Le
principe de
« l’origine conditionnée des
phénomènes » a été
interprété de
plusieurs façons que nous pouvons globalement formuler
ainsi :
1. En tant que démonstration de
l’évolution de la vie ou du monde, basée sur une définition littérale
d’expressions comme lokasamudaya
(l’apparition du monde).
2. En tant que démonstration de
l’apparition et de la cessation de la vie individuelle ou de la souffrance
individuelle.
Cette seconde
interprétation peut encore se subdiviser en deux catégories :
2.1. Démonstration du processus sur une très
longue période de temps, d’une existence à l’autre. Il s’agit là de
l’interprétation la plus littérale qui est aussi celle que l’on retrouve le
plus souvent dans les commentaires des Ecritures. Elle est expliquée jusque
dans ses moindres détails, au point que le lecteur non averti risque de se
perdre dans la pléthore de termes techniques employés.
2.2. Démonstration du processus dans ses manifestations au quotidien. Bien que liée
à 2.1, cette interprétation donne une définition plus profonde et plus concrète
des termes. Elle met l’accent sur l’instant présent, lequel est considéré comme
le véritable objectif de cet enseignement. Cette interprétation est confirmée
par les enseignements donnés dans de nombreux sutta ainsi que par certains passages de l’Abhidhamma Pitaka qui décrivent tout le processus de
l’interdépendance comme se déroulant dans l’instant même, à la vitesse de
l'éclair.
Dans la première interprétation
mentionnée ci-dessus, le principe d’interdépendance est présenté comme une
théorie sur l’origine du monde dont l’ignorance (avijjā) serait la cause première
puis on retrace l’évolution à travers chacun des douze maillons de la chaîne.
Ce type d’interprétation rend le bouddhisme très semblable à d'autres religions
et philosophies qui ont pour postulat un principe créateur ou Dieu. Les
interprétations ne diffèreraient que dans la mesure où ces religions et
philosophies décrivent la naissance et l’existence du monde comme l’œuvre d’une
force surnaturelle, tandis que le bouddhisme — selon cette interprétation —
expliquerait les choses comme une simple forme d’évolution procédant des lois
naturelles de cause à effet.
Cependant cette interprétation
contredit tout à fait les enseignements du Bouddha. Tout enseignement ou école
de pensée qui décrit le monde comme le produit d’une « cause
première » est contraire au principe d’interdépendance. En effet celui-ci
dit clairement que tout est lié et en perpétuelle co-création sous l’influence
des causes et des conditions. Toute cause première, qu’il s’agisse d’un dieu
créateur ou autre, est donc impossible. On ne peut interpréter la loi
d’interdépendance comme la description de l’évolution de la vie ou du monde que
si l’on présente une image de l’univers fonctionnant selon les processus naturels
de croissance et de dégénérescence, et se déployant sans cesse sous l’influence
de causes et d’effets.
Pour évaluer la plausibilité de
ces interprétations, nous devons garder à l’esprit l’objectif du Bouddha quand
il a enseigné la loi d’inter-dépendance. En fait, tous ses enseignements
avaient pour unique but de proposer des moyens de faire face aux problèmes de
la vie de manière très concrète. Il n’a jamais encouragé les spéculations, les
débats ou l’analyse de problèmes métaphysiques. C’est pourquoi toute
authentification de l’interprétation d’un enseignement bouddhiste doit inclure
une évaluation en termes de principes éthiques.
Or définir la loi
d’interdépendance comme un processus d’évolution sans commencement ni fin, même
si cela peut sembler correct, ne présente que peu de valeur éthique. Voici ce
que l’on pourrait en retirer sur ce plan :
1)
Une
vue plus vaste du monde : en effet, celui-ci procède du flux de causes et
d’effets et il est lié aux conditions de processus naturels. Il n’y a pas de
créateur et le monde n’est pas non plus le résultat d’une série d’accidents dus
au hasard. L’homme ne peut réaliser ses buts en se contentant de faire des
souhaits ou de supplier les dieux ou la chance ; il y parvient en
s’appuyant sur ses propres efforts, lesquels se basent sur une compréhension
des causes et des conditions qui l’entourent.
2)
On
ne peut créer les causes justes pour obtenir ce que l’on souhaite que si l’on a
bien compris ces causes et la façon dont elles sont liées à leurs résultats
respectifs. Ceci nécessite une compréhension profonde (pañña) capable de discerner ces complexités. L’action et la
relation à la vie doivent donc être guidées par la sagesse.
3)
Comprendre
que le processus naturel est soumis au continuum des causes et des effets peut
permettre de diminuer l’illusion du soi qui est à l’origine de l’attachement et
de l’identification aux choses. Une telle perspective rend possible une
relation plus saine et plus libre avec les choses telles qu’elles sont
véritablement.
Interpréter le principe
d’interdépendance comme une théorie de l’évolution du monde reste tout de même
assez superficiel. Bien qu’en accord avec les enseignements du Bouddha, il
manque à cette interprétation une analyse profonde et détaillée, d’instant en
instant, des composants physiques et mentaux. Elle n’est ni assez puissante ni
assez claire pour véritablement engendrer les trois résultats mentionnés plus
haut, en particulier le troisième. Pour approfondir davantage la vérité, il
faut examiner plus en détail comment se déroulent les événements naturels sur
un plan personnel et percevoir clairement la réalité de ce processus quand il
se produit dans notre vie, ne serait-ce que très brièvement. Une conscience
aussi claire donnera certainement une meilleure occasion, aux trois avantages
mentionnés plus haut, de se manifester. D’ailleurs, il est à noter que
l'interprétation sur un plan plus immédiat n’empêche pas que le processus soit
également interprété sur le long terme.
Toute explication du principe
d’interdépendance en tant que théorie d’évolution du monde, au sens premier
comme au sens plus subtil, manquera de profondeur. La seconde interprétation
qui concerne la vie personnelle et en particulier le processus de perpétuation
de la souffrance individuelle, est beaucoup plus profonde.
Parmi les descriptions du cycle
des éléments interdépendants en tant que processus personnel, l’interprétation
(présentée en 2.1) qui recouvre plusieurs existences est celle qui est la plus
acceptée et développée dans les Commentaires. On l’y traite en détail, on
l’élabore, on la systématise et on l’illustre. Malheureusement cette
systématisation est assez rigide et rend les choses assez obscures pour les néophytes.
Nous lui consacrerons ici tout un chapitre, lequel sera suivi de
l’interprétation — partiellement reliée — qui donne l’interdépendance pour un
processus survenant à la vitesse de la pensée (version 2.2).
La signification
essentielle
En essence, le principe
d’interdépendance est une description du processus d’apparition et de cessation
de la souffrance. Le mot « souffrance » (dukkha) est un terme très important dans le bouddhisme. Il apparaît
dans tous les enseignements fondamentaux comme les Trois Caractéristiques (tilakkhana) et les Quatre Nobles Vérités
(ariyasacca). Pour mieux comprendre
le principe d’inter-dépendance, il est essentiel de commencer par une
définition du mot dukkha.
Dans l’enseignement du Bouddha, ce
terme a un sens beaucoup plus large que l’équivalent français
« souffrance ». Il faut donc écarter une interprétation étroite et
considérer le mot à la lumière de la vaste portée des paroles du Bouddha. Dans
ses discours apparaissent trois types de souffrance. Nous les énumérons ci-dessous,
ainsi que les explications données dans les Commentaires :
1. Dukkha-dukkhatā : C'est la souffrance en
tant que sensation ou sentiment. Cela inclut à la fois la souffrance physique
comme les maux ou la douleur, et la souffrance mentale comme la tristesse, par
exemple. Ce sens est donc proche de celui que l’on donne généralement au mot
français « souffrance ». Il correspond au terme pāli dukkhavedanā : sentiment ou
sensation qui apparaît d’ordinaire quand on vit quelque chose de désagréable.
2. Viparināma-dukkhatā : C'est la souffrance liée à
l’impermanence, la souffrance inhérente au fait que le bonheur ne dure pas.
Elle est causée par les changements qui surviennent dans notre bonheur ou qui y
mettent fin. Imaginez, par exemple, que vous travailliez dehors au soleil sans
que la chaleur vous dérange car vous y êtes habitué, puis vous entrez dans une
pièce où l’air est conditionné ; la fraîcheur vous sera agréable mais cette
sensation se transformera en réaction désagréable quand vous retournerez au
soleil car, cette fois, la chaleur vous paraîtra insupportable. La sensation de
chaleur qui était neutre au départ devient inconfortable à cause de l’agréable
fraîcheur de l’air conditionné. Le côté agréable de l’un donne un aspect
désagréable à l’autre. C’est presque comme si la souffrance était toujours
présente à l’état latent et ne se révélait qu’avec la disparition du plaisir.
Plus la sensation agréable est intense, plus la souffrance qui s’ensuit sera
intense ; la souffrance semble se propager proportionnellement à l’intensité de
la sensation agréable. Si la sensation agréable n’était pas apparue, la
souffrance qui y est liée ne serait pas apparue non plus. Si la sensation
agréable est accompagnée d’une conscience de sa nature éphémère, elle est
assombrie par la peur, l’inquiétude et l’incertitude. Quand la sensation
agréable finit par disparaître, elle est suivie de nostalgie :
« J’étais si heureux avant, maintenant c’est fini ».
3. Sankhāra-dukkhatā : C'est la souffrance
inhérente à tous les sankhāra, à tout
ce qui naît d’une cause et, en particulier, aux cinq khandha. Ceci fait référence au fait que tout ce qui est
conditionné est sujet aux forces contraires de l’apparition et de la disparition ;
rien n’est parfait en soi ; les choses n’existent qu’en tant qu’éléments
du continuum de causes et d’effets. C’est pourquoi elles risquent de causer de
la souffrance (un sentiment ou une sensation de souffrance ou dukkha-dukkhatā) à chaque fois qu’il y
aura désir et attachement irrépressibles du fait de l’ignorance (avijjā-tanhā-upādāna).
Le type de souffrance le
plus grave est le troisième. Il décrit la nature inhérente à toutes les
conditions, qu’elles soient physiques ou mentales. Sankhāra-dukkhatā, bien que lié à des circonstances naturelles, prend une signification psychologique
quand on prend conscience que les phénomènes conditionnés ne peuvent apporter
aucune satisfaction parfaite et que, de ce fait, ils causeront de la souffrance
à quiconque tentera de s’en saisir.
Le principe de l’origine
conditionnée montre comment tous les phénomènes sont interdépendants et liés
entre eux sous forme d’un continuum. En tant que continuum, on peut les
analyser à partir de différents points de vue.
D’une part, tout est lié
et interdépendant ; tout existe en relation avec autre chose ; tout
phénomène est causé par des facteurs déterminants ; rien ne dure, pas même
un instant ; rien n’a d’existence intrinsèque ; rien n’a de cause
première ou genèse.
En d’autres termes, le
fait que tout apparaisse sous diverses formes d'évolution et de déclin, indique
que la véritable nature des choses est d’être un continuum ou un processus. En
tant que continuum, elles sont nécessairement issues de nombreuses causes. La
forme d’un continuum apparaît parce que les différentes causes sont liées. Le continuum
évolue et change de forme parce que les différents facteurs qui le composent ne
peuvent pas durer, pas même un instant. Les choses ne peuvent pas durer le
moindre instant parce qu’elles n’ont pas d’existence intrinsèque. Comme elles
n’ont pas d’existence intrinsèque, elles dépendent entièrement de leurs causes.
Puisque les causes sont liées entre elles et interdépendantes, elles
maintiennent la forme d’un continuum et le fait qu’elles soient ainsi liées et
interdépendantes indique qu’elles n’ont pas de cause première.
Ceci peut aussi être
exprimé sur un mode négatif : si les choses avaient la moindre existence
intrinsèque, elles possèderaient une certaine stabilité ; si elles
pouvaient rester stables, ne serait-ce qu’un instant, elles ne pourraient pas
être véritablement reliées entre elles ; si elles n’étaient pas reliées
entre elles, elles ne pourraient pas former un continuum ; s’il n’y avait
pas de continuum de causes et d’effets, la nature ne pourrait pas
fonctionner ; et s’il y avait un soi intrinsèque réel à l’intérieur de ce
continuum, il ne pourrait pas y avoir de véritable processus d’enchaînement
interdépendant de causes et d’effets. En conséquence, le continuum de causes et
d’effets qui permet aux phénomènes d’exister comme ils le font ne peut
fonctionner que parce que ces phénomènes sont impermanents, éphémères,
apparaissant et disparaissant sans arrêt, et qu’ils ne sont dotés d’aucune
existence propre.
Le fait d’être
impermanent, éphémère, apparaissant et disparaissant sans arrêt s’appelle aniccatā. Le fait d’être soumis à la
naissance et à la dissolution, d’être inévitablement sujet à la tension et au
conflit et d’être intrinsèquement imparfait s’appelle dukkhatā. Le fait que tout véritable soi soit vacuité s’appelle anattatā. Le principe de l’origine
conditionnée des phénomènes illustre la présence de ces trois attributs en
tout, et montre comment l’interaction et l’interdépendance de toute chose
produit les différents événements de la nature.
Le fonctionnement du
principe d’interdépendance s’applique à tous les domaines physiques et mentaux,
et s’exprime à travers un certain nombre de lois naturelles :
Dhammaniyāma : la loi naturelle des causes et des effets.
Utuniyāma : la loi naturelle qui s’applique aux objets
physiques (lois physiques).
Bījaniyāma : la loi naturelle qui s’applique aux êtres
vivants et à l’hérédité (lois biologiques).
Cittaniyāma : la loi naturelle qui gouverne le
fonctionnement du mental (lois psychologiques ou psychiques).
Kammaniyāma : la loi du kamma, particulièrement importante parce
qu’elle détermine le bien-être des humains et qu’elle est directement
reliée au comportement dans une perspective éthique.
Il est intéressant de
remarquer que le kamma, comme toutes les autres relations de cause à effet, ne
peut opérer que parce que les choses sont impermanentes (anicca) et sans existence intrinsèque (anattā). Si les choses étaient permanentes et dotées d’une
existence propre, aucune des lois naturelles, pas même celle du kamma, ne
pourrait entrer en action. De plus, ces lois confirment la vérité selon
laquelle il n’y a pas de cause première ou genèse.
Les choses n’ont pas
d’existence intrinsèque parce qu’elles naissent d’une cause et sont liées les
unes aux autres. En voici une simple illustration : l’objet que nous
appelons un « lit » se compose de nombreux éléments qui,
assemblés, lui donnent l’apparence que nous lui connaissons. Il n’existe pas de
« lit » en dehors de ces composants. Si tous les composants sont
séparés, il ne reste aucun « lit ». Il ne reste que le concept de
lit. En réalité, ce concept lui-même n’existe pas de manière
indépendante : il est nécessairement lié à d’autres concepts comme dormir,
surface plane, base, espace vide, etc.
Les concepts apparaissent
dans l’esprit du fait de l’association de relations. Une fois qu’un ensemble de
relations a formé un concept dans l’esprit, les gens ont tendance à s’y
accrocher sous l’emprise du désir (tanhā)
et de l’attachement (upādāna), comme
s’il avait une existence absolue. Cet attachement isole le concept de sa
relation avec le reste et entache la perception de notions de « moi »
et de « mien » qui conduisent à l’identification et empêchent toute
compréhension véritable.
Les choses n’ont pas de
cause première unique. Si l’on remonte la chaîne de
causalité à l’infini, on ne
trouvera de cause originelle à rien mais les êtres humains
ont tendance à
chercher un commencement aux choses. Cette façon de penser
est en
contradiction avec le fonctionnement de la nature et engendre une
façon de voir
qui va à l’encontre de la vérité.
C’est une façon de se tromper soi-même due à
l’habitude qu’ont les humains d’arrêter toute
recherche des causes dès que la
première apparaît. Ainsi la façon habituelle de
comprendre la relation de cause
à effet impliquant l’existence d’une cause
première est inexacte et contraire
aux lois de la nature. C’est pourquoi il est nécessaire de
rechercher plus loin
en arrière et de se poser la question : « Quelle
est la cause de
cette soi-disant ‘cause originelle’ ? » et
continuer ainsi à remonter
la chaîne des causes — mais on n’en trouverait pas.
Mieux vaudrait poser la
question ainsi : « Pourquoi les choses devraient-elles
avoir une
cause première ? »
Une autre forme de raisonnement,
qui contredit la nature et qui est liée à l’idée d’une cause première, consiste
à croire qu’au début il n’y avait rien. Cette idée vient de l’attachement à la
notion de soi (attā), laquelle
provient elle-même de l’attachement aux concepts. A partir de là, on déduit que rien n’existait
avant mais qu’ensuite ce rien s’est étendu. Ce type de raisonnement erroné est
dû à la tendance humaine à se saisir d’idées et à ignorer la véritable
nature des concepts, ce qui revient à dire : ne pas connaître les choses
telles qu’elles sont. C’est ainsi que l’on en vient à rechercher quelque chose
d’éternel, une cause première, un mouvement originel, un créateur de toutes
choses ... Mais cela donne encore naissance à de nombreuses contradictions
comme, par exemple : « Comment ce qui est éternel peut-il créer
quelque chose de non éternel ? » En réalité, dans le flot mouvant des
causes et des effets, il n’est pas nécessaire de prendre position pour ou
contre l’existence de quoi que ce soit de statique, ni « au commencement »
ni en cet instant — sauf dans le monde spécifique des concepts parlés. Nous
aurions plutôt intérêt à reconsidérer la question : « Pourquoi l’existence
doit-elle être précédée de la non-existence ? »
La croyance généralisée
selon laquelle tout aurait un créateur est encore une de ces
idées qui vont à
l’encontre de la réalité. Elle est le fruit
d’une déduction basée sur
l’observation de la capacité de l’homme à
créer, à fabriquer des objets de
toutes sortes, comme les arts, etc. On en déduit que, en
conséquence, tout au
monde doit avoir un créateur. Dans ce cas, nous commettons
l’erreur d’isoler le
concept de « création » ou de
« construction » du continuum
normal des causes et des effets, de sorte que notre prémisse
fondamentale est
erronée. En réalité, le fait de créer
n’est qu’un maillon de la chaîne
d’interdépendance. Le fait même de pouvoir
créer est lié à notre capacité à
devenir des facteurs dans le processus de relations qui aboutira au
résultat
désiré. Nous ne différons des facteurs purement
physiques concernés que dans la
mesure où, dans notre cas, certains éléments
mentaux — dont l’intention — sont
également présents. Néanmoins ces facteurs font
partie d’un ensemble et sont
soumis au même processus de cause à effet. Par exemple, si
nous voulons
construire un gratte-ciel, il faut que nous fassions partie du flot des
facteurs déterminants et que nous en manipulions d’autres
tout au long du
processus d’accomplissement. Si la simple pensée de
créer suffisait à faire
surgir les choses indépendamment d’un processus de cause
à effet, nous
pourrions construire des gratte-ciel n’importe où,
simplement en y pensant — ce
qui est impossible. Le mot « création » ne
signifie donc rien de plus
que la description d’une partie d’un processus. Enfin,
lorsque les choses se
déroulent sans heurts, selon l’enchaînement des
causes et des effets, la
question d’un créateur ne se pose même plus.
Quoi qu’il en soit,
rechercher des preuves de l’existence d’une cause première, d’un dieu créateur
ou autre, ne présente que peu d’intérêt dans l’optique bouddhiste car ce n’est
pas considéré comme essentiel pour pouvoir mener une vie pleine de sens. Même
si réfléchir à ce propos peut apporter une vue plus vaste du monde, comme nous
l’avons dit plus haut, nous pouvons nous en dispenser. En effet, la valeur de
l’enseignement de l’interdépendance en termes de plénitude de vie offre déjà
tous les avantages désirés. Nous devrions donc diriger davantage notre
attention dans cette direction.