Réflexions
Extraits d’enseignements
d’Ajahn Chah
Un jour, quelqu’un qui venait pour la
première fois au monastère Wat Nong Pah Pong, le monastère d’Ajahn
Chah en Thaïlande, a demandé à Ajahn Chah qui était Ajahn Chah.
Prenant conscience du niveau de
développement spirituel de la personne, Ajahn Chah s’est lui-même
montré du doigt et a répondu : « C’est moi. Je suis
Ajahn Chah. »
A une autre occasion, quelqu’un
d’autre lui a posé la même question. Par contre, cette fois,
voyant la capacité de son interlocuteur à comprendre le Dhamma,
Ajahn Chah répondit : « Ajahn Chah ? Il n’y a pas
d’Ajahn Chah. »
Naissance et Mort
1
Il est bon de se poser
régulièrement la question, très sincèrement :
« Pourquoi suis-je né ?
»
Posez-vous cette question
matin, midi et soir…
tous les jours.
2
Naissance et mort forment
un tout. Impossible d’avoir l’une sans l’autre.
C’est assez bizarre de
voir combien les gens sont malheureux et tristes lors d’un décès,
alors qu’ils se
réjouissent d’une naissance.
C’est se mentir à
soi-même.
Je crois que si on veut
vraiment se lamenter,
il vaudrait mieux le faire
quand quelqu’un naît.
Pleurez à l’origine
car, s’il n’y avait
pas de naissance, il n’y aurait pas de mort.
Comprenez-vous cela ?
3
On pourrait croire que les
gens se rendraient compte de ce que signifie
vivre dans le ventre de
quelqu’un, combien cela doit être désagréable !
Voyez comme il est déjà
difficile de passer simplement une journée enfermé
dans une petite cabane. Si
on ferme porte et fenêtres on suffoque.
Alors que dire de passer
neuf mois dans le ventre de quelqu’un ?
Et pourtant c’est
exactement là que vous voulez être à nouveau,
pour vous faire piéger à
nouveau.
4
Pourquoi sommes-nous nés ?
Nous sommes nés pour ne
plus avoir à renaître.
5
Quand on ne comprend pas
la mort,
la vie peut paraître très
compliquée.
6
Le Bouddha a recommandé à
son disciple Ananda
de voir l’impermanence,
de voir la mort,
à chaque respiration.
Nous devons nous
familiariser avec la mort ;
nous devons mourir pour
pouvoir vivre vraiment.
Qu’est-ce que cela
signifie ?
Mourir c’est arriver au
bout des doutes, de toutes les questions
et être simplement
présent à la réalité de l’instant.
On ne pourra jamais mourir
demain ;
c’est maintenant qu’il
faut mourir.
Saurez-vous le faire ?
Si vous y parvenez, vous
connaîtrez la paix
qui vient quand il n’y a
plus de questions.
7
La mort est aussi proche
de nous
que notre souffle.
8
Si vous avez pratiqué
correctement,
vous ne serez pas
désemparé quand vous tomberez malade,
ni bouleversé par la
mort.
Quand vous allez vous
faire soigner à l’hôpital, dites-vous clairement :
« Si je guéris,
c’est bien et si je meurs, c’est bien aussi. »
Je vous garantis que si
les médecins me disaient que j’allais mourir d’un cancer dans
quelques mois, je leur dirais : « Attention, la mort va
finir par vous atteindre vous aussi. C’est seulement une question
de qui part le premier et qui part plus tard. »
Les médecins ne vont pas
guérir ni prévenir la mort. Seul le Bouddha connaissait ce remède.
Alors pourquoi ne pas essayer de faire usage du remède du Bouddha ?
9
Si vous avez peur de la
maladie, si vous avez peur de la mort,
voyez d’où elles
viennent.
D’où viennent-elles ?
Elles viennent de la naissance.
Alors ne soyez pas triste
quand quelqu’un meurt —
c’est naturel et c’est
la fin de sa souffrance dans cette vie.
Si vous voulez être
triste, alors soyez triste quand les gens naissent :
« Oh ! Non !
Ils sont revenus. Ils vont encore souffrir et mourir ! »
10
« Ce qui sait »
en nous, sait très bien
que tous les phénomènes
sont sans substance réelle.
Alors « ce qui
sait » ne se réjouit pas et ne s’attriste pas
car il ne suit pas le gré
des conditions changeantes.
Se réjouir, c’est
naître ; se laisser abattre, c’est mourir.
Une fois mort, on naît
encore ; une fois né, on meurt encore.
Cet enchaînement de
naissances et de morts
d’instant en instant
est la roue sans fin du
samsara.
---------------------------------------------------
Le corps
11
Si le corps pouvait
parler, il nous répèterait à longueur de journée :
« Je ne t’appartiens
pas, tu sais ! »
En fait, il nous le dit en
permanence mais dans la langue du Dhamma,
alors nous ne le
comprenons pas.
12
Les circonstances sont
faites de conditions qui ne nous appartiennent pas.
Elles suivent leur cours
naturel.
Nous ne pouvons rien à la
façon dont est fait notre corps.
Nous pouvons l’embellir
un peu,
le faire paraître plus
attrayant et propre pendant un certain temps —
comme les jeunes filles
qui mettent du rouge à lèvres et se laissent pousser les ongles —
mais quand l’âge arrive, tout le monde se retrouve dans le même
bateau.
Ainsi va le corps et nous
n’y pouvons rien.
Par contre, ce que nous
pouvons améliorer et embellir,
c’est l’esprit.
13
Si notre corps nous
appartenait vraiment, il obéirait à nos ordres.
Si on lui dit : « Ne
vieillis pas ! » ou : « Je t’interdis d’être
malade !»
est-ce qu’il nous
écoute ? Non, il n’en tient aucun compte.
Nous ne faisons que louer
cette « maison », elle ne nous appartient pas.
Si nous croyons le
contraire, nous souffrirons au moment de la quitter.
En réalité, il n’existe
pas de « soi » permanent,
rien qui ne change ou soit
assez solide pour que l’on s’y accroche.
---------------------------------------------------
La respiration
14
Il y a des gens qui
naissent et meurent sans avoir même jamais pris conscience
de l’air qui entre dans
leur corps et qui en sort.
Voilà à quel point ils
sont étrangers à eux-mêmes !
15
Le temps,
c’est cette respiration
maintenant.
16
Vous dites que vous êtes
trop occupé pour méditer.
Avez-vous le temps de
respirer ?
La méditation c’est
votre respiration.
Pourquoi auriez-vous le
temps de respirer, mais pas de méditer ?
La respiration est
cruciale pour votre vie.
Quand vous verrez que la
pratique du Dhamma est aussi cruciale pour votre vie,
vous comprendrez que la
respiration et la pratique du Dhamma
sont d’égale
importance.
---------------------------------------------------
Le Dhamma
17
Qu’est-ce que le
Dhamma ?
Rien n’est en dehors du
Dhamma.
18
Comment le Dhamma nous
enseigne-t-il à vivre correctement ?
Il nous montre comment
vivre.
Il nous le montre de
toutes sortes de façons :
dans les rochers, les
arbres ou juste en face de nous.
Mais cet enseignement ne
passe pas par les mots.
Alors apaisez l’esprit
et le cœur et apprenez à observer.
Vous verrez tout le Dhamma
se révéler ici et maintenant.
A quel autre moment et en
quel autre lieu allez-vous le chercher ?
19
D’abord vous comprenez
le Dhamma par la pensée.
Si vous commencez à le
comprendre, vous avez envie de le pratiquer.
Si vous le pratiquez, vous
commencez à le voir
— à voir que vous êtes
le Dhamma —
et vous ressentez la joie
du Bouddha.
20
On trouve le Dhamma
en cherchant dans son
propre cœur,
en voyant ce qui est vrai
et ce qui ne l’est pas,
ce qui est équilibré et
ce qui ne l’est pas.
21
Il n’existe qu’une
sorte de magie : la magie du Dhamma.
Toute autre forme de magie
est comme un tour de passe-passe
qui nous distrait du
véritable jeu :
notre relation à la vie
humaine, à la naissance, à la mort et à la liberté.
22
Quoi que vous fassiez,
rapportez tout au Dhamma.
Si vous ne vous sentez pas
bien, regardez à l’intérieur.
Si vous savez que ce n’est
pas juste et vous le faites quand même,
vous ajoutez aux
obscurcissements du mental.
23
Il est difficile de
trouver des personnes qui écoutent le Dhamma,
qui s’en souviennent et
qui le pratiquent,
et enfin qui atteignent le
Dhamma et qui le voient.
24
Tout est Dhamma quand on
est présent à l’instant.
Lorsque nous voyons des
animaux s’enfuir pour échapper au danger,
nous constatons qu’ils
sont exactement comme nous.
Ils fuient la souffrance
et courent vers le bonheur.
Eux aussi connaissent la
peur ; ils ont peur pour leur vie, tout comme nous.
Quand on voit les choses
dans leur vérité,
on voit que les animaux et
les êtres humains ne sont guère différents.
Nous sommes tous
compagnons dans la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort.
25
Quels que soient le moment
et le lieu,
toute la pratique du
Dhamma arrive à son terme là où il n’y a rien.
C’est un espace de
lâcher-prise, de vacuité où le fardeau est posé.
C’est le point ultime.
26
Le Dhamma n’est pas
loin ; il est là, en nous.
Le Dhamma n’a rien à
voir avec le surnaturel, les anges ou les cieux.
Le Dhamma concerne qui
nous sommes et ce que nous faisons à cet instant même.
Observez-vous : parfois il y a de la joie, parfois de la
tristesse ;
parfois du bien-être,
parfois de la douleur …
C’est cela le Dhamma. Le
voyez-vous ?
Pour connaître ce Dhamma,
il faut apprendre à déchiffrer ce que vous vivez.
27
Le Bouddha voulait que
nous soyons en contact avec le Dhamma
mais les gens ne sont en
contact qu’avec les mots, les livres, les écrits.
Cela, c’est être en
contact avec ce qui parle du Dhamma,
pas avec le véritable
Dhamma tel qu’il a été enseigné par notre grand Maître.
Comment les gens
peuvent-ils prétendre pratiquer bien et correctement
s’ils ne font que cela ?
Ils sont bien loin du
compte !
28
Quand vous écoutez le
Dhamma,
vous devez ouvrir votre
cœur et vous recentrer à l’intérieur.
N’essayez pas
d’accumuler ce que vous entendez
ni de faire un gros effort
pour tout mémoriser.
Laissez simplement le
Dhamma couler dans votre cœur tel qu’il se révèle par lui-même
et demeurez
continuellement ouvert à son flux dans l’instant présent.
Ce qui est prêt à être
retenu le sera
et cela se fera tout seul,
sans effort délibéré de votre part.
29
De même, lorsque vous
présentez le Dhamma, ne forcez rien.
Cela doit se faire tout
seul et découler spontanément de l’instant présent et des
circonstances. Les gens ont différents niveaux de capacité à
recevoir
et quand vous êtes
présent à eux, à leur niveau,
le Dhamma jaillit tout
seul de vos lèvres.
Le Bouddha avait la
faculté de ressentir le tempérament des gens
et leur capacité de
compréhension.
Il utilisait cette même
méthode d’enseignement spontané.
Ce n’est pas qu’il
possédait un don surnaturel pour enseigner
mais il était sensible
aux besoins spirituels des gens qui venaient à lui
et enseignait en
conséquence.
---------------------------------------------------
Le cœur et l’esprit
30
Il n’existe qu’un seul
livre qui vaille la peine d’être lu :
notre propre cœur.
31
Le Bouddha nous a appris
que, dans notre pratique,
tout ce qui perturbe notre
esprit est matière à travailler.
En réalité, ce sont les
souillures de l’esprit qui sont perturbées, pas l’esprit lui-même
!
Nous ne savons pas faire
la différence entre notre esprit et tout ce qui le pollue.
Dès que quelque chose ne
nous plaît pas, nous voulons nous en éloigner.
Notre mode de vie n’est
pas difficile ;
ce qui est difficile c’est
de n’être pas satisfait, de refuser ce qui est.
Ce sont les souillures qui
sont la difficulté.
32
Le monde est dans un
perpétuel état d’agitation.
L’esprit passe de la
satisfaction à l’insatisfaction au rythme de l’agitation du
monde.
La plus grande aide que
nous puissions apporter au monde,
c’est apprendre à
apaiser notre esprit.
33
Si votre esprit est
heureux, vous serez heureux où que vous soyez.
Quand la sagesse
s’éveillera en vous, vous verrez la Vérité partout où se posera
votre regard. La Vérité est tout ce qu’il y a à savoir.
C’est comme quand on
apprend à lire — après, où que l’on aille, on pourra lire.
34
Si vous vous sentez mal en
un certain lieu, vous vous sentirez mal en tout lieu.
En réalité, ce ne sera
pas le lieu extérieur qui vous posera problème
mais ce « lieu »
en vous.
35
Observez votre esprit.
Celui qui porte des choses
croit qu’il possède des choses
mais celui qui observe ne
voit que le poids à traîner.
Jette les choses,
perds-les et trouve la légèreté.
36
Dans son essence, l’esprit
est paisible.
De cette paix naissent
l’angoisse et la confusion.
Mais si on voit et on
comprend cette confusion,
l’esprit retrouve son
état de paix.
37
Le bouddhisme est une
religion du cœur.
Pas davantage.
Qui pratique pour
développer son cœur
pratique le bouddhisme.
38
Quand la lumière est
faible,
il n’est pas facile de
voir les vieilles toiles d’araignées dans les coins de la pièce ;
mais quand la lumière est
vive,
on les voit clairement et
on peut les retirer.
De même, quand votre
esprit est lumineux,
vous êtes en mesure de
voir les souillures qui l’obscurcissent
et vous pouvez alors les
nettoyer.
39
On ne renforce pas
l’esprit en le faisant bouger dans tous les sens
comme on le fait pour
renforcer le corps.
On le renforce en
l’amenant à un point d’arrêt,
en l’amenant au repos.
40
Les gens commettent toutes
sortes de mauvaises actions parce qu’ils ne se voient pas,
ils ne regardent pas leur
propre esprit.
Quand ils sont sur le
point de mal agir, ils regardent d’abord autour d’eux :
« Ma mère
risque-t-elle de me voir ? » « Mon mari risque-t-il
de me voir ? »
« Mes enfants
risquent-ils de me voir ? » « Ma femme risque-t-elle
de me voir ? »
Et si personne ne les
voit, ils foncent tête baissée.
Mais c’est s’insulter
soi-même !
Ils disent que personne ne
regarde et s’empressent de mal agir avant d’être surpris.
Mais eux ? Ne
sont-ils pas « quelqu’un » qui regarde ?
41
Pour écouter les
Enseignements,
faites appel à votre
cœur,
pas à vos oreilles.
42
Certains mènent un combat
contre leurs souillures mentales
et parviennent à les
vaincre dans ce que l’on appelle un « combat intérieur ».
Ceux qui mènent un combat
extérieur lancent des bombes et tirent au fusil.
Ils sont vainqueurs ou ils
sont vaincus.
Obtenir la victoire sur
les autres est la façon dont fonctionne le monde.
Dans la pratique du
Dhamma, au lieu de combattre les autres,
nous devons résister
patiemment
à tous les états
d’esprit qui nous traversent.
43
D’où vient la pluie ?
Elle vient de toute l’eau
sale qui s’évapore de la terre —
y compris l’urine et
l’eau que vous jetez après avoir lavé vos pieds.
N’est-ce pas merveilleux
que le ciel puisse prendre cette eau sale
et la transformer en une
eau pure et propre ?
Si vous le lui permettez,
votre esprit peut agir de
même avec vos souillures.
44
Le Bouddha a recommandé
de ne juger que soi-même
et de ne pas juger les
autres, aussi bons ou mauvais soient-ils.
Il a indiqué le chemin en
disant : « La Vérité est ainsi. »
Posons-nous donc
simplement la question : notre esprit est-il « ainsi »
ou pas ?
---------------------------------------------------
L’impermanence
45
Toutes les conditions —
ce qui constitue la vie — existent du fait du changement.
Nous n’y pouvons rien.
Imaginez un peu :
pourrait-on expirer sans inspirer à nouveau ? Serait-ce
agréable ?
Ou pourrait-on se
contenter d’inspirer ?
Nous voulons que les
choses durent, qu’elles soient permanentes.
Mais cela ne se peut pas —
tout simplement.
46
Quand vous comprendrez
vraiment que tout est impermanent,
toutes vos pensées vont
progressivement s’envoler, vous n’aurez plus besoin de penser
trop.
Quand quelque chose se
présentera, tout ce que vous aurez envie de dire c’est :
« Tiens, encore
autre chose ! »
Et puis c’est tout.
47
Toute parole qui fait fi
de cette incertitude inhérente
n’est pas la parole d’un
sage.
48
Si vous voyez vraiment
clairement l’incertitude, vous verrez aussi ce qui est certain.
Ce qui est certain, c’est
que tout est obligatoirement incertain
et qu’il ne peut en être
autrement.
Comprenez-vous cela ?
Si vous ne savez que cela
mais que vous le comprenez vraiment,
alors vous pouvez
connaître le Bouddha et lui rendre un juste hommage.
49
Si votre esprit essaie de
vous dire qu’il a atteint le niveau de sotapanna,
allez vous prosterner
devant un sotapanna.
Il vous dira lui-même que
tout est incertain.
Si vous rencontrez un
sakadagami, allez lui rendre hommage.
Lorsqu’il vous verra, il
vous dira simplement : « Ce n’est pas sûr ! »
Si vous connaissez un
anagami, allez vous incliner devant lui.
Il ne vous dira qu’un
mot : « Incertain ! ».
Et si vous rencontrez même
un arahant, allez vous prosterner devant lui.
Et il vous déclarera
encore plus fermement : « Tout est même encore plus
incertain ! »
Vous entendrez les paroles
des Nobles Etres éveillés :
« Tout est
incertain. Ne vous attachez à rien. »
50
Il m’est arrivé d’aller
visiter de vieux sites religieux
avec des temples anciens
dont les murs étaient lézardés.
Un ami a fait remarquer :
« Quel dommage que tout s’effrite, n’est-ce pas ? »
J’ai répondu :
« Si les murs n’étaient pas lézardés,
il n’y aurait pas de
Bouddha et il n’y aurait pas de Dhamma.
Tout s’effrite
et c’est parfaitement en
accord avec les enseignements du Bouddha. »
51
Les choses suivent toutes
leur cours naturel.
Que cela nous fasse rire
ou pleurer, elles suivent leur cours de toute façon.
Aucun savoir, aucune
science ne peut entraver le cours naturel des choses.
Vous pouvez demander à un
dentiste d’examiner vos dents mais,
même s’il peut les
soigner, elles finiront par suivre quand même leur cours naturel.
Un jour, le dentiste
lui-même en passera par là.
Tout finit par se
désagréger.
52
Que pouvons-nous
considérer comme sûr ? Rien !
Il n’y a rien en dehors
des sensations et des sentiments.
La souffrance apparaît,
dure un certain temps et puis disparaît ;
ensuite elle est remplacée
par le bonheur —
et c’est tout !
En dehors de cela, il n’y
a rien.
Mais nous sommes perdus
et comme quelqu’un perdu
dans le noir,
nous courons sans cesse
en essayant de nous
accrocher à nos sensations et à nos sentiments.
Mais ceux-ci n’ont rien
de réel ni de stable.
Ils ne sont que
changement.
---------------------------------------------------
Le kamma
53
Quand ceux qui ne
comprennent pas le Dhamma agissent mal,
ils regardent autour d’eux
pour s’assurer que personne ne les regarde.
Mais notre kamma
nous observe toujours.
Rien ne lui échappe
jamais.
54
Les bonnes actions
produisent de bons résultats
et les mauvaises actions
de mauvais résultats.
N’attendez pas que des
dieux accomplissent des choses pour vous,
que des anges gardiens
vous protègent
ou que des jours
particuliers vous soient favorables.
Ce ne sont que balivernes,
n’y croyez pas.
Si vous y croyez, vous en
souffrirez.
Vous passerez votre temps
à attendre
le jour favorable, le mois
favorable, l’année favorable, ou bien les anges gardiens.
Vous ne pourrez qu’en
souffrir.
Examinez plutôt vos
actions et vos paroles,
examinez votre kamma.
Quand vous agissez bien,
vous générez du bien ;
quand vous agissez mal,
vous générez du mal.
55
En pratiquant de manière
juste, vous permettez à votre vieux kamma
de s’épuiser.
Ayant vu et compris que
les choses ne font qu’apparaître et disparaître,
vous pouvez simplement les
observer attentivement et les laisser suivre leur cours.
C’est comme avoir deux
arbres :
si l’un est nourri et
arrosé tandis que l’autre est ignoré,
il n’y a aucun doute
quant à celui qui grandira et celui qui mourra.
56
Certains d’entre vous
ont parcouru des milliers de kilomètres,
sont venus d’Europe, des
Etats-Unis et d’autres contrées lointaines
pour écouter le Dhamma
ici, au monastère de Nong Pah Pong.
Dire que vous venez de si
loin,
que vous avez traversé
tant d’embûches pour arriver ici,
tandis que certaines
personnes vivent juste de l’autre côté de ce portail
et ne l’ont pas encore
franchi !
Cela vous fait davantage
apprécier le bon kamma, n’est-ce pas ?
57
Quand vous agissez mal,
vous ne pouvez vous cacher nulle part.
Même si les autres ne
vous voient pas, vous êtes obligé d’être face à vous-même.
Caché au fond d’un
trou, vous seriez encore face à vous-même.
Il est impossible de mal
agir et d’en sortir indemne.
Alors pourquoi ne
verriez-vous pas, de la même manière, votre bonté ?
Vous voyez tout : la
paix, l’agitation, la libération, les attachements.
Tout cela vous le voyez
par vous-même.
---------------------------------------------------
La pratique de la méditation
58
Si vous voulez être dans
les parages pour rencontrer le prochain Bouddha, c’est simple :
ne pratiquez pas !
Dans ce cas, il y a de
grandes chances pour que vous soyez encore là
quand il apparaîtra.
59
J’entends des gens
dire : « Oh ! Cette année a été difficile pour
moi. »
Je leur demande :
« Comment cela ? »
« J’ai été
malade toute l’année », répondent-ils. « Je n’ai
pas pu pratiquer du tout. »
Eh bien, s’ils ne
pratiquent pas quand la mort est proche, quand donc
pratiqueront-ils ?
Quand tout va bien, ils
s’oublient dans le bonheur
et quand ils souffrent,
ils ne pratiquent toujours pas —
ils s’oublient aussi
dans la souffrance.
Je me demande quand les
gens s’imaginent qu’ils vont pratiquer.
60
J’ai déjà fixé
l’emploi du temps et les règles à respecter dans ce monastère —
ne les transgressez pas !
Celui qui transgresse les
règles existantes
n’est pas venu avec une
réelle intention de pratiquer.
Que peut-il espérer voir
dans ce cas ?
Même s’il vivait auprès
de moi jour et nuit, il ne me verrait pas.
Même s’il vivait près
du Bouddha, il ne le verrait pas
s’il ne pratique pas.
61
Ne croyez pas que la
pratique se limite à s’asseoir les yeux fermés.
Si c’est ce que vous
croyez, changez vite d’opinion.
Une pratique stable et
régulière
consiste à demeurer
attentif dans toutes les positions,
que ce soit assis, debout,
en marchant ou allongé.
Quand vous quittez la
position assise de la méditation,
ne croyez pas que vous en
avez fini avec la méditation —
vous changez simplement de
position !
Si vous apprenez à voir
les choses ainsi, vous trouverez la paix.
Où que vous soyez, vous
aurez constamment cette attitude de pratique ;
vous aurez la stabilité
d’une présence à vous-même.
62
« Aussi longtemps
que je n’aurai pas atteint l’Eveil Ultime,
je ne me lèverai pas de
cet endroit, mon sang dût-il se dessécher. »
En lisant ces paroles du
Bouddha dans un livre,
vous avez peut-être eu
envie d’en faire autant.
Mais vous avez oublié de
tenir compte d’une chose : votre véhicule.
Le Bouddha avait une très
grosse voiture, la vôtre est plus petite.
Il a pu parcourir tout le
chemin d’une seule traite mais,
avec votre toute petite
voiture,
comment pourriez-vous y
parvenir en une fois ?
C’est une tout autre
histoire.
63
Je suis allé partout à
la recherche d’un endroit pour méditer
sans réaliser que cet
endroit était déjà là,
dans mon cœur et dans mon
esprit.
Toute la méditation est
juste là, en nous.
La naissance, le
vieillissement, la maladie et la mort
sont juste là,
en nous.
J’ai voyagé partout
jusqu’au bout de mes forces
et ce n’est que lorsque
je me suis arrêté
que j’ai trouvé ce que
je cherchais
— en moi.
64
Nous ne méditons pas pour
voir le paradis
mais pour mettre fin à la
souffrance.
65
Ne vous attachez pas aux
visions ou aux lumières
qui peuvent apparaître
dans votre méditation ;
ne soyez pas heureux ou
malheureux selon qu’elles apparaissent ou pas.
Qu’y a-t-il de si
extraordinaire à la lumière ? Ma lampe torche en a.
Ce n’est pas cela qui
nous aidera
à nous libérer de la
souffrance.
66
Sans la méditation, vous
êtes comme aveugle et sourd.
Il n’est pas facile de
voir le Dhamma
et il faut méditer pour
voir ce que vous n’avez encore jamais vu.
Etes-vous né enseignant ?
Non, il vous a d’abord fallu étudier.
Un citron n’est acide
que lorsqu’on l’a goûté.
67
Quand vous êtes assis en
méditation, dites :
« Ce ne sont pas mes
affaires ! »
en réponse à toutes les
pensées qui se présentent.
68
Quand nous sommes d’humeur
paresseuse, nous devons pratiquer —
pas seulement quand nous
en avons l’énergie ou l’envie.
Ainsi pratique-t-on selon
les enseignements du Bouddha.
Quant à nous, nous ne
pratiquons que quand l’envie nous en prend —
mais comment
arriverons-nous quelque part de cette façon ?
Quand allons-nous briser
le flot de nos souillures
si nous ne pratiquons
qu’en fonction de nos caprices ?
69
Quoi que nous fassions,
nous devons en être pleinement conscients.
Lire des livres n’a
jamais apporté l’Eveil.
Les jours passent mais
nous ne sommes pas conscients.
Connaître la pratique,
c’est pratiquer pour pouvoir connaître.
70
Il y a, c’est vrai, des
dizaines de techniques de méditation
mais elles aboutissent
toutes au même point :
lâchez tout !
Et puis venez là où il
fait frais,
hors du champ de bataille.
Pourquoi ne pas essayer ?
71
Se limiter à réfléchir
à la pratique,
c’est comme bondir sur
une ombre et laisser s’échapper la réalité.
72
Après avoir pratiqué
quelques années, je manquais encore de confiance en moi.
Mais avec plus
d’expérience, j’ai appris à faire confiance
à mon cœur et à mon
esprit.
Quand vous avez cette
profonde compréhension,
quoi qu’il arrive, vous
pouvez laisser faire —
et tout apparaîtra et
puis disparaîtra,
simplement.
Vous arriverez à un stade
où
le cœur et l’esprit
savent quoi faire.
73
En réalité, dans la
pratique de la méditation,
mieux vaut être dans
l’excès d’agitation que dans l’excès de calme
parce que vous allez
chercher à mettre fin à cette agitation
tandis que vous pouvez
être très satisfait de votre calme
et ne pas chercher à
avancer davantage.
Alors quand des états de
béatitude lumineuse apparaissent
dans la méditation de la
vision pénétrante,
ne vous y attachez pas.
74
La méditation est
simplement une question d’esprit et de sensations.
Ce n’est pas quelque
chose que vous devez poursuivre ou vous battre pour obtenir.
La respiration continue à
fonctionner, la nature prend soin des processus naturels —
tout ce que nous avons à
faire c’est essayer d’être conscients,
de nous tourner vers
l’intérieur pour voir les choses clairement.
Voilà ce qu’est la
méditation.
75
Ne pas pratiquer
correctement, c’est manquer d’attention.
Manquer d’attention,
c’est comme être mort.
Demandez-vous si vous
aurez le temps de pratiquer quand vous serez mort.
Demandez-vous
continuellement : « Quand vais-je mourir ? »
Si nous réfléchissons
ainsi, notre esprit sera vif et vigilant à chaque seconde,
la conscience sera
toujours présente et l’attention s’ensuivra automatiquement.
La sagesse apparaîtra,
nous verrons très
clairement les choses telles qu’elles sont réellement.
L’attention monte la
garde, de sorte que,
à tout moment, de jour
comme de nuit,
l’esprit sait exactement
quand des sensations apparaissent.
Etre attentif, c’est
être prêt.
Etre prêt, c’est être
vigilant.
Si on est vigilant, on
pratique correctement.
76
Telles sont les bases de
notre pratique :
d’abord, être droit et
honnête ;
ensuite être attentif à
ne pas mal agir ;
et puis être humble de
cœur, être détaché et se contenter de peu.
Si nous savons être
modérés — en paroles comme en tout —
nous serons présents à
nous-mêmes, nous ne serons pas distraits.
L’esprit et le cœur
auront ainsi les fondements adéquats pour développer
vertu, concentration et
sagesse.
77
Au début,
on s’empresse d’avancer,
on s’empresse de reculer et on s’empresse de s’arrêter.
On continue à pratiquer
ainsi jusqu’à ce que soit atteint le point où il apparaît
qu’avancer n’est pas
juste, reculer n’est pas juste et s’arrêter n’est pas juste
non plus !
Là, c’est fini.
On ne s’arrête pas, on
n’avance pas, on ne revient pas en arrière.
C’est terminé.
C’est juste là que l’on
réalise
qu’il n’y a vraiment
rien du tout.
78
Souvenez-vous que vous ne
méditez pas pour obtenir quelque chose
mais pour vous libérer
des choses.
On ne pratique pas avec le
désir mais avec le lâcher-prise.
Si vous voulez obtenir
quelque chose,
vous ne trouverez pas.
79
Le cœur de la pratique
est très simple.
Il est inutile de donner
de longues explications.
Lâchez l’amour,
lâchez la haine
et laissez les choses
suivre leur cours.
Ma propre pratique se
résume à cela.
80
Poser les mauvaises
questions montre que vous êtes toujours piégé par le doute.
Il est bien de parler de
la pratique si cela aide ensuite à l’intériorisation ;
mais vous seul pourrez
voir la Vérité.
81
Nous pratiquons pour
apprendre comment lâcher prise,
pas pour augmenter notre
saisie des choses.
L’Eveil apparaît
quand on cesse de vouloir
quoi que ce soit.
82
Si vous avez le temps
d’être attentif,
vous avez le temps de
méditer.
83
Quelqu’un m’a
demandé :
« Quand des choses
apparaissent en méditation, devons-nous les approfondir
ou simplement les voir
apparaître et disparaître ? ».
Si vous voyez passer
quelqu’un que vous ne connaissez pas,
vous allez peut-être vous
demander : « Qui est-ce ? Où va-t-il ? Que
veut-il ? »
Mais si vous connaissez la
personne,
il suffit de constater
qu’elle passe.
84
Dans la pratique, le désir
peut être un ami ou un ennemi.
En tant qu’ami,
il nous donne envie de
pratiquer, de comprendre, de mettre fin à la souffrance.
Mais être toujours en
train de désirer quelque chose qui n’est pas encore arrivé,
vouloir que les choses
soient autres que ce qu’elles sont,
finit par causer encore
plus de souffrance
et c’est alors que le
désir peut devenir un ennemi.
Finalement, nous devons
apprendre à lâcher tous les désirs,
même le désir d’Eveil.
Ce n’est qu’alors que
nous pourrons être libres.
85
Un jour, quelqu’un a
demandé à Ajahn Chah comment il enseignait la méditation :
« Utilisez-vous la
technique qui consiste à avoir un entretien quotidien
avec les étudiants pour
examiner leur état d’esprit ? »
Ajahn Chah répondit :
« Ici j’enseigne
aux disciples à examiner leur propre état d’esprit,
à s’interviewer
eux-mêmes.
Il se peut qu’aujourd’hui
un moine soit en colère ou plein de désir.
Moi je ne le sais pas mais
lui devrait le savoir.
Il n’est pas nécessaire
qu’il vienne me le demander, n’est-ce pas ? »
86
Notre vie est un
assemblage d’éléments.
Nous utilisons des
conventions pour décrire les choses,
mais ensuite nous nous
attachons aux conventions
et nous leur donnons une
réalité.
Par exemple, on donne un
nom aux gens et aux choses.
Mais on pourrait revenir
en arrière, avant que les noms aient été donnés,
et appeler les hommes
« des femmes » et les femmes « des hommes » —
quelle différence cela
ferait-il ?
Mais nous nous sommes
attachés aux noms et aux concepts,
alors nous avons
maintenant la guerre des sexes et toutes sortes d’autres guerres.
La méditation permet de
voir clair dans tout cela.
Ce n’est qu’alors que
nous pourrons atteindre l’inconditionné
et être en paix, pas en
guerre.
87
Certains deviennent moines
parce qu’ils ont la foi
mais ensuite piétinent
tout ce que le Bouddha a enseigné.
Ils savent ce qu’il faut
faire mais ils refusent de pratiquer correctement.
En vérité, ils ne sont
pas nombreux ceux qui pratiquent vraiment de nos jours.
88
Théorie et pratique :
la première connaît le
nom de la plante médicinale
et la seconde va la
chercher et l’utilise.
89
Le bruit :
vous aimez entendre des
oiseaux mais pas des voitures.
Vous avez peur des gens et
des bruits et vous aimez vivre seul dans la forêt.
Laissez tomber le bruit et
prenez soin du bébé.
Le « bébé »
est votre pratique.
90
Un novice nouvellement
ordonné demanda à Ajahn Chah
quel conseil il donnait à
ceux qui débutaient dans la pratique de la méditation.
« Le même qu’à
ceux qui méditent depuis longtemps :
Insistez, persistez,
persévérez.»
91
Les gens disent que
l’enseignement du Bouddha est bien beau
mais qu’il est
impossible à pratiquer dans la vie en société.
On entend dire :
« Je suis jeune,
donc il ne m’est pas facile de pratiquer
Mais, quand je serai
vieux, je pratiquerai. »
Diriez-vous : « Je
suis jeune, donc je n’ai pas le temps de manger » ?
Si je vous enfonçais un
bâton brûlant dans les côtes, diriez-vous :
« Oui, ça fait mal
mais, comme je vis en société, je ne peux pas y échapper » ?
92
Vertu, concentration et
sagesse regroupent à eux trois
le cœur de la pratique
bouddhique.
La vertu maintient le
corps et la parole purs et c’est dans le corps que réside
l’esprit.
Ainsi la pratique passe
par la vertu, par la concentration et par la sagesse.
C’est comme un morceau
de bois coupé en trois endroits
mais, en réalité, c’est
une seule et même bûche.
Si nous voulons rejeter le
corps et la parole, nous ne le pouvons pas.
Si nous voulons rejeter
l’esprit, nous ne le pouvons pas.
Nous devons pratiquer avec
le corps et avec l’esprit.
Ainsi, en réalité,
vertu, concentration et sagesse sont harmonieusement unies
et fonctionnent ensemble.
---------------------------------------------------
Le non-soi
93
Une vieille dame très
pieuse arriva un jour
en pèlerinage à Wat Pah
Pong depuis sa province voisine.
Elle dit à Ajahn Chah
qu’elle ne pourrait pas rester longtemps
car elle devait rentrer
s’occuper de ses petits-enfants et, comme elle était âgée,
elle demanda s’il
pouvait lui donner un bref enseignement sur le Dhamma.
Ajahn Chah lui répondit
avec virulence :
« Ecoutez donc !
Il n’y a personne ici — que ça !
Pas de propriétaire :
personne qui soit vieux, qui soit jeune,
qui soit bon ou mauvais,
faible ou fort.
Juste ça et c’est tout
—
différents éléments de
la nature qui suivent leur cours,
tous vides.
Personne qui est né et
personne pour mourir !
Ceux qui parlent de
naissance et de mort
parlent le langage des
enfants ignorants.
Dans le langage du cœur,
du Dhamma,
il n’existe rien de tel
que la naissance ou la mort. »
94
Le véritable fondement de
l’enseignement est
de voir le soi comme étant
vide.
Mais les gens viennent
étudier le Dhamma pour faire grandir leur image d’eux-mêmes,
ils ne veulent donc pas
faire l’expérience de la souffrance ou de la difficulté.
Ils veulent que tout soit
agréable.
Peut-être veulent-ils
transcender la souffrance mais,
tant qu’il y a un soi,
comment peuvent-ils s’y
prendre ?
95
C’est tellement facile
une fois que l’on a compris.
Si simple et si direct !
Quand des choses agréables
se présentent, comprenez qu’elles sont vides.
Quand des choses
désagréables se présentent, voyez qu’elles ne vous appartiennent
pas ;
elles passent.
Ne vous liez pas à elles
comme si elles étaient vous,
ne vous voyez pas comme
les possédant.
Si vous pensez que ce
papayer est à vous,
pourquoi n’êtes-vous
pas blessé quand on le coupe ?
Si vous pouvez comprendre
cela, vous êtes sur la bonne voie,
la voie de l’enseignement
du Bouddha,
de l’enseignement qui
mène à la Libération.
96
Les gens n’étudient pas
ce qui est au-delà du
bien et du mal.
C’est pourtant cela
qu’il faudrait étudier.
Ils disent : « Je
vais être comme ceci, je vais être comme cela. »
Mais jamais ils ne
disent :
« Je ne vais rien
être du tout parce qu’en réalité il n’y a pas de ‘je’. »
Cela, ils ne l’étudient
pas.
97
Une fois que vous
comprenez le non-soi,
le fardeau de la vie
disparaît. Vous êtes en paix avec le monde.
Quand on voit au-delà du
soi,
on n’est plus attaché
au bonheur et on peut être vraiment heureux.
Apprenez à lâcher prise
sans lutter, simplement lâcher prise,
pour être exactement
comme vous êtes —
sans saisie, sans
attachement, libre.
98
Tous les corps se
composent des quatre éléments :
la terre, l’eau, l’air
et le feu.
Quand ces éléments sont
réunis pour former un corps,
nous disons que c’est un
corps masculin ou féminin ;
nous lui attribuons un nom
pour l’identifier plus facilement.
Mais en réalité il n’y
a personne :
seulement de la terre, de
l’eau, de l’air et du feu.
Ne vous enthousiasmez pas
pour un corps,
ne soyez pas orgueilleux
d’un corps.
Si vous y regardez de
près,
vous n’y trouverez
personne.
---------------------------------------------------
La paix
99
Question : « A
quoi ressemble la paix intérieure ? »
Réponse : « A
quoi ressemble la confusion de l’esprit ?
La paix intérieure est la
fin de la confusion de l’esprit. »
100
On trouve la paix en soi
exactement là où se
trouvent l’agitation et la souffrance.
On ne la trouve pas dans
une forêt ou au sommet d’une montagne,
pas plus qu’elle n’est
donnée par un maître.
Là où vous ressentez la
souffrance
vous pouvez également
trouver la libération de la souffrance.
Essayer de fuir la
souffrance,
c’est en réalité
courir vers elle.
101
Si vous lâchez un peu,
vous aurez un peu de paix. Si vous lâchez beaucoup, vous aurez
beaucoup de paix. Si vous lâchez totalement, vous aurez la paix
totale.
102
En réalité, il n’y a
rien qui soit « un être humain ».
Quoi que nous croyions
être, cela relève seulement du monde des apparences.
Pourtant, si nous allons
au-delà des apparences et que nous voyons la vérité,
nous verrons qu’il n’y
a rien d’autre que les caractéristiques universelles :
naissance au début,
changement au milieu et cessation à la fin.
C’est tout ce qu’il y
a.
Si nous voyons qu’il en
va de même pour toute chose, il n’y a plus de problème.
Si nous comprenons cela,
nous trouverons contentement et paix.
103
Que vous voyagiez ou
restiez en un même lieu,
sachez distinguer ce qui
est juste et ce qui ne l’est pas — c’est tout.
Vous ne trouverez pas la
paix en haut d’une montagne ou au fond d’une grotte.
Même se rendre sur les
lieux où le Bouddha a trouvé l’Eveil
ne peut nous rapprocher de
la Vérité.
104
Regarder vers l’extérieur
de soi, c’est comparer et discriminer.
Ce n’est pas ainsi que
vous trouverez le bonheur.
Vous ne trouverez pas
davantage la paix
si vous passez votre temps
à chercher la personne parfaite ou le maître parfait.
Le Bouddha nous a enseigné
à regarder le Dhamma, la Vérité,
pas à regarder les
autres.
105
N’importe qui peut
construire une maison de bois et de briques
mais le Bouddha nous a dit
que cette sorte de maison
n’était pas notre
véritable demeure.
C’est une maison dans le
monde faite selon les manières du monde.
Notre véritable demeure
est la paix intérieure.
106
Voyez comme la forêt est
paisible ! Pourquoi pas vous ?
Vous vous attachez à des
choses qui vous compliquent la vie.
Laissez la nature vous
donner ses leçons !
Écoutez le chant de
l’oiseau et puis laissez-le partir !
Si vous connaissez la
nature, vous connaîtrez le Dhamma.
Si vous connaissez le
Dhamma, vous connaîtrez la nature.
107
Rechercher la paix, c’est
comme chercher une tortue à moustaches :
vous ne parviendrez pas à
la trouver.
Mais quand votre cœur
sera prêt,
c'est la paix elle-même
qui viendra vous trouver.
108
Vertu, concentration et
sagesse constituent, à elles trois, l’ensemble de la Voie.
Mais cette voie n’est
pas exactement ce que le Bouddha a vraiment enseigné,
elle n’est que le chemin
qui y mène.
Si, par exemple, vous avez
pris la route pour venir de Bangkok jusqu’au monastère,
la route était nécessaire
à votre déplacement
mais, ce que vous
cherchiez, c’était le monastère, pas la route.
De la même manière,
vertu, concentration et sagesse ne sont pas la Vérité du Bouddha
mais elles sont la Voie
qui mène à cette Vérité.
Quand vous aurez développé
ces trois éléments,
vous découvrirez une paix
extraordinaire.
---------------------------------------------------
La souffrance
109
Il y a deux formes de
souffrance :
celle qui engendre encore
plus de souffrance
et celle qui mène à la
fin de la souffrance.
La première arrive quand
on se saisit avec avidité des plaisirs passagers
et que l’on rejette avec
aversion tout ce qui nous déplaît —
tel est le combat
quotidien de la plupart des gens en ce monde.
La seconde arrive quand on
s’autorise à pleinement ressentir
combien tout change
constamment
— plaisir, douleur, joie
et colère —
sans avoir peur et sans
reculer.
Dans ce cas, la souffrance
de notre expérience
parvient à nous libérer
de toute peur
et nous apporte la paix.
110
Nous aimerions que les
choses soient faciles
mais sans souffrance,
point de sagesse.
On est prêt à accueillir
la sagesse quand,
par trois fois au moins,
au cours de sa pratique,
on s’est effondré et on
a pleuré.
111
On ne devient pas moine ou
nonne pour bien manger, bien dormir et avoir ses aises
mais pour rencontrer la
souffrance et apprendre
comment l’accepter,
comment s’en libérer et comment ne plus la causer.
Alors ne faites plus ce
qui cause la souffrance
— comme se complaire
dans l’avidité —
sinon la souffrance ne
vous quittera jamais.
112
En réalité, le bonheur
est la souffrance déguisée
mais de manière si
subtile qu’on ne s’en aperçoit pas.
S’accrocher au bonheur
revient à s’attacher à la souffrance
mais on ne s’en rend pas
compte.
Quand on s’attache au
bonheur,
il est impossible
d’éloigner la souffrance qui s’y attache :
ils sont inséparables.
C’est pourquoi le
Bouddha nous a demandé
de connaître la
nature de la souffrance,
de voir qu’elle est le
mal inexorablement lié au soi-disant « bonheur »,
de voir que bonheur et
souffrance
sont de même nature.
113
Quand la souffrance
apparaît,
vois qu’il n’y a
personne pour l’accepter.
Si tu crois que cette
souffrance est tienne ou que le bonheur est tien,
tu ne trouveras jamais la
paix.
114
Ceux qui souffrent
trouveront la sagesse en proportion de leur souffrance.
Si on ne souffre pas, on
n’a rien à étudier en profondeur.
Et si on ne contemple pas
en profondeur, aucune sagesse ne peut jaillir.
Sans sagesse, il n’y a
pas de connaissance.
Et sans la connaissance,
on ne peut pas se libérer de la souffrance —
c’est ainsi.
En conséquence, nous
devons nous entraîner à l’endurance.
Ensuite, quand nous
réfléchirons au monde,
nous n’aurons plus les
mêmes peurs.
Le Bouddha n’a pas
trouvé l’Eveil en dehors du monde
mais au cœur même du
monde.
115
Se complaire dans les
plaisirs et s’adonner à l’auto-mortification
sont deux voies que le
Bouddha nous a déconseillées.
Qui dit bonheur dit
souffrance.
Etant heureux, nous
imaginons que nous nous sommes libérés de la souffrance
mais ce n’est pas le
cas :
si nous nous attachons au
bonheur, nous souffrirons à nouveau.
C’est ainsi que vont les
choses, même si les gens ne le voient pas.
116
Quand les gens souffrent
quelque part, ils vont ailleurs.
Quand la souffrance
réapparaît, ils s’enfuient à nouveau.
Ils croient ainsi échapper
à la souffrance
mais ce n’est pas le
cas : la souffrance les suit.
Ils emportent la
souffrance avec eux sans le savoir.
Si on ne connaît pas la
souffrance, on ne peut en connaître la cause
et si on ne connaît pas
la cause de la souffrance, on ne peut en connaître la fin.
Il n’y a pas moyen
d’échapper à cette vérité.
117
Les chercheurs
d’aujourd’hui ont bien plus de connaissances que ceux
d’autrefois.
En outre, ils ont tout ce
dont ils peuvent avoir besoin.
tout est plus facile pour
eux.
Alors, pourquoi ont-ils
aussi
beaucoup plus de
souffrance
et de confusion mentale ?
Pourquoi ?
118
Ne soyez pas un
bodhisatta ! Ne soyez pas un arahant !
Ne soyez rien.
Si vous êtes un
bodhisatta, vous souffrirez.
Si vous êtes un arahant,
vous souffrirez.
Si vous êtes quoi que ce
soit, vous souffrirez.
119
L’amour et la haine sont
tous deux synonymes de souffrance
à cause du désir qu’ils
contiennent.
Vouloir est souffrance ;
ne pas vouloir est souffrance.
Même si on obtient
l’objet de son désir, on souffre
car, une fois obtenu, on
vit dans la crainte de le perdre.
Comment vivre heureux dans
la peur ?
120
Quand vous êtes en
colère, comment vous sentez-vous ? Bien ou mal ?
Si vous vous sentez
vraiment mal, pourquoi ne pas jeter cette colère au loin ?
Pourquoi vous faire du mal
en la gardant en vous ?
Comment pouvez-vous vous
dire sage et intelligent
quand vous refusez de
lâcher une chose qui fait souffrir ?
Parfois la colère peut
causer une querelle de famille, faire pleurer tout le monde,
et pourtant on continue à
se mettre en colère et à souffrir.
Si vous voyez toute la
souffrance que contient la colère, jetez-la au loin !
Sinon, elle continuera à
créer de la souffrance indéfiniment
sans aucune chance de
répit.
Le monde de l’existence
insatisfaisante fonctionne ainsi
Mais, si nous connaissons
ce fonctionnement,
nous pouvons mettre fin au
problème.
121
Une femme voulait savoir
comment gérer sa colère.
Je lui ai demandé :
« Quand la colère apparaît, à qui appartient-elle ? »
« A moi. »
« Si elle est
vraiment à vous, vous devriez pouvoir lui dire de partir, non ?
En réalité, elle n’est
pas à vous. Vous n’avez pas de pouvoir sur elle. »
S’attacher à la colère
en croyant qu’elle nous appartient causera la souffrance.
Si la colère était
vraiment nôtre, elle nous obéirait.
Si elle ne nous obéit
pas, c’est que nous nous trompons.
Ne tombez pas dans le
piège !
Que l’esprit soit
heureux ou triste, ne tombez pas dans le piège !
Tout cela est trompeur.
122
Voir la certitude là où
réside l’incertitude,
c’est l’assurance de
souffrir.
123
Le Bouddha est toujours
présent pour nous enseigner.
Voyez par vous-même :
ici il y a le bonheur et
là la souffrance ;
ici il y a le plaisir et
là la douleur.
Ils sont toujours présents
et vont toujours de pair.
Quand on voit la nature du
plaisir et de la douleur,
alors on voit le Bouddha,
alors on voit le Dhamma.
Le Bouddha n’est pas
séparé d’eux.
124
Quand on les contemple
ensemble,
on voit que bonheur et
souffrance se valent
de même que se valent le
chaud et le froid.
La chaleur d’un feu peut
nous brûler à mort,
tandis que le froid de la
glace peut nous geler à mort.
---------------------------------------------------
Le maître
125
Vous êtes votre propre
maître.
Rechercher un maître
n’est pas ce qui vous permettra d’arriver au bout de vos doutes.
C’est en vous que vous
trouverez la vérité —
à l’intérieur de vous,
pas à l’extérieur.
Se connaître soi-même
est ce qu’il y a de plus important.
126
L’un de mes maîtres
mangeait très vite et bruyamment.
Pourtant il nous
recommandait de manger lentement et avec attention.
Je me souviens comme je le
regardais avec rancune.
Je souffrais mais pas
lui !
Je ne voyais que
l’extérieur.
Plus tard, j’ai appris
que certaines personnes conduisent très vite mais prudemment
tandis que d’autres
conduisent lentement et ont de nombreux accidents.
Ne vous attachez pas aux
règles ni aux formes extérieures.
Si vous regardez les
autres dix pour cent du temps
et que vous vous observez
vous-même quatre-vingt-dix pour cent du temps,
alors votre pratique sera
correcte.
127
Il est difficile
d’enseigner à des disciples :
certains comprennent mais
n’ont pas envie de pratiquer,
d’autres ne comprennent
pas et ne font pas l’effort de comprendre.
Je ne sais pas que faire
d’eux. Pourquoi les êtres humains ont-ils un tel esprit ?
Il n’est pas bon d’être
ignorant mais, même si je le leur dis, ils n’écoutent pas.
Les gens ont tant de
doutes quand ils pratiquent ! Ils doutent tout le temps.
Ils veulent arriver au
Nibbana mais ils ne veulent pas avancer sur la voie qui y mène.
C’est déroutant !
Quand je leur dis de
méditer, ils ont peur ou, s’ils n’ont pas peur, ils
s’endorment !
Disons, de manière
générale, qu’ils aiment faire les choses que je n’enseigne pas
…
Telle est la souffrance de
l’enseignant.
128
Si nous pouvions
facilement voir la vérité des enseignements du Bouddha,
nous n’aurions pas
besoin de tant de maîtres.
Quand nous comprenons les
enseignements, nous faisons simplement ce qu’ils conseillent.
Ce qui rend les gens si
difficiles à enseigner, c’est qu’ils n’acceptent pas les
enseignements.
Ils ne cessent de contrer
— tant le maître que les enseignements.
Devant le maître, ils se
comportent passablement
mais derrière son dos,
ils sont comme des voleurs !
Il est vraiment difficile
d’enseigner.
129
Je n’enseigne pas à mes
disciples à vivre et à pratiquer négligemment
mais c’est ce qu’ils
font dès que j’ai le dos tourné.
Quand un policier est
présent, les voleurs se tiennent bien.
Quand il demande s’il y
a des voleurs dans les parages,
ils répondent, bien
évidemment, qu’il n’y en a pas, qu’ils n’en ont jamais vu.
Mais dès que le policier
s’en va, les voilà qui recommencent à voler.
C’était déjà comme
cela même au temps du Bouddha.
Alors occupez-vous de
vous-même
et ne vous préoccupez pas
de ce que font les autres.
130
Un véritable maître
n’enseigne qu’une seule chose :
la difficile pratique qui
consiste à renoncer,
à lâcher le soi.
Quoi qu’il arrive,
n’abandonnez pas votre maître.
Laissez-le vous guider
car il est aisé d’oublier
la Voie.
131
Même les doutes que vous
nourrissez à l’égard de votre maître peuvent vous aider.
Prenez de votre maître ce
qui est bon
et soyez clairement
conscient de votre pratique.
Il n’y a que vous qui
pourrez percevoir et développer la sagesse.
132
Ne vous contentez pas de
croire un maître qui vous dit qu’un fruit est délicieux.
Goûtez-le vous-même !
Alors, tous les doutes
disparaîtront.
133
Les maîtres sont ceux qui
montrent la direction de la Voie.
Après les avoir écoutés,
que nous suivions cette
Voie
en pratiquant et en
cueillant les fruits de la pratique
ou que nous ne la suivions
pas
est notre affaire.
134
Parfois il est difficile
d’enseigner.
Les gens traitent leur
enseignant comme une poubelle
dans laquelle ils jettent
leurs frustrations et leurs problèmes.
Plus on a de disciples,
plus le problème de l’enlèvement des déchets est grand !
Mais enseigner est aussi
une merveilleuse manière de pratiquer le Dhamma :
ceux qui enseignent
grandissent en patience et en compréhension.
135
Un maître ne peut pas
vraiment résoudre nos difficultés.
Il n’est qu’une source
d’inspiration qui nous aide à étudier la Voie ;
il ne peut pas la
clarifier pour nous.
En fait, ce qu’il dit
n’a pas vraiment d’importance.
Le Bouddha n’a jamais
loué la croyance en un autre —
c’est en nous que nous
devons croire.
C’est difficile, certes,
mais c’est ainsi. Vraiment.
Tant que notre regard sera
tourné vers l’extérieur,
nous ne verrons jamais
vraiment les choses.
Nous devons nous décider
à pratiquer vraiment.
Les doutes ne
disparaissent pas quand on pose des questions aux autres
mais ils disparaissent
quand on pratique sans cesse.
---------------------------------------------------
Compréhension et sagesse
136
Rien ni personne ne peut
vous libérer
hormis votre juste
compréhension des choses.
137
Le fou et le sage sourient
tous les deux.
La différence est que le
sage sait pourquoi
tandis que le fou ne le
sait pas.
138
Le sage observe les autres
mais il les observe avec
sagesse, pas avec ignorance.
Si on observe avec
sagesse, on peut apprendre beaucoup.
Mais si on observe avec
ignorance, on juge et on critique.
139
Le vrai problème avec les
gens d’aujourd’hui
est qu’ils savent et
pourtant ils ne savent pas.
C’est une chose de ne
pas agir correctement parce qu’on ne comprend pas.
Mais si on comprend et que
l’on n’agit pas en accord avec cette compréhension,
alors, quel est le
problème ?
140
Il n’est pas important
d’étudier à l’extérieur, d’étudier les textes sacrés.
Bien sûr, les livres sur
le Dhamma sont exacts mais ils ne sont pas justes
dans le sens qu’ils ne
peuvent pas vous donner la juste compréhension des choses.
Voir le mot « colère »
imprimé est bien différent du ressenti de la colère.
Seule l’expérience
directe vous donnera une véritable confiance dans les enseignements.
141
Si nous considérons les
choses avec une réelle clarté et une réelle profondeur,
notre relation à ces
choses sera claire et simple.
Les situations se
présentent, agréables et désagréables,
on les observe et il n’y
a pas d’attachement.
Elles arrivent et puis
s’en vont.
Même si les pires
tendances se réveillent, telles l’avidité et la colère,
on a assez de sagesse pour
en voir la nature impermanente
et leur permettre de
s’effacer progressivement.
Par contre, si on réagit
en aimant ou en détestant,
ce n’est pas de la
sagesse.
On ne fait que créer
davantage de souffrance.
142
Quand on voit la vérité
des choses,
on devient quelqu’un qui
n’a plus besoin de trop penser
car la sagesse remplace la
pensée.
Si on n’a pas cette
claire vision, on a davantage de pensées que de sagesse
ou pas de sagesse du tout.
Beaucoup de pensées sans
sagesse, c’est beaucoup de souffrance.
143
De nos jours, les gens ne
recherchent pas la Vérité.
Ils étudient seulement
pour avoir assez de connaissances pour gagner leur vie,
nourrir leur famille et
prendre soin d’eux-mêmes. C’est tout.
Pour eux, être
intelligent est plus important qu’être sage.
---------------------------------------------------
La vertu
144
Veillez à bien suivre les
préceptes.
La vertu est un sentiment
de saine honte.
Quand on a des doutes sur
quelque chose, on n’agit pas, on ne dit rien.
Voilà ce qu’est la
vertu.
La pureté, c’est être
au-delà de tous les doutes.
145
Il y a deux niveaux de
pratique.
Le premier est une
fondation : le développement de la vertu, suivre les préceptes
pour apporter bonheur et
harmonie entre les gens.
Le second niveau est la
pratique du Dhamma avec, pour seul objectif, la libération du cœur.
Cette libération est
source de sagesse et de compassion,
elle est la véritable
raison de l’enseignement du Bouddha.
Comprendre ces deux
niveaux est la base d’une pratique juste.
146
Vertu et moralité sont le
père et la mère du Dhamma qui grandit en nous.
Elles nous apportent la
nourriture adéquate et nous guident.
147
La vertu est la base
nécessaire à un monde harmonieux
dans lequel les gens
peuvent vraiment vivre
comme des êtres humains
et non comme des animaux.
Développer la vertu est
au cœur de notre pratique.
Maintenez les préceptes,
cultivez la compassion et
respectez toutes les formes de vie.
Soyez attentifs à vos
paroles et à vos actions.
Utilisez la vertu pour
simplifier et purifier votre vie.
Quand la vertu est la base
de chacun de vos actes,
votre esprit devient bon,
clair et paisible.
Dans ce contexte, la
méditation s’épanouit aisément.
148
Veillez sur la vertu comme
un jardin veille sur ses plants.
Ne soyez pas attachés à
la différence entre grand et petit, important et trivial.
Certaines personnes
veulent des raccourcis.
Elles disent :
« Oublions la concentration, allons directement à la vision
pénétrante ! »
Ou bien : « Oublions
la vertu, commençons par la concentration ! »
Nous cherchons tant
d’excuses pour ne pas lâcher nos attachements …
149
L’effort juste et la
vertu ne relèvent pas de ce que nous faisons
mais d’une attention
intérieure soutenue
et d’une modération en
tout.
Ainsi, quand un don est
fait avec une intention louable,
il peut réjouir tant
celui qui le fait que celui qui le reçoit.
Mais, pour que ce don soit
pur,
il doit être enraciné
dans la vertu.
150
Le Bouddha a enseigné que
nous devons nous garder de ce qui est mal,
faire le bien et purifier
notre cœur.
Notre pratique consiste
donc à nous libérer de ce qui est mauvais et à conserver le bon.
Avez-vous encore quelque
chose de mauvais, de non juste dans votre cœur ?
Bien entendu !
Alors, pourquoi ne pas
faire le ménage chez vous ?
Mais la véritable
pratique ne se limite pas à retirer le mauvais et à cultiver le
bon.
Il faut finir par aller
au-delà du bon et du mauvais.
C’est là que se
trouvent la liberté qui inclut tout et l’absence de désir
d’où découlent, tout
naturellement,
l’amour et la sagesse.
151
C’est ici, exactement là
où nous sommes maintenant,
que nous devons commencer,
directement et simplement.
Quand les deux premières
étapes auront été franchies
— le développement de
la vertu et de la vision juste —
la troisième se produira
naturellement, sans effort :
les souillures qui
obscurcissent l’esprit disparaîtront.
Quand la lumière se fait,
on ne se préoccupe plus d’éliminer l’obscurité
et on ne se demande pas
non plus où elle a disparu.
On sait simplement que la
lumière est là.
152
Il y a trois niveaux à
l’observance des préceptes.
Le premier consiste à les
suivre comme des règles données par le maître pour nous former.
Le second apparaît quand
nous les suivons et y demeurons de notre propre gré.
Mais pour ceux qui ont
atteint le sommet, les Nobles Etres,
il n’est pas nécessaire
de parler de préceptes ni de bien et de mal.
Cette authentique vertu
naît de la sagesse
qui a, dans le cœur, la
connaissance des Quatre Nobles Vérités
et qui agit en
conséquence.
153
Certains quittent l’habit
de moine pour aller sur le front,
là où, chaque jour, des
balles sifflent aux oreilles des gens.
C’est ce qu’ils
préfèrent. Ils veulent vraiment partir au front.
Le danger les entourera de
toutes parts mais ils se disent prêts à y aller.
Pourquoi ne voient-ils pas
le danger ?
Ils sont prêts à mourir
d’une balle mais pas à mourir en développant la vertu.
N’est-ce pas vraiment
incroyable ?
154
L’un des disciples
d’Ajahn Chah souffrait d’un problème au genou
qui nécessitait une
intervention chirurgicale.
Les médecins lui avaient
assuré que son genou irait bien après quelques semaines
mais les mois passaient et
il ne guérissait toujours pas.
Quand il retourna auprès
d’Ajahn Chah, il dit d’un ton plaintif :
« Ils ont dit que ce
ne serait pas long. Cela ne devrait pas être ainsi. »
Ajahn Chah rit et dit :
« Si ça ne devait
pas être ainsi, ça ne serait pas ainsi. »
155
Si quelqu’un vous
donnait une belle banane bien jaune,
parfumée et douce à
souhait mais empoisonnée,
la mangeriez-vous ?
Bien sûr que non !
Pourtant, tout en sachant
que le désir est un poison,
nous nous empressons de
mordre dedans à pleines dents …
156
Observez de près ces
souillures qui obscurcissent votre esprit.
Familiarisez-vous avec
elles jusqu’à les connaître
comme vous connaissez le
poison du cobra.
Sachant qu’il peut vous
tuer, vous n’iriez pas toucher un cobra, n’est-ce pas ?
De la même manière,
voyez le mal inhérent aux choses néfastes
et voyez l’utilité des
choses utiles.
157
Nous sommes toujours
insatisfaits.
Si un fruit est doux, nous
trouvons qu’il manque d’acidité,
s'il est acide, nous
trouvons qu’il n’est pas assez doux.
158
S’il y a, dans votre
poche, quelque chose qui sent mauvais,
Cette mauvaise odeur vous
suivra où que vous alliez.
Alors, ne blâmez pas le
lieu !
159
Aujourd’hui, le
bouddhisme en Orient est comme un grand arbre majestueux
mais qui ne donne que des
fruits petits et sans saveur.
En Occident, le bouddhisme
est comme un petit arbre qui ne donne pas encore de fruits
mais, quand ils
pousseront, ces fruits seront gros et savoureux.
160
De nos jours, les gens
pensent trop.
Il y a trop de choses qui
sollicitent leur intérêt
mais aucune d’entre
elles ne peut pleinement les satisfaire.
161
Si vous prenez de l’alcool
et que vous le baptisez « parfum »
cela ne va pas le
transformer en parfum.
Pourtant, quand vous
voulez boire de l’alcool, vous dites que c’est du parfum
et vous vous empressez de
le boire.
Il faut vraiment être
fou !
162
Les gens passent leur
temps à regarder ce qui les entoure.
Par exemple, ils regardent
cette pièce et disent : « Oh ! Comme elle est
grande ! »
En réalité, elle n’est
pas grande du tout ; elle a simplement la taille qu’elle a.
Elle paraît grande à
certains et petite à d’autres, selon la perception de chacun.
Mais les gens passent leur
temps à courir derrière leurs impressions.
Ils sont tellement occupés
à regarder autour d’eux et à avoir des opinions sur tout
qu'ils n’ont même pas
le temps de regarder en eux.
163
Certaines personnes se
lassent de la pratique et deviennent paresseuses.
Elles sont incapables de
se rappeler le Dhamma, de le garder en esprit.
Par contre, si vous leur
faites une remontrance, elles ne l’oublieront jamais !
Certaines s’en
souviendront le reste de leur vie et ne vous pardonneront jamais.
Alors, pourquoi
oublie-t-on les enseignements du Bouddha
sur la modération et la
pratique consciencieuse ?
Pourquoi les gens ne les
prennent-ils pas à cœur ?
164
Penser que nous sommes
meilleurs que les autres n’est pas juste.
Penser que nous valons
autant que les autres n’est pas juste.
Penser que nous sommes
inférieurs aux autres n’est pas juste.
Si on se croit supérieur,
l’orgueil apparaît.
Si on se croit égal, on
manque du respect et de l’humilité voulus dans certaines
situations.
Si on se croit inférieur,
on se décourage et on accuse les circonstances extérieures.
Lâchez tout cela !
Lâchez tout !
165
Nous devons apprendre à
lâcher prise
et non lutter contre ce
qui se présente et résister à ce qui est.
Au lieu de cela, nous
faisons tout pour que les choses tournent comme nous le souhaitons.
Par tous les moyens, nous
essayons de détourner les situations, de traiter avec elles.
Si la maladie et la
douleur nous frappent, nous les refusons ;
alors nous allons réciter
différents sutta et en faire une cérémonie mystique,
ce qui aura pour résultat
de renforcer encore notre attachement
parce que nous les
récitons pour éloigner la maladie, pour prolonger la vie, etc.
Mais ce n’est pas pour
cela que le Bouddha nous a donné ces enseignements !
Il nous les a transmis
pour que nous soyons conscients de la véritable nature du corps,
pour que nous puissions
lâcher prise et abandonner nos désirs.
Si nous les récitons dans
un autre esprit, nous ne faisons qu’accroître notre ignorance.
166
Apprenez à connaître
votre corps, votre esprit et votre cœur.
Contentez-vous de peu.
Ne vous attachez pas aux
enseignements.
N’allez pas vous saisir
des émotions.
167
Il y a des gens qui ont
peur d’être généreux.
Ils croient qu’on risque
de les exploiter ou de les opprimer.
En développant la
générosité,
c’est l’avidité et
l’attachement que nous opprimons.
Cela permet à notre
véritable nature de s’exprimer,
de devenir plus légère
et plus libre.
168
Si vous prenez un charbon
ardent du foyer de votre voisin, il vous brûlera.
Si vous prenez un charbon
ardent de votre foyer, il vous brûlera aussi.
Alors ne prenez rien qui
risque de vous brûler,
rien et nulle part.
169
Les gens, au dehors,
disent parfois que nous sommes fous
de vivre ainsi dans la
forêt, assis comme des statues.
Mais comment vivent-ils,
eux ?
Ils rient, ils pleurent,
et sont tellement pris par l’avidité et la haine
Qu’ils en arrivent
parfois à se suicider ou à s’entretuer.
Alors, qui sont les fous ?
---------------------------------------------------
Anecdotes sur Ajahn Chah
170
Au lieu de simplement
donner des enseignements, Ajahn Chah formait les gens
en créant un
environnement général et des circonstances particulières
qui leur permettent
d’apprendre à se connaître.
Il disait des choses
comme :
« Dans tout ce que
j’enseigne, vous ne comprenez peut-être que quinze pour cent. »
Ou bien :
« Il est moine
depuis cinq ans, donc il comprend cinq pour cent. »
Ce jour-là, un jeune
moine répondit :
« Alors je dois
comprendre un pour cent car je suis ici depuis un an. »
« Non »,
répliqua Ajahn Chah. « Les quatre premières années ne
comptent pas.
C’est à la cinquième
année que l’on arrive à cinq pour cent ! »
171
On a demandé une fois à
un disciple d’Ajahn Chah s’il allait retourner un jour à la vie
laïque.
Il répondit qu’il n’en
savait rien.
Il n’avait pas prévu de
quitter l’habit mais il ne pouvait pas dire qu’il ne le ferait
jamais.
« Quand j’y
réfléchis, ces pensées n’ont aucun sens », dit-il.
Ajahn Chah intervint alors
en disant :
« Le fait qu’elles
n’aient aucun sens est le véritable Dhamma. »
172
Un jour quelqu’un
demanda à Ajahn Chah pourquoi il y avait tant de criminalité en
Thaïlande, un pays bouddhiste, et pourquoi l’Indochine traversait
tant d’épreuves.
Il répondit : « Ceux
qui commettent de tels actes ne sont pas des bouddhistes.
Ce n’est pas le
bouddhisme. Le Bouddha n’a jamais enseigné cela.
Ce sont les gens qui
agissent ainsi. »
173
Un jour, un visiteur a
demandé à Ajahn Chah s’il était « éveillé », un
Arahant.
Il répondit : « Je
suis comme un arbre dans la forêt.
Les oiseaux viennent sur
l’arbre, s’assoient sur ses branches et mangent ses fruits.
Pour les oiseaux, l’arbre
est peut-être doux ou amer.
L’arbre, lui, n’en
sait rien.
Les oiseaux disent qu’il
est doux ou qu’il est amer
mais du point de vue de
l’arbre, tout cela n’est que gazouillis d’oiseaux. »
174
Quelqu’un dit : « Je
peux observer le désir et l’aversion dans mon esprit
mais il est difficile
d’observer l’illusion. »
« Tu es assis sur un
cheval et tu te demandes où est le cheval »,
fut la réponse d’Ajahn
Chah.
175
A propos d’ex-moines qui
piétinent ensuite les enseignements du Bouddha,
Ajahn Chah dit :
« Ils n’ont pas appris à se connaître.
Ceux qui pratiquent
vraiment sont rares de nos jours
car il y a trop
d’obstacles à dépasser.
Mais si ce n’est pas
pour le bien, mieux vaut abandonner.
Et si on n’abandonne
pas, alors on doit faire en sorte que ce soit pour le bien. »
176
Propos d’Ajahn Chah sur
l’attirance entre hommes et femmes :
« Vous dites que
vous aimez votre fiancée à cent pour cent.
Eh bien, réfléchissez
bien à ce que son corps contient
et voyez quel pourcentage
vous aimerez encore. »
Ou bien :
« Si votre fiancée
vous manque tant que cela,
pourquoi ne pas lui
demander de vous envoyer un petit flacon de ses excréments ?
Ainsi, à chaque fois que
vous penserez à elle, vous pourrez ouvrir le flacon et le respirer.
C’est dégoûtant ?
Mais qu’est-ce donc que vous aimez ?
Qu’est-ce qui fait
battre votre cœur comme un tambour
à chaque fois qu’une
jolie silhouette passe ou que vous humez son parfum dans l’air ?
Qu’est-ce donc ?
Quelles sont ces forces ?
Elles vous tiraillent et
vous entraînent mais vous ne vous défendez pas trop, n’est-ce
pas ?
Il faudra en payer le prix
un jour ou l’autre, vous savez ! »
177
Un jour, Ajahn Chah trouva
une grosse et lourde branche tombée sur son chemin.
Il fit signe à un
disciple et lui dit de soulever une extrémité tandis que lui
soulèverait l’autre.
Quand ils l’eurent en
main, prêts à la jeter plus loin, Ajahn Chah dit : « Est-elle
lourde ? »
Après l’avoir jetée
dans la forêt, il demanda encore : « Et maintenant, est-elle
lourde ? »
C’est ainsi qu’il
enseignait à ses disciples à voir le Dhamma
dans tout ce qu’ils
disaient ou faisaient.
Ce jour-là, il avait
démontré le bienfait du lâcher-prise.
178
L’un des disciples
d’Ajahn Chah essayait de débrancher un magnétophone
quand il toucha
malencontreusement un fil électrique.
Il reçut une décharge de
courant et lâcha aussitôt le fil.
Ajahn Chah le remarqua et
lui dit :
« Oh ! Comment
se fait-il que tu aies lâché si facilement ? Qui te l’a
demandé ? »
179
C’était Noël et les
moines occidentaux avaient décidé de le fêter.
Ils invitèrent quelques
laïcs ainsi qu’Ajahn Chah à se joindre à eux.
Les laïcs étaient, pour
la plupart, mal à l’aise et perturbés :
pourquoi des bouddhistes
devaient-ils célébrer Noël ?
Ajahn Chah donna alors un
enseignement sur la religion et dit :
« Je crois
comprendre que le Christianisme enseigne aux gens à faire le bien
et à éviter le mal, tout
comme le bouddhisme. Alors, où est le problème ?
Si ce qui vous ennuie,
c’est de célébrer Noël, on peut aisément remédier à cela :
on ne dira pas « Noël »,
on dira « Boudd-noël ».
Toute pratique qui nous
encourage à voir la vérité et à agir correctement est bonne.
Après, vous pouvez lui
donner le nom que vous voulez. »
180
A l’époque où des
réfugiés du Laos ou du Cambodge se pressaient aux frontières de la
Thaïlande, les organismes humanitaires furent nombreux à accourir.
Certains moines
occidentaux ne trouvaient pas juste que des moines et des nonnes
bouddhistes restent assis à méditer dans la forêt, tandis que
d’autres organisations religieuses s’activaient à alléger la
souffrance des réfugiés.
Ils allèrent exprimer
leur sentiment à Ajahn Chah. Celui-ci répondit :
« Il est bon d’aider
dans les camps de réfugiés.
Il est même de notre
devoir d’êtres humains de nous entraider.
Mais le véritable remède
consiste à nous libérer de la folie humaine, de notre propre folie,
de façon à aider les
autres à en faire autant.
N’importe qui peut
distribuer des vêtements et planter des tentes
mais combien peuvent venir
dans la forêt et s’asseoir
jusqu’à connaître la
véritable nature de leur esprit ?
Tant que nous ne saurons
pas comment « vêtir » et « nourrir »
l’esprit des gens,
il y aura un problème de
réfugiés quelque part dans le monde. »
181
Ajahn Chah entendit un
jour l’un de ses disciples réciter le Soutra du Cœur.
A la fin, il dit :
« Pas de vide non plus … pas de bodhisatta. »
Puis il demanda :
« D’où vient ce sutta ? »
« On dit que ces
mots ont été prononcés par le Bouddha lui-même », répondit
le disciple.
« Pas de Bouddha »,
répliqua Ajahn Chah. Puis il dit :
« Ce texte parle
d’une profonde sagesse au-delà de toute convention.
Comment pourrions-nous
enseigner sans conventions ?
Il faut bien utiliser des
mots pour décrire les choses, non ? »
182
« Pour devenir un
Etre Noble, on doit subir de continuelles transformations
jusqu'à ce que seul le
corps demeure.
L’esprit change
complètement mais le corps existe toujours.
On ressent le chaud, le
froid, la douleur et la maladie comme avant, mais l’esprit a
changé : désormais il voit la naissance, le vieillissement, la
maladie et la mort
à la lumière de la
Vérité. »
183
Quelqu’un demanda un
jour à Ajahn Chah de parler de l’Eveil :
pouvait-il décrire son
propre Eveil ?
Tout le monde attendait sa
réponse impatiemment. Il dit :
« L’Eveil n’est
pas difficile à comprendre.
Prenez une banane et
mettez-la dans la bouche : vous saurez quel goût elle a !
Pour faire l’expérience
de l’Eveil, il faut pratiquer et persévérer dans la pratique.
S’il était si facile
d’être éveillé, tout le monde le serait.
J’ai commencé à
méditer au monastère quand j’avais huit ans
et je suis moine depuis
quarante ans.
Mais vous, vous voulez
méditer une nuit ou deux et arriver tout droit au nirvana.
Il ne s’agit pas de
simplement s’asseoir et — hop ! — vous y êtes, vous avez
tout compris !
Vous ne pouvez pas non
plus demander à quelqu’un
de vous souffler sur la
tête pour vous éveiller … »
184
Dans le monde, on fait les
choses pour obtenir quelque chose en retour.
Dans le bouddhisme, on
fait les choses sans idée de retour.
Mais si on ne veut rien du
tout, qu’obtient-on ?
On n’obtient rien du
tout !
Tout ce que l’on
pourrait obtenir serait cause de souffrance,
alors on pratique le
rien-obtenir.
Pacifiez votre esprit et
finissez-en avec tout.
185
Le Bouddha a recommandé
de lâcher les choses qui n’ont pas d’essence véritable.
Si vous lâchez tout, vous
verrez la Vérité. Sinon, vous ne la verrez pas. C’est ainsi.
Et quand la sagesse
s’éveillera en vous, vous verrez la Vérité où que vous
regardiez.
Tout ce que vous verrez
sera Vérité.
186
Quand le cœur et l’esprit
sont « vides »,
cela ne signifie pas
qu’ils soient vides comme s’ils ne contenaient rien.
Ils sont vides de tout mal
mais pleins de sagesse.
187
Les gens ne réfléchissent
pas à la vieillesse, à la maladie et à la mort.
Au contraire, ils se
complaisent à parler d’éviter le vieillissement, la maladie et la
mort,
de sorte qu’ils ne
développent jamais le juste sentiment
qui conduit à la pratique
du Dhamma.
188
Pour la plupart des gens,
le bonheur
c’est quand tout se
passe comme ils le souhaitent
et que le monde entier est
aimable avec eux.
Croyez-vous que ce soit
ainsi que l’on trouve le bonheur ?
Est-il possible que le
monde entier n’ait que des paroles aimables pour vous ?
Alors, quand
trouverez-vous le bonheur ?
189
Les arbres, les montagnes
et les vignes vivent tous en accord avec leur propre vérité.
Ils naissent et meurent
selon leur nature et ils restent impassibles.
Mais nous, les humains, ne
sommes pas ainsi. Nous faisons une histoire de tout.
Pourtant le corps suit sa
propre nature : il naît, grandit, vieillit et finit par mourir.
Il suit la nature de cette
manière.
Ceux qui souhaitent qu’il
en aille différemment souffriront. C’est tout.
190
N’allez pas croire qu’en
apprenant beaucoup de choses,
en emmagasinant des
connaissances,
vous connaîtrez le
Dhamma.
Ce serait comme dire que
vous avez vu tout ce qu’il y a à voir parce que vous avez des yeux
ou que vous avez entendu tout ce qu’il y a à entendre parce que
vous avez des oreilles.
Vous voyez mais vous ne
voyez pas complètement.
Vous ne voyez qu’avec
l’œil extérieur, pas avec l’œil intérieur.
Vous entendez avec
l’oreille extérieure, pas avec l’oreille intérieure.
191
Le Bouddha nous a appris à
abandonner toutes les formes du mal et à cultiver la vertu.
C’est la Voie juste.
En enseignant ainsi, c’est
comme s’il nous avait soulevés et placés au début du chemin.
Une fois sur la Voie, que
nous la suivions ou pas dépend de nous.
Le travail du Bouddha
s’arrête là.
Il nous montre la Voie, ce
qui est juste et ce qui ne l’est pas. C’est suffisant.
Le reste nous appartient.
192
Il faut que vous
compreniez le Dhamma par vous-même.
Cela implique que vous
pratiquiez par vous-même.
Vous ne pouvez vous
appuyer sur le maître que sur cinquante pour cent de la Voie.
L’enseignement que je
vous ai donné est complètement inutile en soi,
même s’il vaut la peine
d’être entendu.
Mais si vous vous y
attachiez comme à une croyance juste parce qu’il vient de moi,
vous n’en feriez pas bon
usage.
Il serait idiot de me
croire aveuglément.
Il est beaucoup plus
bénéfique
d’écouter
l’enseignement, d’en constater les bienfaits, de le mettre en
pratique
et de le redécouvrir par
vous-même.
193
Parfois, quand je méditais
en marchant et qu’une petite pluie commençait à tomber,
j'avais envie d’arrêter
et de me mettre à l’abri.
Et puis je pensais à
l’époque où je travaillais dans les rizières :
mon pantalon était encore
mouillé de la veille mais je devais l’enfiler
en me levant, avant
l’aube.
Ensuite je devais aller
chercher le buffle dans son enclos sous la maison.
Il y avait tellement de
boue, là-dedans !
J’attrapais la corde
pour le tirer et elle était couverte de bouse.
Et puis le buffle remuait
la queue et me couvrait encore un peu plus de bouse.
Les pieds douloureux de la
mycose qui les rongeait, j’avançais en me demandant :
« Pourquoi la vie
est-elle si dure ? »
Et là, je voulais
interrompre ma méditation à cause d’une petite pluie ?
En pensant à ce genre de
choses, je m’encourageais à poursuivre la pratique.
194
Je ne sais pas comment en
parler.
On dit qu’il y a des
choses qu’il faut développer
et des choses qu’il faut
abandonner.
Mais en réalité
il n’y a rien à
développer
rien à abandonner.
*
* *
Glossaire
Sauf mention
contraire, les mots ci-dessous sont en pāli.
Ajahn
(thaï) : enseignant.
Anagami
: « Celui qui ne reviendra plus » — troisième stade
d’Eveil avant le Nibbana.
Arahant
: « l’Etre Noble », un être humain « éveillé »,
libre de tous les concepts erronés, grâce à la réalisation du
Nibbana. Il est libre de toute réincarnation future.
Bodhisatta
: dans le bouddhisme Theravada, ce mot se réfère à un être
destiné à atteindre l’Eveil.
Dhamma :
l’enseignement du Bouddha. Egalement la vérité de la nature ou la
Vérité ultime.
Nibbana :
Quatrième et dernier stade de l’Eveil qui libère de toute
renaissance future.
Préceptes :
règles de conduite et de moralité recommandées par le Bouddha.
Quatre
Nobles Vérités : le premier enseignement du Bouddha dans
lequel il montre la vérité de la souffrance, sa cause, sa cessation
et la voie qui mène à cette cessation.
Sakadagami :
« Celui qui ne reviendra qu’une seule fois » — second
stade de l’Eveil.
Samsara :
le cycle sans fin de la naissance et de la mort.
Sotapanna :
« Celui qui entre dans le courant » — premier stade de
l’Eveil. Sept vies au maximum attendent celui qui est entré dans
le courant avant qu’il n’atteigne l’Eveil ultime.
Wat
(thaï) : monastère ou temple en Thaïlande.