Le Dhamma de la Forêt |
Ici, dans la forêt, on a l’occasion d’apprendre à être en harmonie avec la nature, à vivre heureux et en paix. Ici on peut contempler la nature des choses. Quand on regarde autour de soi, on comprend que toutes les formes de vie dégénèrent et finissent par mourir. Rien de ce qui existe n’est permanent. Quand on comprend vraiment cela, on se sent devenir calme et serein.
Dans un monastère de forêt, on apprend à se contenter de peu : on ne mange que selon ses besoins, on ne dort que quand c’est nécessaire et on se satisfait de ce que l’on a. Tels sont les fondements de la méditation bouddhiste.
Dans un monastère, on travaille à libérer son coeur et son esprit, et cette libération permet de ressentir un amour bienveillant qui englobe tout. On voit que toute vie a les mêmes caractéristiques que le souffle : elle apparaît puis disparaît. Tout ce qui naît meurt. Notre souffrance diminue quand nous savons que rien ne nous appartient.
Pour aider les gens à contempler la véritable nature du corps, nous avons des squelettes humains dans la salle de méditation. Parce que, quand on ne comprend pas la mort, la vie est très compliquée.
Si notre corps nous appartenait vraiment, il obéirait à nos ordres. Mais si nous lui disons: « Ne vieillis pas » ou : « Je t’interdis de tomber malade », est-ce qu’il nous obéit ? Non. Il n’en tient aucun compte. Nous ne sommes que locataires de cette maison, elle ne nous appartient pas. Si nous croyons qu’elle nous appartient, au moment de la quitter pour mourir, nous souffrons. En réalité il n’y a rien qui ressemble à un soi.
Le Bouddha a marqué une distinction entre la vérité ultime et la vérité conventionnelle. L’idée d’un soi n’est qu’une convention. Français, Thaïlandais … tout cela n’est que convention. Dans la réalité ultime, il n’y a personne. Il n’y a que de la terre, du feu, de l’eau et de l’air : des éléments temporairement amalgamés. Nous appelons le corps une « personne » ou « moi » mais au fond il n’y a pas de moi, il n’y a qu’anattā, le non-soi.
Pour comprendre anattā, le non-soi, il faut méditer. Si vous vous contentez d’intellectualiser sur le sujet, votre tête va exploser. Mais quand vous aurez vraiment compris anattā, le poids de la vie disparaîtra. Votre vie de tous les jours — en famille, au travail — tout sera beaucoup plus facile. Vous serez en paix avec le monde.
Quand nous voyons au-delà du moi, nous ne nous accrochons plus au bonheur et quand nous cessons de nous accrocher, nous pouvons commencer à être heureux. Vous n’avez pas à vous préoccuper du Nirvana, à désirer atteindre le Nirvana, sinon ce désir même vous empêchera d’y parvenir.
Question : Quelle doit être la préoccupation d’un moine, alors ?
Ajahn Chah : Le but est de lâcher prise.
Question : Il faut donc lâcher prise mais sans faire d’effort pour y parvenir ?
Ajahn Chah : C’est cela. On doit lâcher sans désir. Si le désir est encore là, si on poursuit un but, alors ce n’est pas le Nirvana. Nous sommes ici pour comprendre la cause de la souffrance et savoir pourquoi les choses sont comme elles sont. Soyez attentifs et laissez les choses suivre leur cours naturel. Alors votre mental sera paisible comme un étang clair dans la forêt. Toutes sortes d’animaux viendront s’y abreuver, vous verrez des choses étranges et merveilleuses aller et venir, mais vous resterez paisible. Des problèmes apparaîtront mais vous en verrez aussitôt le sens. Tel est le bonheur du Bouddha.