Sutta Tipaka


Anapanasati Sutta (MN 118) 

L'enseignement de l’attention à la respiration



Traduit par Jeanne Schut
http://www.dhammadelaforet.org/



Ainsi ai-je entendu :

En ce temps-là, le Bouddha était encore à Savatthi et il demeurait dans le Parc de l'est avec ses principaux disciples comme Sariputta, Mahamoggallana, Mahakassapa, Mahakaccayana, Mahakotthita, Mahakappina, Mahacunda, Anuruddha, Revata et Ananda. Dans cette communauté, les moines les plus anciens enseignaient aux plus jeunes ; certains à une dizaine d’entre eux, d’autres à une vingtaine, d’autres encore à une trentaine ou une quarantaine. Les jeunes moines faisaient ainsi beaucoup de progrès.

C’était une nuit de pleine lune à la fin de la saison de la Retraite des Pluies, le soir de la cérémonie de Pavarana qui clôture la retraite. Le Bouddha, assis sous un arbre, entouré de l’assemblée des moines, après les avoir regardés silencieusement, dit :

« Vénérables moines, je suis très satisfait en observant les résultats que vous avez obtenus de votre pratique.

« Néanmoins, soyez encore plus diligents. Ce que vous n’avez pas atteint, vous pouvez l’atteindre. Ce que vous n’avez pas réalisé, vous pouvez le réaliser. Je vais rester ici, à Savatthi, jusqu’au jour de la pleine lune, à la fin du quatrième mois de la retraite. »



En entendant dire que le Bouddha resterait à Savatthi jusqu'au jour de la pleine lune du quatrième mois de la retraite, les bhikkhu qui étaient partis pour enseigner le Dhamma à travers le pays commencèrent à revenir à Savatthi pour étudier avec lui. À cette occasion, les moines les plus anciens redoublèrent d’attention envers les plus jeunes. Certains enseignant à une dizaine, d’autres à une vingtaine, d’autres encore à une trentaine ou une quarantaine – de sorte que les jeunes moines firent des progrès considérables.

Lorsque la pleine lune suivante arriva, le Bouddha, assis sous un arbre, entouré de l’assemblée des moines, après les avoir regardés silencieusement, dit :

« Vénérables moines, notre communauté est pure et bonne. En son sein, il n’y a nul besoin de bavardages prétentieux et inutiles ; c’est pourquoi elle est digne de recevoir des offrandes et d’être considérée comme un champ de mérite. Elle est digne de respect. Une telle communauté est rare, et tout pèlerin qui la cherche, aussi long que soit le voyage qu'il doit accomplir pour la trouver, cherchera à y prendre refuge et la trouvera digne de respect.  

« Moines, il y en a parmi vous qui ont déjà pleinement réalisé l’état d’Arahant (Être totalement et pleinement éveillé), détruit toutes les racines d’affliction, déposé tout le fardeau et atteint la compréhension juste et la libération ultime.

« D’autres, parmi vous, ont déjà brisé les cinq premières entraves et pleinement réalisé l’état de « non-retour » dans le cycle des renaissances et des morts.

« Il y a ceux qui se sont libérés des trois premières entraves et ont pleinement réalisé l’état de « dernier retour ». Ils ont coupé les principales racines de l’avidité, de l’aversion et de l’ignorance et n’ont besoin de retourner qu'une seule fois dans le cycle des naissances et des morts.

« Il y a ceux qui se sont libérés des trois premières entraves et ont atteint l’état d’ « entrée-dans-le-courant », se dirigeant avec détermination vers l’état d’Arahant.

« Il y a ceux qui pratiquent les Quatre fondements de l’attention. Il y a ceux qui pratiquent les Quatre efforts justes et ceux qui pratiquent les Quatre fondements de la réussite. Il y a ceux qui pratiquent les Cinq facultés, ceux qui pratiquent les Cinq pouvoirs, ceux qui pratiquent les Sept facteurs d’éveil, et ceux qui pratiquent le Noble octuple sentier. Il y a ceux qui pratiquent l’amitié bienveillante, ceux qui pratiquent la compassion, ceux qui pratiquent la joie altruiste et ceux qui pratiquent l’équanimité. Il y a ceux qui pratiquent les Neuf contemplations et ceux qui pratiquent l’observation de l’impermanence. Il y a aussi des bhikkhu qui pratiquent déjà l’attention à la respiration.  

« Moines, la méthode qui consiste à contempler sa respiration, apportera de grands bénéfices et de grands avantages si elle est développée et pratiquée régulièrement. Elle amènera le succès dans la pratique des Quatre fondements de l’attention. Si les Quatre fondements de l’attention sont développés et pratiqués régulièrement, cela amènera à la réussite dans la pratique des Sept facteurs d’éveil. Les Sept facteurs d’éveil, s'ils sont développés et pratiqués régulièrement, feront naître la compréhension et engendreront la libération de l’esprit.


« Comment développer et pratiquer régulièrement la méthode de l’attention à la respiration afin que la pratique porte ses fruits et soit source de grands bienfaits ? Voici, moines : le pratiquant va dans la forêt ou au pied d’un arbre dans un endroit désert ; il s’assied dans la posture du lotus, le corps posé et le dos droit, l’attention établie devant lui. Lorsqu’il inspire, il sait qu’il inspire ; lorsqu’il expire, il sait qu’il expire.

1. En inspirant longuement, il sait : ‘J’inspire longuement’. En expirant longuement, il sait : ‘J’expire longuement’.

2. En inspirant brièvement, il sait : ‘J’inspire brièvement’. En expirant brièvement, il sait ‘J’expire brièvement’.

3. ‘J’inspire et je suis conscient de tout mon corps. J’expire et je suis conscient de tout mon corps’. Ainsi pratique-t-il.

4. ‘J’inspire et j'apaise mon corps tout entier. J’expire et j'apaise mon corps tout entier’. Ainsi pratique-t-il.

5. ‘J’inspire et je me sens joyeux. J’expire et je me sens joyeux’. Ainsi pratique-t-il.

6. ‘J’inspire et je me sens heureux. J’expire et je me sens heureux’. Ainsi pratique-t-il.

7. ‘J’inspire et je suis conscient de mes formations mentales. J’expire et je suis conscient de mes formations mentales’. Ainsi pratique-t-il.

8. ‘J’inspire et je calme mes formations mentales. J’expire et je calme mes formations mentales’. Ainsi pratique-t-il.

9. ‘J’inspire et je suis conscient de mon esprit. J’expire et je suis conscient de mon esprit’. Ainsi pratique-t-il.

10. ‘J’inspire et je rends mon esprit heureux. J’expire et je rends mon esprit heureux’. Ainsi pratique-t-il.

11. ‘J’inspire et je concentre mon esprit. J’expire et je concentre mon esprit’. Ainsi pratique-t-il.

12. ‘J’inspire et je libère mon esprit. J’expire et je libère mon esprit’. Ainsi pratique-t-il.

13. ‘J’inspire et j’observe la nature impermanente de tous les phénomènes. J’expire et j’observe la nature impermanente de tous les phénomènes’. Ainsi pratique-t-il.

14. ‘J’inspire et j’observe la disparition progressive du désir. J’expire et j’observe la disparition progressive du désir’. Ainsi pratique-t-il.

15. ‘J’inspire et je contemple la nature non née et non morte de tout phénomène. J’expire et je contemple la nature non née et non morte de tout phénomène’. Ainsi pratique-t-il.

16. ‘J’inspire et je contemple le lâcher-prise. J’expire et je contemple le lâcher-prise’. Ainsi pratique-t-il.

« Pratiquée et développée régulièrement selon ces instructions, l’attention à la respiration portera ses fruits et sera source de grands bienfaits. »


« De quelle manière pouvons-nous développer et pratiquer régulièrement l’attention à la respiration pour réussir à pratiquer les Quatre fondements de l’attention?

« Quand le pratiquant inspire ou expire longuement ou brièvement, conscient de sa respiration ou de tout son corps, ou bien conscient qu’il calme et qu’il apaise tout son corps, il s’établit paisiblement dans l’observation du corps dans le corps, persévérant, complètement éveillé, ayant une claire conscience de son état, ayant abandonné tout attachement et toute aversion pour cette vie. Ces exercices de respiration avec une pleine attention appartiennent au premier fondement de l’attention : l’attention au corps.

« Quand le pratiquant inspire ou expire, conscient de la joie ou du bonheur, conscient des formations mentales ou apaisant les formations mentales, il s’établit paisiblement dans l’observation des ressentis dans les ressentis, persévérant, complètement éveillé, ayant une claire conscience de son état, ayant abandonné tout attachement et toute aversion pour cette vie. Ces exercices de respiration avec une pleine attention appartiennent au second fondement de l’attention : l’attention aux ressentis.

« Quand le pratiquant inspire ou expire, conscient de son esprit pour réjouir l’esprit ou pour concentrer l’esprit, ou pour libérer l’esprit, il s’établit paisiblement dans l’observation de l’esprit dans l’esprit, persévérant, complètement éveillé, ayant une claire conscience de son état, ayant abandonné tout attachement et toute aversion pour cette vie. Ces exercices de respiration avec une pleine attention appartiennent au troisième fondement de l’attention : l’attention à l’esprit. Sans l’attention à la respiration, il ne peut pas y avoir de développement, de stabilité et de compréhension dans la méditation.

« Quand le pratiquant inspire ou expire et contemple l’impermanence essentielle, ou la disparition essentielle du désir, ou la nature non née et non-morte de tout phénomène, ou encore le lâcher-prise, il s’établit paisiblement dans l’observation des objets de l’esprit dans les objets de l’esprit, persévérant, complètement éveillé, ayant une claire conscience de son état, ayant abandonné tout attachement et toute aversion pour cette vie. Ces exercices de respiration avec une pleine attention appartiennent au quatrième fondement de l’attention : l’attention aux objets de l’esprit.

« L’attention à la respiration, si elle est développée et pratiquée régulièrement, conduira à l’accomplissement parfait des Quatre fondements de l’attention. »


« De plus, si les Quatre fondements de l’attention sont développés et pratiqués régulièrement, ils conduiront à l’établissement dans les Sept facteurs d’éveil. Comment cela ?

« Quand le pratiquant peut maintenir, sans être distrait, la pratique de l’observation du corps dans le corps, des ressentis dans les ressentis, de l’esprit dans l’esprit, des objets de l’esprit dans les objets de l’esprit, persévérant, complètement éveillé, ayant une claire conscience de son état, ayant abandonné tout attachement et toute aversion pour cette vie, avec une stabilité méditative, sans défaut, résolu et imperturbable, il atteindra le premier facteur d’éveil, c’est-à-dire l’Attention. Quand il sera développé, ce facteur atteindra la perfection.

« Quand le pratiquant peut s’établir dans une stabilité méditative sans être distrait et peut analyser chaque dhamma — chaque phénomène qui apparaît — alors le second facteur d’éveil naîtra et se développera en lui : le facteur de l’Investigation des phénomènes. Quand il sera développé, ce facteur atteindra la perfection.

« Quand le pratiquant peut observer et analyser chaque phénomène de manière continue, persévérant et résolu, sans être distrait, le troisième facteur d’éveil naîtra et se développera en lui : le facteur de l’Énergie. Quand il sera développé, ce facteur atteindra la perfection.

« Quand le pratiquant s’établit de manière stable et imperturbable dans le courant de la pratique, le quatrième facteur d’éveil naîtra et se développera en lui : le facteur de la Joie. Quand il sera développé, ce facteur atteindra la perfection.

« Quand le pratiquant s’établit sans distraction dans l’état de joie, il ressentira son corps et son mental comme légers et paisibles. À ce moment, le cinquième facteur d’éveil naîtra et se développera en lui : le facteur du Calme mental. Quand il sera développé, ce facteur atteindra la perfection.

« Quand le corps et le mental sont détendus, le pratiquant peut entrer facilement en concentration. À ce moment, le sixième facteur d’éveil naîtra et se développera en lui : le facteur de la Concentration. Quand il sera développé, ce facteur atteindra la perfection.

« Quand le pratiquant s’établit dans la concentration, dans un calme profond, il arrête de discriminer et de comparer. À ce moment, le septième facteur d’éveil est produit, naît et se développe en lui : le facteur du lâcher-prise, de l’Équanimité. Quand il sera développé, ce facteur atteindra la perfection.

« Voici comment les Quatre fondements de l’attention, s’ils sont développés et pratiqués régulièrement, conduisent à l’établissement parfait dans les Sept facteurs d’éveil. »


« Comment les Sept facteurs d’éveil, lorsqu’ils sont développés et pratiqués régulièrement, conduisent-ils à l’accomplissement parfait de la compréhension juste et de la libération ultime ?

« Si le pratiquant suit la voie des Sept facteurs d’éveil, vivant en reclus dans la tranquillité, observant et contemplant la disparition du désir, il développe la capacité de lâcher-prise et d’équanimité. Ce sera le résultat de la pratique de la voie des Sept facteurs d’éveil et cela le conduira à l’accomplissement parfait de la compréhension juste et de la libération ultime. »

Voilà ce que dit le Bouddha, l’Éveillé. Ayant entendu ces enseignements, chacun dans l’assemblée exprima de la gratitude et se réjouit.