Le Dhamma de la Forêt |
La pleine lune du mois de mai est un
moment plein de sens pour les Bouddhistes de toutes les traditions. C’est
l’occasion de nous souvenir avec gratitude de notre maître, le Bouddha. Il est
né à la pleine lune de mai, il a atteint l’éveil à la pleine lune de mai et il
est mort en mai, la nuit de la pleine lune. Pour commémorer ces événements,
nous célébrons le mois de mai, Vesakha
et, comme c’est un moment très important dans le calendrier bouddhique,
plusieurs services et cérémonies vont avoir lieu ce week-end.
Comme nombre d’entre vous ne sont pas
familiers avec la vie du Bouddha — et peut-être encore moins avec sa mort — il
m’a paru opportun de vous commenter le Mahaparinibbana
Sutta, l’un des plus longs « discours »,
qui évoque les derniers jours du Bouddha mais aussi les enseignements qu’il a
donné à la fin de sa vie. Je vais commencer par replacer le sutta dans son contexte puis je vous
lirai les passages les plus pertinents que je commenterai pour vous.
Le Bouddha est mort à quatre-vingts
ans et il a atteint l’Eveil à trente cinq ans. Il a donc œuvré pendant
quarante-cinq années dans le nord de l’Inde, se rendant partout où il était
invité pour dispenser son enseignement. Le Bouddha savait qu’il allait mourir
et avait même prédit sa mort, trois mois auparavant, pour la pleine lune de
mai. Pendant ces trois derniers mois, il a multiplié les discours et les
déplacements, mettant l’accent sur ses enseignements les plus importants,
essayant de donner aux moines, aux nonnes et aux laïcs un résumé du cœur de la
Doctrine et puis, juste avant sa mort, il a donné ses ultimes conseils dans ce
discours du Mahaparinibbana.
Il faut rappeler que cet enseignement
a été donné dans une période d’agitation politique dans la région du Magadha,
au nord de l’Inde, où les royaumes se préparaient à entrer en guerre. Le
Bouddha commence donc son discours en parlant des conditions nécessaires à la
stabilité sociale et à l’harmonie ; puis il donne des conseils aux moines
pour leur bien-être et leur développement spirituel ; enfin, il parle des
conditions qui mènent à la prospérité et au bonheur, et des conditions qui
éloignent du déclin.
Je ne vais pas trop entrer dans le
détail du sutta mais je commencerai
par le passage où le Bouddha donne une analyse et un résumé de son
enseignement. Il se trouve près de la ville de Rajagaha, capitale du très
ancien et très puissant royaume du Magadha, et vit aux abords de la ville, en
haut d’une montagne nommée le Pic du Vautour car elle est surplombée par un
rocher qui ressemble à une tête de vautour. Aujourd’hui nous pouvons encore y
voir les restes de la hutte que le Bouddha occupait à l’époque.
Le Bouddha s’adresse ainsi aux
moines :
« Voici la moralité, voici la concentration, voici la sagesse. La
concentration, pénétrée de vertu, apporte de grands fruits et de grands
bienfaits. La sagesse, pénétrée de concentration, apporte de grands fruits et de
grands bienfaits. L’esprit, pénétré de sagesse, devient complètement libre de toutes
les corruptions, c’est-à-dire de la corruption de la sensualité, du devenir,
des concepts erronés et de l’ignorance. »
Le Bouddha résume
Quand l’esprit se renforce par la
pureté de la concentration, il se libère des « pollutions ». Dans le bouddhisme
on appelle « pollutions » ce qui obscurcit le mental et entraîne la
création d’encore davantage d’impuretés. Les pollutions du mental sont de
plusieurs sortes :
- Le désir sensuel : c’est la
recherche continuelle du plaisir à travers le corps. Dans ce cas, l’esprit
n’est jamais en paix. Comment notre esprit peut-il être heureux quand nous
recherchons continuellement le plaisir dans les objets que nous voyons, les
sons, les sensations physiques, les saveurs ou les odeurs — nous sommes sans
cesse projetés vers le monde extérieur ! Quand l’esprit est pur et calme,
il est en paix ; nous faisons l’expérience de l’esprit serein, nous
connaissons la paix intérieure, le contentement. C’est quand l’esprit reste centré à
l’intérieur que nous sommes heureux, pas dans la recherche continuelle des
plaisirs extérieurs.
- Le désir d’une existence
éternelle : c’est le désir d’être, le désir de devenir, le désir de faire.
C’est la peur créée par le sentiment d’un « moi ». Nous ne trouvons
jamais la sécurité car tout ce qui menace ce « moi » crée la peur et
perpétue le sentiment d’exister.
- La vision erronée : c’est ne
pas voir les quatre Nobles Vérités, ne pas voir pourquoi nous souffrons, ne pas
voir la cause de la souffrance, ne pas comprendre que l’on peut se libérer et
qu’il existe une Voie qui mène à cette Libération. La conséquence naturelle de
la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort c’est dukkha — l’insatisfaction, la souffrance. Notre attachement à tout
ce qui naît puis disparaît obligatoirement, crée l’insatisfaction. Quand nous
voyons que rien n’est stable, que tout apparaît et disparaît, que rien de dure,
que le monde est insatisfaisant, nous comprenons que nous ne trouverons pas de
sécurité dans ce monde en changement perpétuel. Ce désir de voir les choses durer,
de ne pas être séparé de nos proches, de ne connaître que des plaisirs et pas
de douleur, est la racine de notre souffrance, dukkha. Est-il possible de n’avoir que des expériences plaisantes,
d’être toujours en bonne santé, de ne pas vieillir, de ne pas mourir ?
Non, ce n’est pas possible. La nature perpétuellement changeante de l’existence
crée la souffrance du fait de notre désir que tout se passe selon nos souhaits.
La vision erronée, c’est ne pas voir que, en abandonnant le désir insatiable, nous
pouvons nous libérer de la souffrance ; c’est ne pas voir qu’il existe une
Voie qui mène à la Libération en laissant la nature suivre son cours : la
Voie de la moralité, de la concentration et de la sagesse.
- L’ignorance : c’est ne pas voir la
véritable nature des choses ; nous les voyons permanentes alors qu’elles
sont impermanentes, nous les voyons substantielles alors qu’elles sont
insubstantielles. Nous croyons que les choses nous apportent le bonheur mais,
quand elles arrivent à leur terme et disparaissent, cela engendre
insatisfaction et chagrin. Nous voyons les choses comme éternellement belles
alors que tout se fane. Les fleurs derrière moi sont très belles mais elles
vont se faner. Comme nous ne voyons pas le déclin de toutes choses, le déclin
de la vie, nous nous attachons à ce qui est beau sans voir que tout prend
fin.
Après ce discours le Bouddha continue
son périple en Inde et, dans ses derniers jours, le Vénérable Sariputta, l’un
des principaux disciples du Bouddha, renommé pour sa sagesse, vient voir le
Bouddha et lui déclare :
« Le
Bouddha Gautama est certainement le plus grand et le meilleur de tous les êtres
éveillés, de tous les bouddhas du passé et du futur … »
Il
fait référence au fait qu’un bouddha
est un être qui a réalisé la Vérité
et qu’il n’y a qu’un seul bouddha par monde
et par période cosmique ; dans ce contexte, le Bouddha
Gautama se situe
entre les bouddhas du passé et ceux du futur. Alors, le Bouddha
demande à
Sariputta :
«
Connais-tu vraiment l’esprit de tous les bouddhas du passé, connais-tu leur
moralité, connais-tu l’étendue de leurs enseignements, connais-tu leur sagesse
et connais-tu la voie qui les a menés à la Libération ?
« Non, en aucun cas, Vénérable »,
répond Sariputta, et il continue avec cette déclaration intéressante :
« Vénérable, l’esprit des arahants,
de tous les bouddhas éveillés du passé, du futur et du présent n’est pas ouvert
à ma compréhension. Mais je connais l’étendue du Dhamma, je comprends leurs
enseignements… »
« Tous ces
bouddha éveillés du passé ont atteint le suprême Eveil en abandonnant les cinq obstacles
- qui affaiblissent la compréhension. L’esprit fermement établi dans les quatre
fondations de l’attention, ils réalisent les sept facteurs d’Eveil tels qu’ils
sont. Tous les bouddhas du futur feront la même chose. Et vous, Vénérable, qui
maintenant êtes l’Arahant, le Bouddha pleinement éveillé, avez fait de
même. »
Le Bouddha approuve les paroles de Sariputta. En
effet, pour devenir un Eveillé, il faut développer trois qualités
d’esprit :
- Abandonner les cinq obstacles qui affaiblissent
la sagesse et la compréhension et sont la
nourriture de l’ignorance :
· La
sensualité : la recherche des plaisirs par le corps.
· La négativité,
l’aversion : une personne en colère ne voit pas les choses clairement et
fait du mal. L’aversion et la sensualité nous sont préjudiciables, nous ne
recherchons que notre propre plaisir et pouvons exploiter les autres du fait de
notre désir. L’aversion et la sensualité détruisent la clarté et la sagesse.
· Le
doute et la confusion : quelle est la Voie vers la paix, vers la Libération ?
Pourquoi suis-je né ? Où vais-je aller après la mort ? Ces doutes sur
la direction à suivre dans notre vie et sur le chemin spirituel conduisent à la
confusion. Chez un être éveillé, le doute est détruit.
· La paresse et
la torpeur : ces deux obstacles ont été détruits chez un être éveillé. Son
esprit est clair, lumineux et alerte.
· L’agitation de
l’esprit : celle-ci a aussi été détruite chez un être éveillé. Son esprit est
serein, paisible, inébranlable. Nos actions, nos envies d’agir et de parler
viennent de l’agitation, du manque de contentement, de l’impossibilité à rester
posés. C’est cette agitation qui nous pousse à rechercher sans cesse les
plaisirs extérieurs qui, à leur tour, nous conduisent à plus d’agitation.
-
Les êtres éveillés développent un autre facteur : les quatre
Etablissements de l’Attention.
· C’est demeurer
conscient de son propre corps et de ses gestes. Si nous ne restons pas à
l’intérieur nous sommes ailleurs, nous ne sommes pas ici et maintenant.
· C’est
connaître les sensations : la nature plaisante, déplaisante et neutre des
sensations du corps et de l’esprit et voir les sensations apparaître et
disparaître. Nous ne sommes plus esclaves des sensations qui créent l’envie et
le désir. Si nous faisons l’expérience d’une sensation plaisante, nous voulons
la maintenir mais, si avons une douleur, nous voulons qu’elle s’arrête et
disparaisse — l’esprit rejette la douleur. Et, la plupart du temps, nous ne
sommes pas conscients des sensations neutres. L’esprit éveillé connaît les
sensations quand elles apparaissent et disparaissent ; il distingue les
types de sensations : corporelles ou mentales, plaisir, douleur ou
sensations neutres ; il connaît aussi leurs caractéristiques : ceci
n’est pas moi, ceci n’est pas mien, ceci n’est pas personnel.
· L’esprit
éveillé est conscient des pensées quand elles apparaissent et disparaissent, il
voit les opini
et les idées comme des phénomènes conditionnés. Il pratique
aussi la contemplation des phénomènes — les dhamma.
- Les êtres éveillés doivent aussi
développer les sept Facteurs d’Eveil, ces qualités qui conduisent à la
Libération.
· L’attention : c’est
être constamment alerte, pleinement conscient du moment présent, savoir, se
souvenir.
· ’effort
juste : c’est avoir l’énergie nécessaire pour développer des états
d’esprit sains et surmonter les états d’esprit malsains. C’est maintenir des
qualités saines et abandonner les qualités malsaines. C’est aussi maintenir le
plus longtemps possible dans notre esprit une pensée d’amour bienveillant qui
apparaît — et c’est ce type d’effort qui vous conduira vers la Libération. Si
nous voyons apparaître dans notre esprit la colère, la sensualité, la cruauté
nous devons faire l’effort d’abandonner ces pensées et de reconnaître que ces émotions
sont très éloignées de celles d’un être éveillé. Est-ce que je voudrais mourir
avec des pensées de colère ? Une pensée de colère n’est pas l’attribut
d’un Arahant ; une pensée
d’égoïsme n’est pas appropriée pour une personne qui recherche la plus haute
libération — vous devez aussi abandonner les concepts erronés, la peur,
l’anxiété et l’orgueil.
· L’investigation :
vous devez investiguer, c’est-à-dire approfondir tous les phénomènes dont vous
faites l’expérience pour en voir la vérité.
· La
tranquillité : vous devez aussi développer la tranquillité, le calme et le
contentement. Et comment devenir tranquille ? En cultivant un état de joie
et de contentement dans l’esprit. L’esprit devient serein quand il est joyeux
et sain. La joie, la bonté et les pensées nobles rendent l’esprit heureux et
joyeux, ce qui calme aussi bien le corps que l’esprit. C’est comme pendant vos
vacances : vous êtes calme et détendu, vous vous allongez sur la plage.
Vous laissez aller le monde, vous laissez aller les choses, vous faites
confiance à votre propre gentillesse, à votre vertu et ainsi vous vous apaisez,
vous vous relaxez et vous relâchez les tensions.
· La joie, la
concentration et l’équanimité sont les autres Facteurs d’Eveil qui doivent être
développés.
Plus loin dans le sutta le Bouddha s’adresse aux moines.
« Moines,
c’est en ne comprenant pas, en ne pénétrant pas, les quatre Nobles Vérités que
j’ai moi-même, ainsi que vous tous, parcouru le cercle des naissances et des
morts pendant des temps infinis. Quelles sont ces Vérités ?
En ne
comprenant pas la Noble Vérité de la souffrance nous avons alimenté ce cycle.
En ne
comprenant pas les Nobles Vérités de l’origine de la souffrance, de la
cessation de la souffrance et du chemin qui mène à la cessation de la
souffrance, nous avons alimenté ce cycle de la naissance et de la mort.
Mais en
comprenant et en pénétrant ces mêmes Nobles Vérités de la souffrance, de
l’origine de la souffrance, de la cessation de la souffrance et du chemin qui
mène à la cessation de la souffrance le désir de devenir — d’une nouvelle
existence — est détruit. »
Le Bouddha donne ici un résumé de son
enseignement et nous explique la raison pour laquelle nous — comme lui-même
avant son Eveil — parcourons indéfiniment le cercle des naissances et des morts
et vivons dans le samsara : parce que nous ne comprenons pas la Noble
Vérité de la souffrance. Nous ne comprenons pas que la naissance est
souffrance, que la vieillesse est souffrance, que la douleur le chagrin et le
désespoir sont souffrance, qu’obtenir ce que nous ne voulons pas est
souffrance, qu’être séparé de ceux que nous chérissons est souffrance. Du fait
de leur changement continuel, les cinq agrégats – le corps, les pensées, les
sensations, les perceptions et la conscience sensorielle – sont aussi
souffrance. Ne comprenant pas cela, nous nous attachons avec désir à notre vie
et continuons indéfiniment notre existence dans le samsara. C’est seulement par la connaissance des ces quatre Vérités
que nous pouvons nous libérer du devenir.
Le Bouddha reprend son périple et
arrive au village de Nadika. Rappelons
qu’il est alors âgé de quatre-vingts ans et qu’il continue à voyager à pied et
à donner des enseignements. Ananda, disciple et assistant personnel du Bouddha,
lui demande où ont repris naissance tous les laïcs de cette ville qui sont
morts. Le Bouddha, qui avait la capacité de voir les sphères de renaissance des
défunts, lui répond :
« Ananda, à Nadika, plus de cinquante
disciples laïcs ont détruit la loi du samsara, connu une renaissance spontanée
et atteint l’éveil ; ils ne reviendront plus dans ce monde.
Quatre-vingt-dix autres laïcs, en
détruisant les trois chaînes de l’avidité, la haine et l’illusion, sont devenus
« Ceux qui ne reviennent qu’une seule fois », ils ne reviendront
qu’une seule fois dans ce monde et mettront alors fin à leur souffrance.
Cinq cents
autres, par la destruction des trois chaînes, sont devenus « Ceux qui sont
entrés dans le courant », ils ne pourront plus tomber dans les états
inférieurs et sont certains d’atteindre un jour le Nibbana. »
Le Bouddha explique que cinquante
disciples laïcs ont atteint l’état de « Celui qui ne reviendra plus en ce
monde » et, dans leur prochaine existence, vont donc entrer dans le Nibbana. Un certain nombre ont atteint
l’état de « Celui qui ne revient qu’une seule fois » et cinq cents
disciples ont atteint l’état de « Celui qui entre dans le courant »,
qui ont « l’œil du Dhamma »,
c’est-à-dire qu’ils voient et comprennent les quatre Nobles Vérités et sont
assurés d’atteindre l’Eveil. En ce temps-là, beaucoup de disciples du Bouddha
comprenaient le Dhamma.
Il est intéressant de souligner la remarque que le Bouddha
fait à Ananda :
«Ananda,
il n’y a rien d’étonnant à ce que les êtres humains doivent mourir. Mais
je t’ai enseigné un moyen de comprendre le Dhamma qui se nomme « le miroir
du Dhamma ». Un noble disciple, très déterminé, peut comprendre par
lui-même : « Je me suis libéré de l’enfer, de toute possibilité de
renaissance animale ou dans la sphère des fantômes et de la souffrance. Je suis
un ‘vainqueur du courant’, je ne risque plus de retomber dans ces états de
souffrance et je suis certain d’atteindre l’Eveil. »
Le Bouddha explique à Ananda qu’au
lieu de répondre à ses incessantes questions sur la renaissance des êtres, il
va lui donner un enseignement pour que, dans le présent et le futur, une
personne comprenant ses enseignements puisse regarder dans « le miroir du
Dhamma » et se dire : « Suis-je loin de l’Eveil ?
Vais-je atteindre l’Eveil ? Vais-je « entrer dans le courant »
et ne revenir sur cette terre que sept fois au maximum ? »
« C’est
grâce à ce miroir que nous pouvons voir. Alors, Ananda, le noble disciple,
possède une foi inébranlable dans le Bouddha : ‘Le béni du ciel est un
Arahant, un Bouddha pleinement éveillé, à la conduite et à la sagesse parfaites,
protecteur des êtres, connaisseur des mondes, suprême instructeur des êtres,
enseignant des hommes et des dieux, éveillé, béni du ciel’. »
Si vous avez une confiance
inébranlable dans le Bouddha qui est un parfait Eveillé, un Arahant qui a détruit la convoitise, la
haine et l’illusion; si vous avez foi dans sa connaissance de
« Si
quelqu’un possède une foi inébranlable dans le Dhamma : 'Bien exposé est
le Dhamma par le Bouddha, visible ici et maintenant, intemporel, il invite à
l'examen approfondi, il conduit à l’intérieur, pour que les sages le
comprennent chacun par eux-mêmes’.»
Le Bouddha explique que son
enseignement doit être étudié, doit être porté en soi et pratiqué. Cet
enseignement est intemporel, ce n’est pas une ancienne tradition qui ne
conviendrait qu’aux contemporains du Bouddha, il y a deux mille cinq cents ans
en Inde. Le Dhamma est applicable ici
et maintenant, le Dhamma est à
connaître ici et maintenant, il est visible ici et maintenant. L’esprit de l’un
d’entre vous peut s’éveiller et voir le Dhamma,
ici et maintenant. Le Dhamma est
intemporel, il n’est pas enchaîné pas la convention du temps, il encourage
l’investigation : est-ce vrai ? Que puis-je connaître de la
souffrance ? Y a-t-il de la souffrance dans ma vie ? A quoi suis-je
attaché ? Où sont mes passions ? Où sont mes aversions ? Où sont
mes désirs ? La cause de ma souffrance est-elle liée à mes
attachements ?
Tout cela vous le voyez sans l’aide d’une autre
personne ; vous le voyez par vous-même. Vous voyez qu’en abandonnant vos désirs
et vos attachements, vous pouvez vous libérer de la douleur et de la
souffrance. Vous voyez aussi que la Voie de la moralité, de la concentration et
de la sagesse purifie votre esprit et conduit à la liberté.
L’enseignement
du Bouddha ne vous
conduit pas à l’extérieur, à la recherche
d’informations et de connaissances
sur le monde ’’du dehors’’, mais à
l’intérieur de vous-même, à la rencontre de
votre corps et de votre esprit. Que pouvons-nous connaître de
notre propre
corps et de notre propre esprit ? Que pouvons-nous voir et
comprendre sur
ce qui se passe dans notre propre monde, celui dont nous faisons
l’expérience ?
Tous les sages peuvent le comprendre par eux-mêmes.
Cette compréhension de nous-mêmes ne peut être réalisée que par nous-mêmes
quand nous nous éveillons. Vous savez si vous êtes en colère ou non, vous
reconnaissez l’attachement, l’illusion. Mais vous reconnaissez aussi que vous
pouvez être libre de la colère, vous reconnaissez l’amitié bienveillante, vous
reconnaissez la compassion, vous reconnaissez les pensées de renonciation et de
générosité. Nous pouvons savoir tout cela, c’est la libération de ces états
malsains. Nous comprenons par nous-mêmes, sans demander confirmation à une
autre personne : ceci est-il ou n’est-il pas souffrance ?
Le Bouddha exprime ici la vérité du
Dhamma : tournez votre regard vers l’intérieur, vers vous-même, vers votre
esprit.
« Il possède
une foi inébranlable dans le Sangha. Bien dirigé est le Sangha des disciples du
Bouddha avec leur comportement éclairé sur le chemin juste, le chemin parfait.
Ce sont les quatre paires de personnes et les huit classes d’humains. »
Ce sont les disciples éveillés du
Bouddha : ceux qui ont confiance dans le Bouddha, pratiquent
Les
quatre paires de personnes et les huit classes d’êtres humains sont :
- Ceux qui sont « entrés dans le courant » (les
personnes qui voient le Dhamma) et ceux qui sont sur la Voie pour réaliser le
Dhamma, c’est-à-dire proches du but.
- Ceux qui « ne reviennent qu’une seule fois »
et ceux qui sont sur la Voie pour ne revenir qu’une seule fois.
- Ceux qui « ne reviendront plus » et
ceux qui sont sur la Voie pour ne plus revenir.
- Ceux qui sont pleinement éveillés
et ceux qui sont sur la Voie pour devenir pleinement éveillés.
Tous ceux-là sont appelés « les
huit classes d’êtres nobles dans le monde ». De telles personnes destinées
à l’Eveil sont nobles et rares. Rencontrer un être éveillé est très rare et
c’est une grande bénédiction. Le simple fait de savoir qu’il existe des êtres
éveillés dans le monde nous donne l’occasion de réfléchir : quelqu’un a
surmonté la colère dans son esprit, moi aussi je peux dépasser ma colère ;
quelqu’un a surmonté l’égoïsme, moi aussi je peux le faire ; quelqu’un a
surmonté la peur et l’illusion, moi aussi je peux le faire. Nous sommes emplis
de confiance et faisons l’effort de lutter pour notre libération.
« Cette
compréhension est appelé « le miroir du Dhamma ». Ainsi les nobles
disciples savent par eux-mêmes : ‘J’ai détruit les royaumes inférieurs,
j’ai vaincu le courant, je suis certain d’atteindre l’Eveil’. »
De telles personnes ont foi et confiance dans le
Bouddha éveillé, dans son enseignement et dans
Le Bouddha passe ensuite la saison des pluies à
Beluva où il tombe malade. Il endure des douleurs aigües sans aucune plainte et
en pleine conscience.
« Je
suis vieux maintenant, Ananda, mon corps est épuisé. J’ai atteint le terme de
ma vie à quatre-vingts ans. Tout comme on maintient une vieille charrette en
état avec des sangles, le corps du Tathagata est maintenu en vie avec de l’aide.
C’est seulement quand le Tathagata éloigne son attention des objets extérieurs
et, avec la cessation des sensations, entre dans la concentration de l’esprit —
la concentration sans signes — que son corps retrouve un peu d’aise. »
Le Bouddha explique qu’il recherche
le confort des états de concentration profonde pour échapper à son vieux corps
usé et aux sensations douloureuses. Même un bouddha peut ressentir de la
douleur. Vous aussi, si vous vous éveillez, vous ressentirez encore la douleur
physique mais vous ne ressentirez plus de douleur mentale ni d’angoisse – vous
serez libéré de l’inconfort de la souffrance mentale.
Après s’être rétabli de cette
maladie, le Bouddha sermonne Ananda qui l’interroge sur les dernières
instructions à donner à la communauté des moines (bhikkhu) ; c’est un sujet très important que le Bouddha tient
à préciser.
« Ananda
ne me demande pas de faire une déclaration sur la communauté des moines. Je
vous ai enseigné le Dhamma. Je n’ai pas eu d’enseignement secret, je n’ai
jamais enseigné le poing fermé mais dans le respect du Dhamma. »
Le Bouddha explique qu’il n’a pas
enseigné à un cercle restreint de disciples, il a enseigné le Dhamma pour le
bien de tous. Il n’y a pas, dans le bouddhisme, un enseignement ésotérique
destiné à des disciples proches et auquel la grande majorité n’aurait pas
accès. Le Bouddha explique qu’il a toujours enseigné le Dhamma librement, la
vérité a toujours été exposée à tous ceux qui désiraient la connaître. Le
Dhamma n’a pas été limité à un cercle restreint de disciples qui auraient suivi
telle ou telle initiation ou fait une grosse donation. Cette vérité est offerte
librement à ceux qui cherchent
Le Bouddha fait ensuite une déclaration, très
célèbre, que vous avez certainement déjà entendue.
« En conséquence, Ananda, soyez des îles pour
vous-mêmes, soyez votre propre refuge, n’ayez personne d’autre pour refuge. Que
le Dhamma soit votre île, que le Dhamma soit votre refuge, ne cherchez aucun
autre refuge. Et comment une personne vit-elle en étant une île pour elle-même,
sans chercher d’autre refuge ? Voilà Ananda : cette personne demeure
dans la contemplation du corps, honnêtement, clairement consciente, attentive, ayant
éloigné tout attachement et inquiétude par rapport au monde. Elle fait de même
pour les sensations, pour l’esprit et pour les objets mentaux. Voici, Ananda,
comment une personne vit en étant une île pour elle-même, sans aucun autre refuge.
Ceux qui, maintenant ou après moi, vivront ainsi deviendront des Eveillés, deviendront
les meilleurs êtres qui soient, s’ils sont désireux d’apprendre.
Le Bouddha explique qu’il n’a
conservé aucun enseignement secret pour ses derniers moments ou pour certains
de ses disciples. Il a enseigné le Dhamma qui est la Vérité et qui doit être
pris comme refuge. Ne cherchez pas refuge chez une autre personne ou dans
quelque chose d’extérieur à vous-même ; mais cherchez refuge dans votre
île qu’est le Dhamma, dans la Vérité. Et comment connaître cette Vérité ? En développant l’attention au corps, aux
sensations, à l’esprit et aux objets mentaux, parce que tel est notre monde.
Nous pouvons connaître notre corps, nos sensations, nos pensées, nos idées et les
concepts qui traversent notre esprit quand il est pacifié et attentif. Ne
prenez pas refuge dans les choses extérieures, les traditions, la vie
matérielle, mais prenez refuge dans le Dhamma, la vérité. Faites-en votre
île.
Le Vénérable Ananda demande au
Bouddha : « Qui devrons-nous croire après votre mort, comment
reconnaître un maître qui enseigne le Dhamma ? » Le Bouddha répond
qu’il ne faudra pas accepter ou rejeter les enseignements de tel ou tel maître
qui se réclame du Dhamma mais écouter avec attention et comparer cet
enseignement avec les paroles du Bouddha dans les sutta. Quel que soit l’enseignant, si ses paroles sont en accord
avec les sutta alors vous pouvez vous
dire : « Oui, je reconnais les paroles du Bouddha. Ce moine a bien
compris la doctrine du Maître. »
C’est un aspect très important du
Dhamma. Ainsi, ne dites pas que tout ce que dit Ajahn Nyanadhammo est la vérité
mais comparez mes paroles avec celles du Bouddha dans les sutta. En tant que bouddhistes, nous prenons refuge dans le Bouddha,
le Dhamma et le Sangha, et il nous est toujours possible de nous référer aux sutta et de jauger les paroles d’un
enseignant par rapport à eux.
« Moines,
c’est en ne comprenant pas et en ne pénétrant pas quatre choses que moi-même
ainsi que vous sommes entrés dans ce très long cycle de naissance et de mort.
Que sont ces quatre choses ? C’est en ne comprenant pas la vertu des Eveillés,
la vertu des êtres nobles ; c’est en ne comprenant pas la noble concentration ;
c’est en ne comprenant pas la noble sagesse ; c’est en ne comprenant pas
la noble Libération que moi-même ainsi que vous sommes entrés dans ce très long
cycle des renaissances. Mais c’est en comprenant et en pénétrant la noble
vertu, la noble concentration, la noble sagesse et la noble libération que
le désir de devenir a été coupé, la tendance à vouloir exister a été
détruite. »
Ne comprenant pas la noble vertu, la
noble concentration, la noble sagesse et la noble libération, nous faisons
toujours les mêmes erreurs et sommes entraînés dans le cycle infini des
naissances et des morts. Mais si nous développons la compréhension et cultivons
la vertu, nous nous purifions et sommes enclins à la noble concentration. Quand
nous purifions nos pensées, que notre esprit est calme et concentré, il devient
lumineux et malléable, il devient pur. Alors la noble sagesse se développe,
nous voyons les choses telles qu’elles sont – nous voyons l’apparition et la
disparition des phénomènes, nous voyons l’impermanence, l’insatisfaction et le
non-soi. Cette noble sagesse nous conduira à la noble Libération car nous
aurons détruit les causes du devenir. Comme tous ces enseignements sont
parvenus jusqu'à nous, nous avons la possibilité de faire mûrir le Dhamma dans
notre cœur et dans notre esprit.
Le Bouddha, qui vit ses derniers
jours, est invité à déjeuner chez Cunda – qui était, de par sa famille,
travailleur des métaux. Après ce repas, le Bouddha tombe gravement malade et
souffre de douleurs aiguës qu’il supporte en toute conscience, sans aucune
plainte.
«
Le Bouddha
s’adresse au vénérable Ananda : ‘Allons
à Kusinara, Ananda’. ‘Très bien’
répond Ananda.
A la suite de ce repas le Bouddha est terrassé par
une intoxication alimentaire et s’adresse à Ananda.
« Il
pourrait arriver, Ananda, que le forgeron Cunda soit pris de remords en pensant :
‘J’ai offert le repas qui a occasionné une maladie mortelle au Bouddha’. Il
pourrait s’accuser que ce dernier repas, préparé par lui, ait causé l’entrée
dans le Nibbana final du Bouddha. Mais le forgeron Cunda ne devrait pas avoir
de remords. Va voir ce forgeron et dis-lui : ‘C’est ton mérite Cunda, c’est
ta bonne action, le Tathāgata a atteint le Nibbana final après avoir pris son
dernier repas chez toi. Ami Cunda j’ai entendu, de la bouche même du Bouddha,
et compris qu’il y a deux sortes d’offrandes qui apportent de grands mérites,
de très grands résultats, plus de fruits et de bienfaits que n’importe quelle
autre. Quelles sont ces deux offrandes ? La première est le don de
nourriture que le Tathāgata a mangé juste avant son suprême Eveil, et l’autre
est le don de nourriture que le Tathāgata a mangé juste avant d’atteindre le Nibbana
ultime, sans résidu, après son dernier souffle. Ces deux offrandes sont
beaucoup plus profitables que n’importe quelle autre. L’action de Cunda va lui
apporter une longue vie, le bonheur, la prospérité et la noblesse.’ »
Le Bouddha demande à Ananda de retourner voir Cunda
pour le rassurer : il ne doit pas se sentir coupable d’avoir offert le
repas qui a rendu malade le Bouddha car la mort est inévitable. Le Bouddha est
simplement arrivé à la fin de sa vie, c’est la loi des causes et des effets. Le
don de ce repas, offert sans mauvaise intention, apporte de grands mérites. De
même, offrir le repas qu’un bodhisattva
prend juste avant son Eveil apporte de grands mérites car c’est l’une des
causes et conditions qui donnent la force physique de réaliser le Nibbana.
De plus en plus faible, le Bouddha s’assoit au pied d’un
arbre au bord de la route. Pukkusa le Malla, qui passait par là, vient parler
avec le Bouddha. A la fin de la conversation se sentant inspiré par
l’enseignement du Bouddha, Pukkusa lui offre, ainsi qu’à Ananda, un ensemble de
robes aux reflets dorés.
« C’est merveilleux Vénérable,
c’est extraordinaire comment la peau du Bouddha apparaît claire et lumineuse ;
elle est plus radieuse que les robes tissées d’or dans lesquelles je vous ai
drapé. C’est vrai, Ananda, il y a deux occasions où la peau d’un Tathāgata
apparaît spécialement claire et radieuse, quelles sont-elles ? La première
est la nuit où le Tathāgata atteint l’Eveil suprême, et l’autre est la nuit où
le Tathāgata atteint le Nibbana ultime, sans résidu, après son dernier souffle.
En ces deux occasions, la peau d’un Tathāgata apparaît
spécialement claire et radieuse. »
Il y a deux occasions dans la vie d’un Bouddha où
sa peau devient rayonnante (c’est ce qui explique les représentations
traditionnelles du Bouddha recouvertes d’or) : le jour de son Eveil et
celui de sa mort.
« Cette
nuit, Ananda, pendant la dernière veille de la nuit… » (Entre 3 et 6 heure
du matin) «… dans le bosquet de salas, près de Kusinara, entre deux arbres
sala, le Bouddha vivra ses derniers instants. Maintenant Ananda, allons à
Kusinara »
Le Bouddha dit à Ananda : « Cette nuit je
vais mourir. » Puis ils repartent à pied pour Kusinara.
Et le Béni du Ciel, de même qu'une
grande compagnie de bhikkhus, partit de l'autre côté de la
Hiraññavati, au Bosquet de Salas des
Mallas, aux environs de Kusinara. Et là il s'adressa au
Vénérable
Ananda, en disant:
« Ananda, prépare-moi une couche entre
les deux arbres sala, la tête au nord. Je suis fatigué, Ananda, et je veux
m'étendre. »
Le Bouddha s’allongea, la tête au nord, sur le côté
droit en posant un pied sur l’autre, en pleine conscience, dans la posture du
lion. Son attention était claire et lumineuse.
« Les deux arbres sala se mirent à
fleurir, bien que ce ne fut pas la saison, et une pluie de fleurs recouvrit le
corps du Bouddha en hommage. »
« Des fleurs du divin arbre coral
tombèrent du ciel, l’air fut rempli d’une fragrance de bois de santal qui
enveloppa le corps du Tathāgata tandis qu’une musique divine provenait du ciel. »
«Ananda, ces arbres qui fleurissent,
bien que ce ne soit pas la saison, et cette musique divine, sont une manière de
rendre hommage au Bouddha ».
« Mais
Ananda, quel que soit le moine ou la nonne, le laïc ou la laïque qui demeure
dans la pratique juste du Dhamma et réalise parfaitement la voie du Dhamma, il ou
elle honore le Tathāgata, le révère, l’estime et lui rend le suprême hommage.
En conséquence, Ananda, nous devons demeurer dans la pratique juste du Dhamma
et accomplir parfaitement la voie du Dhamma. Que ces paroles soient votre mot
d’ordre. »
Le Bouddha explique que le plus grand hommage qu’on
puisse lui rendre est de mettre en pratique son enseignement et non de lui
offrir de l’encens ou des pétales de fleurs qui ne font preuve que d’une simple
dévotion. Parfaire la voie du Dhamma est la seule manière de rendre hommage au Bouddha.
Ananda interroge le Bouddha :
« Auparavant, où que vous soyez, les
moines venaient vous voir et vous rendre visite mais maintenant, où devront-ils
se rendre pour se souvenir de vous ? »
Le
Bouddha répond :
« Vénérable
Ananda, il y a quatre endroits dont la vue devrait éveiller de l’émotion chez
les fidèles. Quels sont-ils ? Le lieu de naissance du Tathāgata est le
premier ; l’endroit où le Tathāgata a obtenu l’Eveil suprême est le second ;
l’endroit où le Tathāgata a mis en marche la roue du Dhamma est le troisième ;
et l’endroit où le Tathāgata a atteint le Parinibbana absolu sans résidu est le
dernier. Ici Ananda, les fidèles moines, nonnes, laïcs et laïques qui
visiteront ces endroits et ceux qui mourront en faisant le pèlerinage vers ces
lieux saints, le cœur plein de dévotion, renaîtront, après la dissolution du
corps, dans un royaume céleste. »
Si vous voulez vous souvenir du Tathâgata si vous
voulez faire le pèlerinage, faites comme le Bouddha l’a dit dans sa dernière
nuit, allez sur le lieu de sa naissance, allez sur le lieu où il a obtenu
l’éveil à Bodhgaya, allez à Sarnath où il a enseigné le Dhamma et allez a
Kusinara où il est mort. Allez saluer et vénérer ces lieux en vous souvenant du
Bouddha de son enseignement et de la Sangha, ceci au profit d’une longue vie et
du bonheur.
Ananda demande au Bouddha ses souhaits pour
ses funérailles.
« Ne te
soucie pas, Ananda, de la préparation de mes funérailles. Tu devrais, au
contraire, lutter pour le plus noble but, te consacrer entièrement à ce noble
but. Travaille sur ton esprit avec zèle et sans fatigue, engagé pour le plus
noble but. »
Le Bouddha explique alors à Ananda que des laïcs
prendront soin du corps du Tathâgata et s’occuperons des funérailles. La
préoccupation constante du Bouddha était d’inciter les moines à réaliser le
Dhamma sans se soucier du corps – y compris du sien.
Ananda demande au Bouddha « que devrons nous
faire avec vos cendres après la crémation ? »
Le Bouddha suggère :
« Il
serait approprié de construire un stupa. »
Voici comment, dans le Bouddhisme, est née la
tradition des stupas : parce que le Bouddha lui-même a suggéré de mettre
ses cendres dans un stupa.
« Et
quiconque apportera à cet endroit des fleurs et de doux parfums, le coeur plein
de dévotion, en retirera de grands bénéfices pour une longue période. »
« Il y a quatre personnes, Ananda, qui
sont dignes d'un stupa. Qui sont ces quatre ? Un Tathāgata, un Arahant, un Etre
pleinement éveillé sont dignes d'un stupa ; un Paccekabuddha, le disciple d'un
Tathāgata, ainsi qu'un monarque universel le sont également. »
Ananda, le cousin du Bouddha, qui s’occupe de lui
depuis de nombreuses années, est « entré dans le courant » mais il
est submergé par le chagrin et part pleurer et se lamenter à l’écart :
« Je
ne suis encore qu'un apprenti avec beaucoup à apprendre. Mais, hélas, mon
Maître, qui était si compatissant envers moi, est sur le point de décéder ! »
Le Bouddha, pourtant très malade, demande aux
moines où est parti Ananda. Ils lui répondent qu’Ananda se lamente sur la mort
prochaine du Bouddha. Alors le Bouddha demande aux moines « Allez dire à
Ananda, mon bon ami, de venir me voir ». Ananda viens alors saluer le
Bouddha qui lui parle ainsi :
« Cela
suffit Ananda ! Ne te lamente pas ! Ne t’ai-je pas déjà enseigné que
toutes les choses qui sont plaisantes et délectables sont changeantes, sujettes
à la séparation et à la transformation ? Donc tout ce qui est né, Ananda, tout
ce qui est composé, est sujet à la décadence. Comment se pourrait-il que cela
ne meure pas ? Cela fait longtemps, Ananda, que tu es à mes côtés, faisant
preuve de bonté bienveillante dans tes actes, tes paroles et tes pensées, avec
dévotion et de tout ton cœur. Ananda, tu as réalisé beaucoup de mérites. Fais
un effort et, sous peu, tu seras libéré de toutes les pollutions. »
Le Bouddha dit à son proche disciple
qu’il n’y a pas de raison de pleurer la mort du Tathâgata. La nature de tout ce
qui est conditionné est de disparaître — comment pourrait-il en être
autrement ? Le Bouddha prédit à Ananda qu’il atteindra l’Eveil complet
rapidement s’il maintient un effort constant.
Subhadda, un ascète d’une autre secte, vient voir
le Bouddha pour l’interroger mais Ananda le repousse plusieurs fois car le
Bouddha est très fatigué et se repose. Le Bouddha dans sa grande compassion, et
malgré la mort qui approche, voyant la sincérité de l’homme, accepte de lui
donner un enseignement. Subhadda demande au Bouddha si tel enseignant est
éveillé ou si tel autre religieux est éveillé ou si telle personne est un saint.
Le Bouddha lui répond :
« Ne te
préoccupe pas des autres. Je vais t’enseigner le Dhamma »
«
Dans n’importe
quel enseignement ou discipline, si on n’y trouve point le Noble
Octuple Sentier,
alors aucun ascète n’est trouvé. Pas
d’ascète qui soit ‘Entré dans le
courant’,
pas d’ascète qui ‘ne revienne qu’une seule
fois’, pas d’ascète ‘qui ne revienne
plus’ et pas d’ascète qui soit un Arahant. Par
contre, là où est enseigné
le Noble Octuple Sentier, tu trouveras l’un de ces quatre types
d’ascètes. »
« Si
des moines vivent une vie pure et si des moines pratiquent le Noble Octuple
Sentier, le monde ne manquera pas d’Etres éveillés »
Pour savoir s’il est possible d’atteindre l’Eveil,
de rencontrer des êtres éveillés ou des êtres sur le chemin de l’Eveil, à notre
époque, il nous suffit de regarder comment les autres pratiquent le Noble
Octuple Sentier et comment nous le pratiquons nous-mêmes. C’est la pratique qui
mène à l’Eveil et, si elle est maintenue, d’autres êtres et vous-mêmes
parviendrez à l’Eveil.
Ananda demande au Bouddha d’autres
instructions :
« Cela
suffit, Ananda ! Je t’ai enseigné le Dhamma. La discipline et le Dhamma
seront ton maître après ma mort. »
Pour nous bouddhistes, quoi qu’il arrive et bien
que le Bouddha soit parti, le Dhamma est notre guide, notre refuge, notre
maître.
Le Bouddha, allongé sur le côté droit, fait ensuite
sa dernière déclaration :
« Maintenant,
moines, je vous le déclare, toutes les choses conditionnées sont de nature à
disparaître. Persévérez avec sincérité. »
Ce furent les dernières paroles du Tathâgata.
« Et le Bouddha entra dans le premier jhāna,
puis il entra dans le second jhāna, puis il entra dans le troisième jhāna, puis
il entra dans le quatrième jhāna, puis il entra dans la sphère de l'espace
infini, puis il entra dans la sphère de la conscience infinie, puis il entra
dans la sphère de la vacuité, puis il entra dans la sphère de
ni-perception-ni-non-perception, puis il atteint la cessation de la perception
et de la sensation.
Et le
Vénérable Ananda s'adressa au Vénérable Anuruddha, en disant : "Vénérable
Anuruddha, le Bouddha est décédé. Non, ami Ananda, le Bouddha n'a pas disparu.
Il est entré dans l'état de la cessation de la perception et de la
sensation. »
Le Vénérable Anuruddha, l’un des
principaux disciples du Bouddha, qui était capable de connaître les états
psychiques des autres personnes, suivait ainsi les différents états par
lesquels passait le Bouddha. Dans l’état de la cessation de la perception et de
la sensation, le Bouddha donnait l’impression d’être mort car, dans cet état,
la respiration est quasiment imperceptible.
« Alors le Bouddha, sortant de la
cessation de la perception et de la sensation, entra dans la sphère de ni-perception-ni-non-perception,
puis il entra dans la sphère de la vacuité, puis il entra dans la sphère de la
conscience infinie, puis il entra dans la sphère de l'espace infini. En sortant
de la sphère de l'espace infini, il entra dans le quatrième jhāna, puis il
entra dans le troisième jhāna, puis il entra dans le second jhāna, puis il
entra dans le premier jhāna. En sortant du premier jhāna, il entra dans le
second jhāna, puis il entra dans le troisième jhāna, puis il entra dans le
quatrième jhāna. Et, en sortant du quatrième jhāna, le Bouddha immédiatement
trépassa. »
Et il est dit que Juste après la mort du Bouddha se
produisit un terrible tremblement de terre. Certains moines qui se trouvaient
là se sentirent mal certains pleuraient d’autres se lamentaient :
« Il est bien trop tôt pour que
le Bouddha soit parti, il est bien trop tôt pour que le Béni du ciel soit parti,
il est bien trop tôt pour que l’Œil du
monde ait disparu. »
« Mais les moines qui étaient
libres de l’attachement acceptèrent avec pleine conscience : ‘Tous les
composés sont impermanents. Quelle est l’utilité de tout cela ? Les pleurs
sont inutiles.’ »
« Alors le
Vénérable Anuruddha s'adressa aux moines : ‘Mes amis, cessez vos
lamentations. Le Bouddha ne vous a-t-il pas enseigné que tout ce qui est
plaisant et délectable est sujet à la séparation et au changement ?
Pourquoi tout ceci mes amis ? Tout ce qui est né, tout ce qui est composé,
est sujet au déclin. Il ne peut en être autrement. »
Voici donc la description des
derniers jours et des derniers moments du Bouddha. C’est l’occasion pour nous
de réfléchir à la vérité de ces enseignements : tout ce qui est
« composé » est impermanent et sujet au changement.
Ce jour du souvenir de la naissance, de l’Eveil et
de la mort du Bouddha est l’occasion de nous rappeler l’Eveillé avec gratitude
et compassion – nous avons la chance d’entendre ses enseignements et de pouvoir
les appliquer dans notre vie.
Je vous souhaite à tous de connaître
le bonheur et la prospérité. J’espère que vous ferez l’expérience de la noble
vertu, de la noble concentration, de la noble sagesse et de la noble
Libération. Aidez les autres et offrez-leur compassion et gentillesse. Quant à
moi, je vous offre ma bénédiction pour l’avenir.