Le Dhamma de la Forêt

 

Avancer sur la voie spirituelle
avec joie et confiance


Ajahn Tiradhammo

Traduction de Jeanne Schut

http://www.dhammadelaforet.org/




Extrait d’un livre d’Ajahn Tiradhammo : Travailler avec les 5 obstacles


Les 5 obstacles sur la voie spirituelle mentionnés par le Bouddha sont le désir des sens, la négativité, l’agitation/inquiétude, la paresse/inertie, et le doute. Dans un chapitre d’introduction à l’étude de ce thème crucial, dans la vie comme dans la pratique de la méditation, Ajahn Tiradhammo expose une série de conditions propices à ce travail sur les obstacles : générosité, moralité, bienveillance, attention, connaissance des enseignements du Bouddha, compréhension de nos prédispositions sous-jacentes, importance des bons amis et des bonnes conversations que nous pouvons avoir avec eux. Nous présentons ici les trois derniers points développés dans cette introduction : le rôle de la confiance, de l’humour et de la persévérance sur cette voie.


La confiance

Quand on travaille sur les obstacles, l’une des qualités qui nous soutiendra le plus, c’est la confiance en deux choses : confiance en nous-mêmes et confiance dans les enseignements. Si nous manquons de l’une ou de l’autre, nous manquerons de la motivation indispensable pour trouver une solution aux obstacles. La confiance est l’une des «  cinq facultés spirituelles » dont parle le Bouddha, au même titre que l’attention, l’énergie, la concentration et la sagesse. Les Commentaires expliquent en détail la façon dont il faut équilibrer ces facultés et il est dit que la confiance est équilibrée par la sagesse. En effet, dans ses premiers stades, la sagesse est simplement connaissance ou compréhension, et celle-ci doit être équilibrée par la confiance qu’il y a encore beaucoup à apprendre, encore beaucoup de choses non comprises. Trop se reposer sur la sagesse peut mener à l’orgueil de la connaissance, tandis que trop se reposer sur la confiance peut nous amener à une foi aveugle. Un équilibre judicieux permet de savoir ce sur quoi nous pouvons nous appuyer en toute sérénité.

La confiance est également source de nombreuses aptitudes. Dans l’un de ses enseignements majeurs, le Bouddha dit qu’elle est d’abord cause de satisfaction puis de joie, de tranquillité, de bonheur, de concentration, de connaissance puis apparaît la vision des choses telles qu’elles sont réellement ; ensuite cet enchaînement de causes et de conséquences aboutit à une compréhension de l’illusion dans laquelle on a vécu, à un détachement des passions et enfin à la libération, celle-ci étant une condition nécessaire pour avoir « la pleine connaissance de la cessation » – cessation de l’identification à un moi, ultime poison du mental (S.II,32). Ainsi, un minimum de confiance en ce qui est bénéfique peut agir comme un aimant qui va attirer de nombreuses autres aptitudes positives souvent obscurcies par l’inertie ou par le doute.


Humour

Avoir le sens de l’humour – c’est-à-dire être capable de rire de soi – contribue grandement à faciliter notre avancée sur la voie spirituelle. Quand nous sommes pris dans la tourmente des pensées, si nous savons changer de point de vue et devenir observateur de la situation, nous arrivons à en rire car les tours que nous joue l’esprit sont parfois complètement ridicules. Nous constatons que nous sommes obsédés par toutes sortes de soucis qui ne sont finalement que passagers et qu’une attitude légère et joyeuse, doublée d’un peu de patience, permet de trouver une solution à tout.


Patience, persévérance et détermination

Les vertus discrètes que sont la patience, la persévérance et la détermination nous apportent une autre forme d’énergie. Il ne s’agit pas d’une décharge instantanée de volonté mais de la capacité à « garder le cap » au quotidien grâce à une vision sur le long terme qui nous aide à poursuivre envers et contre tout. Il faut énormément de persévérance et de détermination pour continuer à méditer régulièrement quand l’esprit n’est pas encore bien entraîné et qu’il est en proie à un ou plusieurs obstacles. Sans compter que notre mental a tendance à se focaliser davantage sur les problèmes que sur les succès, de sorte que les difficultés de la vie paraissent beaucoup plus graves qu’elles ne le sont en réalité. En étant patient, on permet au temps de redonner aux événements leurs justes proportions.

Cela ne veut pas dire que tout va être facile mais que, même si les choses ne se passent pas très bien, nous continuerons à avancer. Quoi qu’il arrive, la pratique se poursuit régulièrement, patiemment. On obtiendra parfois des résultats visibles mais ce ne sera pas systématique. Par contre, la continuité dans la pratique a une faculté particulière : elle fait en sorte que toutes les expériences aident à fertiliser le terrain. La détermination nous permet de tirer parti aussi bien des moments d’inspiration que d’absence d’inspiration, des succès et des échecs, des hauts et des bas. Tout fait maintenant partie du tableau ; la vérité englobe tout. Il est très intéressant de découvrir ce qui ne nous apporte aucune énergie ou comment nous perdons de l’énergie. Et puis, quand l’énergie est présente, c’est très bien, nous en tirons parti ; et quand elle est absente, nous avons un autre atout : notre détermination à poursuivre la vérité jusqu’au bout.

Notons que le mot « détermination » ne s’écrit pas forcément toujours avec un D majuscule. Nous pouvons, par exemple, prendre un engagement précis pour une durée limitée. Les obstacles sont parfois épuisants mais si nous décidons de « faire un essai » pendant une semaine, un mois ou un an, nous mettons le doute en suspens pendant ce temps-là et nous orientons toute notre énergie vers la pratique. Quand la limite de temps prévue est atteinte, nous réévaluons la situation et peut-être aurons-nous envie de nous réengager pour une autre période. Il s’agit là d’une méthode de travail très efficace, en particulier sur la voie spirituelle. Nous avons des idées sur la pratique mais elles ne sont généralement pas en phase avec la réalité. Si nous nous appuyons exclusivement sur ces idées, nous serons inévitablement déçus et désillusionnés. Nous pouvons malgré tout les garder temporairement tandis que nous engrangeons une certaine expérience de terrain puis, peu à peu, intégrer la nouvelle expérience aux anciennes idées pour arriver à une compréhension plus sage.

Cela fait longtemps que nous développons et alimentons des habitudes préjudiciables, alors il est bien évident qu’elles ne vont pas disparaître en un jour. Nous pourrons peut-être en résoudre certains aspects mais elles réapparaîtront plus tard sous d’autres aspects, sous une apparence plus subtile, moins perceptible. Je pense que l’une des faiblesses de notre société moderne vient du fait que les gens n’investissent pas assez de patience et de détermination dans leur pratique. Nous sommes tellement habitués à ce que tout arrive instantanément que nous exigeons des résultats immédiats. Mais le fruit du travail sur les obstacles n’est pas simplement d’en être débarrassé. Le fait de les étudier soigneusement, minutieusement, permet d’arriver à une sagesse subtile où nous voyons clairement comment « les cinq obstacles » dont parle le Bouddha consolident l’identification à un moi, source de toutes les formes de souffrance.