qu’il a tracée.

Le Bouddha passe ensuite la saison des pluies à Beluva où il tombe malade. Il endure des douleurs aigües sans aucune plainte et en pleine conscience.

 « Je suis vieux maintenant, Ananda, mon corps est épuisé. J’ai atteint le terme de ma vie à quatre-vingts ans. Tout comme on maintient une vieille charrette en état avec des sangles, le corps du Tathagata est maintenu en vie avec de l’aide. C’est seulement quand le Tathagata éloigne son attention des objets extérieurs et, avec la cessation des sensations, entre dans la concentration de l’esprit — la concentration sans signes — que son corps retrouve un peu d’aise. »

Le Bouddha explique qu’il recherche le confort des états de concentration profonde pour échapper à son vieux corps usé et aux sensations douloureuses. Même un bouddha peut ressentir de la douleur. Vous aussi, si vous vous éveillez, vous ressentirez encore la douleur physique mais vous ne ressentirez plus de douleur mentale ni d’angoisse – vous serez libéré de l’inconfort de la souffrance mentale.

Après s’être rétabli de cette maladie, le Bouddha sermonne Ananda qui l’interroge sur les dernières instructions à donner à la communauté des moines (bhikkhu) ; c’est un sujet très important que le Bouddha tient à préciser.

« Ananda ne me demande pas de faire une déclaration sur la communauté des moines. Je vous ai enseigné le Dhamma. Je n’ai pas eu d’enseignement secret, je n’ai jamais enseigné le poing fermé mais dans le respect du Dhamma. »

Le Bouddha explique qu’il n’a pas enseigné à un cercle restreint de disciples, il a enseigné le Dhamma pour le bien de tous. Il n’y a pas, dans le bouddhisme, un enseignement ésotérique destiné à des disciples proches et auquel la grande majorité n’aurait pas accès. Le Bouddha explique qu’il a toujours enseigné le Dhamma librement, la vérité a toujours été exposée à tous ceux qui désiraient la connaître. Le Dhamma n’a pas été limité à un cercle restreint de disciples qui auraient suivi telle ou telle initiation ou fait une grosse donation. Cette vérité est offerte librement à ceux qui cherchent la Libération, aux sages qui n’ont que peu de poussière dans les yeux. Le Bouddha est catégorique : il n’enseigne pas avec le poing fermé mais avec la main ouverte, il n’y a pas d’enseignement secret, il a toujours enseigné ouvertement.

Le Bouddha fait ensuite une déclaration, très célèbre, que vous avez certainement déjà entendue.

 « En conséquence, Ananda, soyez des îles pour vous-mêmes, soyez votre propre refuge, n’ayez personne d’autre pour refuge. Que le Dhamma soit votre île, que le Dhamma soit votre refuge, ne cherchez aucun autre refuge. Et comment une personne vit-elle en étant une île pour elle-même, sans chercher d’autre refuge ? Voilà Ananda : cette personne demeure dans la contemplation du corps, honnêtement, clairement consciente, attentive, ayant éloigné tout attachement et inquiétude par rapport au monde. Elle fait de même pour les sensations, pour l’esprit et pour les objets mentaux. Voici, Ananda, comment une personne vit en étant une île pour elle-même, sans aucun autre refuge. Ceux qui, maintenant ou après moi, vivront ainsi deviendront des Eveillés, deviendront les meilleurs êtres qui soient, s’ils sont désireux d’apprendre.       

Le Bouddha explique qu’il n’a conservé aucun enseignement secret pour ses derniers moments ou pour certains de ses disciples. Il a enseigné le Dhamma qui est la Vérité et qui doit être pris comme refuge. Ne cherchez pas refuge chez une autre personne ou dans quelque chose d’extérieur à vous-même ; mais cherchez refuge dans votre île qu’est le Dhamma, dans la Vérité. Et comment connaître cette Vérité ?  En développant l’attention au corps, aux sensations, à l’esprit et aux objets mentaux, parce que tel est notre monde. Nous pouvons connaître notre corps, nos sensations, nos pensées, nos idées et les concepts qui traversent notre esprit quand il est pacifié et attentif. Ne prenez pas refuge dans les choses extérieures, les traditions, la vie matérielle, mais prenez refuge dans le Dhamma, la vérité. Faites-en votre île.  

Le Vénérable Ananda demande au Bouddha : « Qui devrons-nous croire après votre mort, comment reconnaître un maître qui enseigne le Dhamma ? » Le Bouddha répond qu’il ne faudra pas accepter ou rejeter les enseignements de tel ou tel maître qui se réclame du Dhamma mais écouter avec attention et comparer cet enseignement avec les paroles du Bouddha dans les sutta. Quel que soit l’enseignant, si ses paroles sont en accord avec les sutta alors vous pouvez vous dire : « Oui, je reconnais les paroles du Bouddha. Ce moine a bien compris la doctrine du Maître. »

C’est un aspect très important du Dhamma. Ainsi, ne dites pas que tout ce que dit Ajahn Nyanadhammo est la vérité mais comparez mes paroles avec celles du Bouddha dans les sutta. En tant que bouddhistes, nous prenons refuge dans le Bouddha, le Dhamma et le Sangha, et il nous est toujours possible de nous référer aux sutta et de jauger les paroles d’un enseignant par rapport à eux.

« Moines, c’est en ne comprenant pas et en ne pénétrant pas quatre choses que moi-même ainsi que vous sommes entrés dans ce très long cycle de naissance et de mort. Que sont ces quatre choses ? C’est en ne comprenant pas la vertu des Eveillés, la vertu des êtres nobles ; c’est en ne comprenant pas la noble concentration ; c’est en ne comprenant pas la noble sagesse ; c’est en ne comprenant pas la noble Libération que moi-même ainsi que vous sommes entrés dans ce très long cycle des renaissances. Mais c’est en comprenant et en pénétrant la noble vertu, la noble concentration, la noble sagesse et la noble libération que le désir de devenir a été coupé, la tendance à vouloir exister a été détruite. »

Ne comprenant pas la noble vertu, la noble concentration, la noble sagesse et la noble libération, nous faisons toujours les mêmes erreurs et sommes entraînés dans le cycle infini des naissances et des morts. Mais si nous développons la compréhension et cultivons la vertu, nous nous purifions et sommes enclins à la noble concentration. Quand nous purifions nos pensées, que notre esprit est calme et concentré, il devient lumineux et malléable, il devient pur. Alors la noble sagesse se développe, nous voyons les choses telles qu’elles sont – nous voyons l’apparition et la disparition des phénomènes, nous voyons l’impermanence, l’insatisfaction et le non-soi. Cette noble sagesse nous conduira à la noble Libération car nous aurons détruit les causes du devenir. Comme tous ces enseignements sont parvenus jusqu'à nous, nous avons la possibilité de faire mûrir le Dhamma dans notre cœur et dans notre esprit.

Le Bouddha, qui vit ses derniers jours, est invité à déjeuner chez Cunda – qui était, de par sa famille, travailleur des métaux. Après ce repas, le Bouddha tombe gravement malade et souffre de douleurs aiguës qu’il supporte en toute conscience, sans aucune plainte.

« Le Bouddha s’adresse au vénérable Ananda : ‘Allons à Kusinara, Ananda’. ‘Très bien’ répond Ananda.  

A la suite de ce repas le Bouddha est terrassé par une intoxication alimentaire et s’adresse à Ananda.

« Il pourrait arriver, Ananda, que le forgeron Cunda soit pris de remords en pensant : ‘J’ai offert le repas qui a occasionné une maladie mortelle au Bouddha’. Il pourrait s’accuser que ce dernier repas, préparé par lui, ait causé l’entrée dans le Nibbana final du Bouddha. Mais le forgeron Cunda ne devrait pas avoir de remords. Va voir ce forgeron et dis-lui : ‘C’est ton mérite Cunda, c’est ta bonne action, le Tathāgata a atteint le Nibbana final après avoir pris son dernier repas chez toi. Ami Cunda j’ai entendu, de la bouche même du Bouddha, et compris qu’il y a deux sortes d’offrandes qui apportent de grands mérites, de très grands résultats, plus de fruits et de bienfaits que n’importe quelle autre. Quelles sont ces deux offrandes ? La première est le don de nourriture que le Tathāgata a mangé juste avant son suprême Eveil, et l’autre est le don de nourriture que le Tathāgata a mangé juste avant d’atteindre le Nibbana ultime, sans résidu, après son dernier souffle. Ces deux offrandes sont beaucoup plus profitables que n’importe quelle autre. L’action de Cunda va lui apporter une longue vie, le bonheur, la prospérité et la noblesse.’ »   

Le Bouddha demande à Ananda de retourner voir Cunda pour le rassurer : il ne doit pas se sentir coupable d’avoir offert le repas qui a rendu malade le Bouddha car la mort est inévitable. Le Bouddha est simplement arrivé à la fin de sa vie, c’est la loi des causes et des effets. Le don de ce repas, offert sans mauvaise intention, apporte de grands mérites. De même, offrir le repas qu’un bodhisattva prend juste avant son Eveil apporte de grands mérites car c’est l’une des causes et conditions qui donnent la force physique de réaliser le Nibbana.

De plus en plus faible, le Bouddha s’assoit au pied d’un arbre au bord de la route. Pukkusa le Malla, qui passait par là, vient parler avec le Bouddha. A la fin de la conversation se sentant inspiré par l’enseignement du Bouddha, Pukkusa lui offre, ainsi qu’à Ananda, un ensemble de robes aux reflets dorés.

« C’est merveilleux Vénérable, c’est extraordinaire comment la peau du Bouddha apparaît claire et lumineuse ; elle est plus radieuse que les robes tissées d’or dans lesquelles je vous ai drapé. C’est vrai, Ananda, il y a deux occasions où la peau d’un Tathāgata apparaît spécialement claire et radieuse, quelles sont-elles ? La première est la nuit où le Tathāgata atteint l’Eveil suprême, et l’autre est la nuit où le Tathāgata atteint le Nibbana ultime, sans résidu, après son dernier souffle. En ces deux occasions, la peau d’un Tathāgata apparaît spécialement claire et radieuse. »

Il y a deux occasions dans la vie d’un Bouddha où sa peau devient rayonnante (c’est ce qui explique les représentations traditionnelles du Bouddha recouvertes d’or) : le jour de son Eveil et celui de sa mort.

« Cette nuit, Ananda, pendant la dernière veille de la nuit… » (Entre 3 et 6 heure du matin) «… dans le bosquet de salas, près de Kusinara, entre deux arbres sala, le Bouddha vivra ses derniers instants. Maintenant Ananda, allons à Kusinara »

Le Bouddha dit à Ananda : « Cette nuit je vais mourir. » Puis ils repartent à pied pour Kusinara.

Et le Béni du Ciel, de même qu'une grande compagnie de bhikkhus, partit de l'autre côté de la

Hiraññavati, au Bosquet de Salas des Mallas, aux environs de Kusinara. Et là il s'adressa au

Vénérable Ananda, en disant:

 « Ananda, prépare-moi une couche entre les deux arbres sala, la tête au nord. Je suis fatigué, Ananda, et je veux m'étendre. »

Le Bouddha s’allongea, la tête au nord, sur le côté droit en posant un pied sur l’autre, en pleine conscience, dans la posture du lion. Son attention était claire et lumineuse.

« Les deux arbres sala se mirent à fleurir, bien que ce ne fut pas la saison, et une pluie de fleurs recouvrit le corps du Bouddha en hommage. » 

« Des fleurs du divin arbre coral tombèrent du ciel, l’air fut rempli d’une fragrance de bois de santal qui enveloppa le corps du Tathāgata tandis qu’une musique divine provenait du ciel. »

«Ananda, ces arbres qui fleurissent, bien que ce ne soit pas la saison, et cette musique divine, sont une manière de rendre hommage au Bouddha ».

« Mais Ananda, quel que soit le moine ou la nonne, le laïc ou la laïque qui demeure dans la pratique juste du Dhamma et réalise parfaitement la voie du Dhamma, il ou elle honore le Tathāgata, le révère, l’estime et lui rend le suprême hommage. En conséquence, Ananda, nous devons demeurer dans la pratique juste du Dhamma et accomplir parfaitement la voie du Dhamma. Que ces paroles soient votre mot d’ordre. »

Le Bouddha explique que le plus grand hommage qu’on puisse lui rendre est de mettre en pratique son enseignement et non de lui offrir de l’encens ou des pétales de fleurs qui ne font preuve que d’une simple dévotion. Parfaire la voie du Dhamma est la seule manière de rendre hommage au Bouddha. Ananda interroge le Bouddha :

 « Auparavant, où que vous soyez, les moines venaient vous voir et vous rendre visite mais maintenant, où devront-ils se rendre pour se souvenir de vous ? »

Le Bouddha répond :

« Vénérable Ananda, il y a quatre endroits dont la vue devrait éveiller de l’émotion chez les fidèles. Quels sont-ils ? Le lieu de naissance du Tathāgata est le premier ; l’endroit où le Tathāgata a obtenu l’Eveil suprême est le second ; l’endroit où le Tathāgata a mis en marche la roue du Dhamma est le troisième ; et l’endroit où le Tathāgata a atteint le Parinibbana absolu sans résidu est le dernier. Ici Ananda, les fidèles moines, nonnes, laïcs et laïques qui visiteront ces endroits et ceux qui mourront en faisant le pèlerinage vers ces lieux saints, le cœur plein de dévotion, renaîtront, après la dissolution du corps, dans un royaume céleste. » 

Si vous voulez vous souvenir du Tathâgata si vous voulez faire le pèlerinage, faites comme le Bouddha l’a dit dans sa dernière nuit, allez sur le lieu de sa naissance, allez sur le lieu où il a obtenu l’éveil à Bodhgaya, allez à Sarnath où il a enseigné le Dhamma et allez a Kusinara où il est mort. Allez saluer et vénérer ces lieux en vous souvenant du Bouddha de son enseignement et de la Sangha, ceci au profit d’une longue vie et du bonheur.

Ananda demande au Bouddha ses souhaits pour ses funérailles.

« Ne te soucie pas, Ananda, de la préparation de mes funérailles. Tu devrais, au contraire, lutter pour le plus noble but, te consacrer entièrement à ce noble but. Travaille sur ton esprit avec zèle et sans fatigue, engagé pour le plus noble but. »   

Le Bouddha explique alors à Ananda que des laïcs prendront soin du corps du Tathâgata et s’occuperons des funérailles. La préoccupation constante du Bouddha était d’inciter les moines à réaliser le Dhamma sans se soucier du corps – y compris du sien.

Ananda demande au Bouddha « que devrons nous faire avec vos cendres après la crémation ? »

Le Bouddha suggère :

« Il serait approprié de construire un stupa. »

Voici comment, dans le Bouddhisme, est née la tradition des stupas : parce que le Bouddha lui-même a suggéré de mettre ses cendres dans un stupa.

« Et quiconque apportera à cet endroit des fleurs et de doux parfums, le coeur plein de dévotion, en retirera de grands bénéfices pour une longue période. »

 « Il y a quatre personnes, Ananda, qui sont dignes d'un stupa. Qui sont ces quatre ? Un Tathāgata, un Arahant, un Etre pleinement éveillé sont dignes d'un stupa ; un Paccekabuddha, le disciple d'un Tathāgata, ainsi qu'un monarque universel le sont également. »

Ananda, le cousin du Bouddha, qui s’occupe de lui depuis de nombreuses années, est « entré dans le courant » mais il est submergé par le chagrin et part pleurer et se lamenter à l’écart :

« Je ne suis encore qu'un apprenti avec beaucoup à apprendre. Mais, hélas, mon Maître, qui était si compatissant envers moi, est sur le point de décéder ! »

Le Bouddha, pourtant très malade, demande aux moines où est parti Ananda. Ils lui répondent qu’Ananda se lamente sur la mort prochaine du Bouddha. Alors le Bouddha demande aux moines « Allez dire à Ananda, mon bon ami, de venir me voir ». Ananda viens alors saluer le Bouddha qui lui parle ainsi :

« Cela suffit Ananda ! Ne te lamente pas ! Ne t’ai-je pas déjà enseigné que toutes les choses qui sont plaisantes et délectables sont changeantes, sujettes à la séparation et à la transformation ? Donc tout ce qui est né, Ananda, tout ce qui est composé, est sujet à la décadence. Comment se pourrait-il que cela ne meure pas ? Cela fait longtemps, Ananda, que tu es à mes côtés, faisant preuve de bonté bienveillante dans tes actes, tes paroles et tes pensées, avec dévotion et de tout ton cœur. Ananda, tu as réalisé beaucoup de mérites. Fais un effort et, sous peu, tu seras libéré de toutes les pollutions. »

Le Bouddha dit à son proche disciple qu’il n’y a pas de raison de pleurer la mort du Tathâgata. La nature de tout ce qui est conditionné est de disparaître — comment pourrait-il en être autrement ? Le Bouddha prédit à Ananda qu’il atteindra l’Eveil complet rapidement s’il maintient un effort constant.

Subhadda, un ascète d’une autre secte, vient voir le Bouddha pour l’interroger mais Ananda le repousse plusieurs fois car le Bouddha est très fatigué et se repose. Le Bouddha dans sa grande compassion, et malgré la mort qui approche, voyant la sincérité de l’homme, accepte de lui donner un enseignement. Subhadda demande au Bouddha si tel enseignant est éveillé ou si tel autre religieux est éveillé ou si telle personne est un saint. Le Bouddha lui répond :

« Ne te préoccupe pas des autres. Je vais t’enseigner le Dhamma »  

« Dans n’importe quel enseignement ou discipline, si on n’y trouve point le Noble Octuple Sentier, alors aucun ascète n’est trouvé. Pas d’ascète qui soit ‘Entré dans le courant’, pas d’ascète qui ‘ne revienne qu’une seule fois’, pas d’ascète ‘qui ne revienne plus’ et pas d’ascète qui soit un Arahant. Par contre, là où est enseigné le Noble Octuple Sentier, tu trouveras l’un de ces quatre types d’ascètes. »

« Si des moines vivent une vie pure et si des moines pratiquent le Noble Octuple Sentier, le monde ne manquera pas d’Etres éveillés »

Pour savoir s’il est possible d’atteindre l’Eveil, de rencontrer des êtres éveillés ou des êtres sur le chemin de l’Eveil, à notre époque, il nous suffit de regarder comment les autres pratiquent le Noble Octuple Sentier et comment nous le pratiquons nous-mêmes. C’est la pratique qui mène à l’Eveil et, si elle est maintenue, d’autres êtres et vous-mêmes parviendrez à l’Eveil.

Ananda demande au Bouddha d’autres instructions :

« Cela suffit, Ananda ! Je t’ai enseigné le Dhamma. La discipline et le Dhamma seront ton maître après ma mort. »

Pour nous bouddhistes, quoi qu’il arrive et bien que le Bouddha soit parti, le Dhamma est notre guide, notre refuge, notre maître.

Le Bouddha, allongé sur le côté droit, fait ensuite sa dernière déclaration :

« Maintenant, moines, je vous le déclare, toutes les choses conditionnées sont de nature à disparaître. Persévérez avec sincérité. » 

Ce furent les dernières paroles du Tathâgata.

 « Et le Bouddha entra dans le premier jhāna, puis il entra dans le second jhāna, puis il entra dans le troisième jhāna, puis il entra dans le quatrième jhāna, puis il entra dans la sphère de l'espace infini, puis il entra dans la sphère de la conscience infinie, puis il entra dans la sphère de la vacuité, puis il entra dans la sphère de ni-perception-ni-non-perception, puis il atteint la cessation de la perception et de la sensation. 

Et le Vénérable Ananda s'adressa au Vénérable Anuruddha, en disant : "Vénérable Anuruddha, le Bouddha est décédé. Non, ami Ananda, le Bouddha n'a pas disparu. Il est entré dans l'état de la cessation de la perception et de la sensation. »

Le Vénérable Anuruddha, l’un des principaux disciples du Bouddha, qui était capable de connaître les états psychiques des autres personnes, suivait ainsi les différents états par lesquels passait le Bouddha. Dans l’état de la cessation de la perception et de la sensation, le Bouddha donnait l’impression d’être mort car, dans cet état, la respiration est quasiment imperceptible.

 « Alors le Bouddha, sortant de la cessation de la perception et de la sensation, entra dans la sphère de ni-perception-ni-non-perception, puis il entra dans la sphère de la vacuité, puis il entra dans la sphère de la conscience infinie, puis il entra dans la sphère de l'espace infini. En sortant de la sphère de l'espace infini, il entra dans le quatrième jhāna, puis il entra dans le troisième jhāna, puis il entra dans le second jhāna, puis il entra dans le premier jhāna. En sortant du premier jhāna, il entra dans le second jhāna, puis il entra dans le troisième jhāna, puis il entra dans le quatrième jhāna. Et, en sortant du quatrième jhāna, le Bouddha immédiatement trépassa. »

Et il est dit que Juste après la mort du Bouddha se produisit un terrible tremblement de terre. Certains moines qui se trouvaient là se sentirent mal certains pleuraient d’autres se lamentaient :

« Il est bien trop tôt pour que le Bouddha soit parti, il est bien trop tôt pour que le Béni du ciel soit parti, il est bien trop tôt pour que l’Œil du monde ait disparu. »

« Mais les moines qui étaient libres de l’attachement acceptèrent avec pleine conscience : ‘Tous les composés sont impermanents. Quelle est l’utilité de tout cela ? Les pleurs sont inutiles.’ »

« Alors le Vénérable Anuruddha s'adressa aux moines : ‘Mes amis, cessez vos lamentations. Le Bouddha ne vous a-t-il pas enseigné que tout ce qui est plaisant et délectable est sujet à la séparation et au changement ? Pourquoi tout ceci mes amis ? Tout ce qui est né, tout ce qui est composé, est sujet au déclin. Il ne peut en être autrement. »

Voici donc la description des derniers jours et des derniers moments du Bouddha. C’est l’occasion pour nous de réfléchir à la vérité de ces enseignements : tout ce qui est « composé » est impermanent et sujet au changement.

Ce jour du souvenir de la naissance, de l’Eveil et de la mort du Bouddha est l’occasion de nous rappeler l’Eveillé avec gratitude et compassion – nous avons la chance d’entendre ses enseignements et de pouvoir les appliquer dans notre vie.

Je vous souhaite à tous de connaître le bonheur et la prospérité. J’espère que vous ferez l’expérience de la noble vertu, de la noble concentration, de la noble sagesse et de la noble Libération. Aidez les autres et offrez-leur compassion et gentillesse. Quant à moi, je vous offre ma bénédiction pour l’avenir.