Le Dhamma de la Forêt |
Les Udana font partie du canon pali, les écritures sur lesquelles se fonde le bouddhisme theravada. On les trouve dans le troisième livre du Khuddaka Nikaya, qui fait partie du Sutta Pitaka, « La corbeille des discours du Bouddha ».
Ce texte en huit parties est un recueil de quatre-vingts sutta qui se
présentent comme des anecdotes de la vie quotidienne du Bouddha, des
rencontres avec des rois ou des villageois, des femmes résolues ou
accablées, des enfants, des chercheurs spirituels ou encore des dévas.
Chacune de ces histoires se termine par un bref verset, une exclamation
inspirée par les circonstances, où le Bouddha exprime l’essence de tous
ses enseignements intemporels.
Cette collection de récits inclut des histoires célèbres, comme celle
des aveugles tentant de décrire un éléphant ; des instructions qui ont
mené un chercheur directement à l’Éveil, comme ce fut le cas pour
Bahiya ; mais aussi des moments cruciaux de la vie du Bouddha, comme
son Éveil ou les circonstances qui ont entouré la fin de sa vie.
On notera que toutes ces histoires commencent par les mots : « Ainsi
ai-je entendu. » En effet, la plupart des récits relatifs au Bouddha
nous viennent de son cousin et assistant Ananda dont la mémoire était
extraordinaire. Lors du concile qui a suivi la mort du Bouddha, il lui
a été demandé de relater tous les événements de la vie du Bouddha qui
allaient être recueillis dans le canon pali sous le nom de sutta (les
discours), et qui contiennent l’essentiel des enseignements du Bouddha.
Situations et personnages rencontrés dans les Udana
* Les brahmanes
Le mot « brahmane » revient comme un leitmotiv dans la première partie des Udana. Dans le système social qui régnait à l’époque du Bouddha, les brahmanes étaient les membres de la première des quatre grandes castes. Ils étaient censés enseigner la doctrine des Védas et la faire respecter par tous afin de maintenir le bon ordre cosmique. Leurs pratiques incluaient des sacrifices d’animaux, la purification par des bains dans le Gange, et autres rites particuliers. Mais le Bouddha a renversé ces croyances. Pour lui, un « véritable brahmane » n’est pas un « arrogant » (1:4) qui se croit supérieur du fait de sa naissance mais « un brahmane par la sagesse » ou encore, comme exprimé à la fin du sutta 1:9 :
Le système des castes est renversé ; seule l’intégrité morale compte.
De fait, la communauté des moines du Bouddha comptait des personnes de
toutes castes, y compris des « intouchables », des lépreux ou des
bandits réformés.
* Les laïcs et leurs offrandes
Une phrase réitérée dans les sutta est : « Au petit matin, il ajusta sa robe de moine et, portant son bol à aumônes et son habit sur le bras, il entra dans la ville pour quémander sa nourriture. »
Dans les Udana, il arrive souvent aussi que des laïcs proposent au Bouddha et à ses moines de venir prendre un repas chez eux : « Vénérable, veuillez accepter de ma part le repas de demain pour vous et la communauté des moines. »
Ces comportements sont dus à l’une des premières règles instaurées par le Bouddha pour sa communauté : les moines doivent quémander leur nourriture. Il y a deux raisons pour cela : d’abord, les monastiques peuvent ainsi se libérer des « activités du monde » consistant à gagner de l’argent pour acheter et préparer leur propre nourriture ; ensuite, cet usage implique une interaction entre eux et les laïcs, ce qui leur donne l’occasion de transmettre les enseignements du Bouddha, dont le but est de libérer tout un chacun de la souffrance.
À cela s’ajoute le fait qu’il est considéré comme « méritoire » de faire une offrande à des êtres spirituellement avancés. De fait, plus ils sont avancés, plus le mérite ou « bon karma » est grand, ce qui explique le comportement de Sakka, roi des dévas, prêt à tromper le grand ascète Maha Kassapa pour avoir l’occasion de lui faire une offrande (3:7).
* La coutume des trois demandes
Nous retrouvons souvent dans les sutta une situation où une personne demande quelque chose qui semble difficile à obtenir mais, après la troisième demande, l’autre personne finit par accéder à son désir : « Cette fois, Maha Kaccayana accepta de donner l’ordination à Sona » (5:6).
L’origine de cette coutume semble venir du Bouddha lui-même qui, dit-on, n’opposait jamais plus de deux refus. Dans les Udana, nous en avons un exemple : « Meghiya, puisque tu parles de méditation, que puis-je dire ? Fais ce que tu crois bon de faire » (4:1).
* Dévas et sphères célestes
Il est fréquent, dans les écritures bouddhiques, de voir des références à des êtres lumineux appelés « dévas », censés vivre heureux dans des sphères célestes mais souhaitant encore ardemment trouver l’Éveil ; des références aussi à Mara, le tentateur, qui incarne les forces du mal et même la mort. Dans les Udana nous rencontrons également un naga, dragon bienveillant ; des yakkhas, esprits de la forêt souvent malicieux, voire agressifs, comme c’est le cas ici ; et d’autres créatures vivant dans les airs ou dans les mers.
Nous verrons aussi les moines demander au Bouddha, après la mort d’une personne ayant atteint un certain degré d’Éveil : « Où s’en est-il allé ? Dans quelle sphère va-t-il renaître ? »
Si notre culture occidentale nous empêche de croire en l’existence de tels êtres vivants dans des univers parallèles, nous pouvons les considérer simplement comme des états d’esprit : bienveillance, agressivité, tendances sous-jacentes à la négativité, etc. À nous de faire la transposition adéquate.
* Les événements extraordinaires
Même si le mot « miracle » n’intervient pas dans les sutta, il arrive que des situations extraordinaires se produisent autour du Bouddha. Chaque fois, la personne qui en est le témoin s’émerveille ainsi : « C’est incroyable, Vénérable, c’est extraordinaire ! L’Éveillé a une force et un pouvoir si grands ! »
D’autres fois, il est fait mention de la clairvoyance et de l’omniscience du Bouddha selon ces termes : « Avec une clairvoyance purifiée au-delà de la vision humaine, le Bouddha vit comment… »
Qui d’entre nous peut savoir de quoi un Éveillé est capable ?
Enseignements contenus dans les Udana
Le rôle des Udana, dans le contexte du canon pali, est de mettre
l’accent sur toutes les valeurs qui sous-tendent les enseignements du
Bouddha, à travers des situations de la vie quotidienne tout à fait
intemporelles.
Par ailleurs, comme ce texte reprend quelques grands événements de la vie du Bouddha – notamment son Éveil, avec toutes les révélations qui l’ont accompagné –, il reflète aussi des enseignements fondamentaux comme l’origine conditionnée et interdépendante de tous les phénomènes, des instructions de méditation, et même la nature du nibbana.
C’est donc pour nous l’occasion d’approfondir notre compréhension des concepts bouddhistes les plus importants en écoutant directement les paroles du Bouddha : développer la vertu et la maîtrise des sens ; développer la méditation, aussi bien la concentration que la contemplation profonde de la réalité telle qu’elle est ; et développer la sagesse qui consiste à écouter et à comprendre les enseignements reçus, mais aussi et surtout à les mettre en pratique.
Une dernière remarque : Le titre des huit grandes parties du texte est
le plus souvent celui d’un des sutta qu’elles contiennent. Quant aux
sutta eux-mêmes, ils ont généralement pour titre un simple nom propre
ou quelques mots qui ne décrivent pas toujours clairement leur contenu.
C’est pourquoi, dans la table des matières, nous leur avons ajouté une
courte phrase en sous-titre qui permettra au lecteur de retrouver plus
aisément l’histoire qu’il recherche.
Pour finir, je souhaite dire un grand MERCI à mon amie Charlotte Arni
pour sa relecture, et aux éditions Sully pour avoir souhaité publier ce
recueil inspiré et inspirant. Puisse sa lecture nous enrichir tous !
Jeanne Schut