Quand
l’un des invités s’est proposé pour laver la vaisselle à la
fin du repas, le maître lui a demandé : « Es-tu sûr de
savoir le faire ? »
L’autre
protesta avec emphase qu’il l’avait fait toute sa vie. Le maître
répondit :
« Je
ne doute pas que tu sois capable de laisser les assiettes propres. Ce
dont je doute, c’est que tu sois capable de les laver. »
Voici
l’explication qu’il donna plus tard à ses disciples :
« Il
y a deux manières de laver les assiettes. L’une consiste à les
laver pour les rendre propres. L’autre consiste à les laver pour
les laver. »
Et
comme ce n’était toujours pas très clair pour eux, il ajouta :
« La
première action est une action morte parce que l’esprit est fixé
sur l’idée de laisser les assiettes propres. La seconde est une
action vivante parce que l’esprit est là où se trouve le corps. »
– Que
faut-il faire pour atteindre l’Éveil ? demandèrent les
disciples
– Il
faut découvrir ce qui tombe dans l’eau sans produire d’ondes ;
ce qui se déplace entre les arbres sans faire de bruit ; ce qui
traverse un pré sans faire bouger le moindre brin d’herbe.
Après
avoir réfléchi pendant des semaines, les disciples se réunirent et
demandèrent au maître :
– Mais
quelle est cette chose ?
– Ce
n’est pas une chose.
– Alors,
ce n’est rien ?
– On
pourrait le décrire comme cela.
– Et
comment pouvons-nous le chercher ?
– Je
n’ai jamais dit qu’on pouvait le chercher. On peut le trouver
mais on ne peut pas le chercher. Si on le cherche, on ne le
trouve pas.
L’idée
que tout est parfait dans le monde était trop difficile à accepter
pour les disciples, de sorte que le maître essaya de l’expliquer
en concepts plus facilement intelligibles.
« La
nature a tissé une tapisserie parfaite avec les fils de notre vie,
en y incluant nos imperfections. Si nous ne sommes pas capables de le
voir, c’est parce que nous regardons l’autre côté de la
tapisserie. »
À
une autre occasion, il déclara, de manière plus succincte :
« Ce qui, pour certains, n’est rien qu’une pierre qui
brille, est un diamant pour le joaillier. »
Le
maître dit à l’homme d’affaires :
-
Comme le poisson meurt sur la rive, tu meurs quand tu t’impliques
dans le monde. Le poisson doit retourner dans l’eau et tu dois
retourner à la solitude.
L’homme
d’affaires était consterné :
-
Dois-je abandonner mes affaires et entrer dans un monastère ?
-
Non, non. Garde tes activités et entre dans ton cœur.
-
Comment pourrais-je obtenir la grâce de ne jamais juger autrui ?
-
Par la méditation.
-
Mais je médite tous les jours. Pourquoi ne l’ai-je pas encore
obtenue ?
-
Parce que tu ne médites pas là où il faut.
-
Où devrais-je méditer ?
-
Au cœur de Metta.
-
Et comment y arrive-t-on ?
-
En comprenant que lorsque quelqu’un agit mal, il ne sait pas ce
qu’il fait et il mérite d’être pardonné.
-
Comment puis-je atteindre la vie éternelle ?
-
La vie éternelle, c’est maintenant. Entre dans le présent.
-
Mais je suis dans le présent, non ?
-
Non.
-
Pourquoi dites-vous cela ?
-
Parce que tu n’as pas lâché ton passé.
-
Pourquoi devrais-je lâcher mon passé ? Il n’a pas été si
mal.
-
La passé doit être abandonné, pas parce qu’il a été mal mais
parce qu’il est mort.
-
Maître, aidez-moi ou je vais devenir fou ! Nous vivons tous
dans une seule pièce : ma femme, mes enfants et mes
beaux-parents. Nous sommes tous sur les nerfs, nous crions les uns
sur les autres. Cette maison est infernale.
-
Me promets-tu de faire absolument tout ce que je te dirai ?
demande le maître gravement.
-
Je vous le jure, je ferai n’importe quoi.
-
Très bien. Combien d’animaux as-tu ?
-
Une vache, une chèvre et six poules.
-
Fais-les entrer dans la maison avec vous et reviens me voir dans une
semaine.
Le
disciple était consterné mais il avait promis d’obéir. Alors il
fit entrer les animaux dans la seule pièce de la maison. Une semaine
plus tard, il revint voir le maître, l’aspect lamentable :
-
Je suis épuisé. La saleté ! La puanteur ! Le bruit !
Nous allons tous devenir fous.
-
Rentre chez toi, dit le maître, et remets les animaux dehors.
L’homme
rentra chez lui en courant.
Le
lendemain il retourna voir le maître, les yeux brillants de joie :
« Comme la vie est belle ! Les animaux sont dehors. La
maison est un paradis, si tranquille, si propre, si spacieuse ! »
Un
disciple s’endormit et rêva qu’il entrait au paradis. À sa
grande surprise, il trouva là le maître et ses disciples assis en
méditation.
-
Est-ce la récompense de tous nos efforts sur terre ?
s’écria-t-il déçu. C’est exactement la même chose que ce que
nous faisons là-bas !
Il
entendit alors une voix lui répondre :
-
Insensé ! Tu crois que ces méditants sont au paradis ?
C’est tout le contraire : c’est le paradis qui est en eux.
« Tu
es tellement fier de ton intelligence, dit le maître à l’un de
ses disciples. Tu es comme un condamné à mort qui est fier de la
grande taille de sa cellule. »
L’amoureux
repoussé dit : « Je me suis brûlé les doigts une fois.
Je ne retomberai plus jamais amoureux. »
Le
maître répond : « Tu es comme le chat qui s’est brûlé
en s’asseyant sur le poêle et qui refuse de s’assoir à
nouveau. »
À
une femme qui se plaignait de son destin, la maître dit :
-
C’est toi qui crées ton destin.
-
Mais je ne suis tout de même pas responsable d’être née femme ?
-
Être née femme n’est pas le destin. Le destin, c’est la façon
dont tu acceptes ta féminité et ce que tu en fais.
Tous
les jours le disciple posait la même question : « Comment
vais-je trouver l’éveil ? »
Et
tous les jours, il obtenait du maître la même réponse : « En
le souhaitant. »
-
Mais je le souhaite de tout mon cœur, alors pourquoi ne l’ai-je
pas trouvé ?
Un
jour, le maître se baignait dans la rivière avec ce disciple. Il
lui enfonça la tête sous l’eau et maintint ainsi un moment le
pauvre homme qui se débattait désespérément.
Le
lendemain, c’est le maître qui entama la conversation :
-
Pourquoi t’es-tu tellement débattu quand je te tenais la tête
sous l’eau ?
-
Parce que j’avais besoin d’air !
-
Quand tu auras besoin de l’éveil autant que tu avais besoin d’air,
tu le trouveras.
Un
serpent dans les champs avait mordu tant de villageois qu’ils
n’osaient plus sortir. Ils s’adressèrent au maître dont la
vertu était telle qu’il put enseigner au serpent la non-violence.
Il
ne fallut pas longtemps aux villageois pour découvrir que le serpent
était devenu inoffensif. Ils s’amusaient à lui jeter des pierres
et à le tirer par la queue.
Le
pauvre serpent se glissa un soir dans la maison du maître pour s’en
plaindre. Celui-ci répondit :
-
Mon ami, tu as cessé de faire peur aux gens, ce n’est pas bien.
-
Mais c’est vous qui m’avez appris à pratiquer la discipline de
la non-violence !
-
Je t’ai dit de ne pas faire de mal – pas d’arrêter de
siffler !
-
Pourquoi tout le monde ici est heureux et pas moi ?
-
Parce qu’ils ont appris à voir la bonté et la beauté partout,
répond le maître.
-
Pourquoi suis-je incapable de voir la bonté et la beauté partout ?
-
Parce qu’on ne peut pas voir à l’extérieur de soi ce qu’on ne
voit pas en soi.
À
un homme qui hésitait à se lancer dans la quête spirituelle par
crainte de l’effort et du renoncement, le maître dit :
« Combien
d’effort et de renoncement faut-il pour ouvrir les yeux et voir ? »