Le Dhamma de la Forêt |
Une fois que vous parvenez à lire votre esprit correctement, vous pouvez prendre conscience les poisons du mental et les éliminer : c’est la méditation de la vision pénétrante. L’esprit devient aussi affûté que la lame d’un rasoir ; c’est comme si vous disposiez d’un couteau tranchant capable de tout couper d’un coup sec. Même si les poisons se manifestent à nouveau, vous êtes en mesure de les extraire et de les trancher. En réalité, extraire ainsi les poisons de l’esprit est très amusant. Il n’y a rien de plus drôle que de subjuguer ce sentiment de « je » ou de « moi » parce qu’on a l’occasion de voir tous les tours qu’il est capable de jouer. C’est vraiment drôle. A chaque fois qu’il lève le bout de son nez pour obtenir quelque chose, vous vous contentez de l’observer pour voir ce qu’il veut et pourquoi il le veut, pour voir quels « droits » il revendique. Vous pouvez ainsi le confronter et remettre les choses à leur place.
Une fois que vous avez cette connaissance, il n’y a qu’une chose à faire : lâcher, dénouer tous les nœuds et se libérer. Imaginez comme cela peut être bon ! Cette pratique de la méditation est une manière de s’arrêter et d’entraver tous les problèmes possibles et imaginables. Quand les poisons mentaux apparaissent pour obtenir quelque chose, pour se saisir de quelque chose, nous ne jouons pas leur jeu. Nous les laissons passer. Agir simplement ainsi suffit pour en finir avec nombre de tensions et de souffrances, et les poisons mentaux en ressentent la brûlure.
En effet, quand nous réprimons aussi souvent les poisons mentaux, cela les rend brûlants et fiévreux, vous savez. Mais souvenez-vous : ce sont les poisons qui brûlent de fièvre, pas vous ! Et souvenez-vous que le Bouddha nous a dit de faire chauffer les poisons mentaux car, si on ne le fait pas, ce sont eux qui nous brûlent tout le temps.
Nous devons donc nous appliquer à faire brûler les poisons mentaux jusqu’au bout, même s’ils se plaignent de nos mauvais traitements. Nous fermons la porte et nous les emprisonnons. Quand ils ne peuvent aller nulle part, ils vont se plaindre à coup sûr : « Je n’en peux plus ! Je ne suis pas libre d’aller où je veux ! » Alors contentez-vous de les observer : où veulent-ils aller ? De quoi veulent-ils se saisir ? Où ? Observez-les avec attention et ils s’arrêteront; ils s’arrêteront d’aller et venir, de courir dans tous les sens. Il est facile de dire non à toutes sortes de choses mais dire non à nous-mêmes, dire non à nos poisons mentaux, n’est pas facile du tout. Pourtant, ce n’est pas non plus au-delà de notre discernement ni de nos possibilités. Si vous avez l’attention et le discernement voulus pour dire non à un poison de l’esprit, il s’arrêtera. Ne croyez pas que vous êtes incapable de l’arrêter. Vous en êtes capable. Le seul problème est que, jusque-là, vous avez été assez fou pour lui céder tellement vite que c’est devenu comme une seconde nature.
Nous devons donc nous arrêter. Une fois que nous nous sommes arrêtés, les poisons mentaux peuvent aussi s’arrêter. Où qu’ils réapparaissent, nous savons les éliminer. Dans ce cas, comment pourrions-nous ne pas vouloir pratiquer la méditation ? Aussi tenaces que soient les désirs des poisons, observez-les simplement. Apprenez à les connaître et ils ne resteront pas ; ils se disperseront. Dès qu’ils se dispersent, vous réalisez précisément à quel point ils sont trompeurs. Avant, vous ne le saviez pas ; dès qu’ils vous poussaient à faire quelque chose, vous les suiviez. Mais, une fois que votre sagesse a appris à connaître leur véritable nature, ils s’arrêtent. Ils se dispersent. Et ce n’est même pas vous qui les chassez ; ils partent d’eux-mêmes. Dès que vous les voyez disparaître, la voie s’ouvre toute grande devant vous. Tout s’ouvre tout grand dans le cœur. Vous voyez qu’il y a un moyen qui vous permet de dépasser les poisons mentaux, de mettre un terme à leur domination sur votre esprit, même s’ils réapparaissent encore souvent. Mais vous ne devez pas oublier d’être toujours prêt à les voir apparaître et prêt à les lâcher.
Par conséquent, je vous demande de faire l’effort de continuer à affûter vos outils à tout moment. Quand votre discernement est tranchant sur tous les points, il peut lâcher n’importe quel point et le déraciner. Si vous veillez à maintenir cet état d’esprit et que vous comprenez comment rester vigilant, vous serez capable d’empêcher vos outils de s’émousser trop facilement.
Et maintenant que vous connaissez les principes de base, je vous demande de faire cet effort au maximum de vos forces et de votre attention. Puissiez-vous être courageux et endurant pour que votre pratique, qui vise à la libération de toute insatisfaction et de toute souffrance, puisse récolter les bons fruits de toutes les manières possibles.