Le Dhamma de la Forêt


Les poisons du mental

P.A. PAYUTTO

(Phra Dhammapitaka)

 

Traduction française de Jeanne Schut
http://www.dhammadelaforet.org/

 

Extrait de « La Loi d’Interdépendance, de l’origine conditionnée de tous les phénomèmes » (Dependent Origination – The Buddhist Law of Conditionality)

 
Normalement, pour l’être non éveillé, toute expérience vécue est interprétée et évaluée à partir de préjugés ou de tendances selon :

1.    l’importance que l’on accorde aux cinq sortes d’objets perçus par les sens (āma : choses vues, entendues, senties, goûtées et sensations corporelles) ;

2.
    l’importance que l’on accorde à l’existence et à la préservation du « moi », ce à quoi il s’identifie, et les situations qu’il souhaite (bhava) ;

3.
    les opinions, croyances et façons de penser (ditthi) ;

4.    l’ignorance (avijjā) : ne pas avoir une claire compréhension de la signification des choses telles qu’elles sont, ce qui entraîne la perception illusoire d’un « moi ».

Les troisième et quatrième conditions sont liées de manière évidente : sans sagesse ni compréhension, les attitudes seront guidées par une fausse vision des choses et par des croyances erronées. Ces deux conditions concernent de vastes zones d’influence, notamment le domaine des idées et des actions — politiques, sociales et religieuses —
basées sur le tempérament, l’habitude, la formation et le conditionnement social. Elles sont liées aux deux premières tendances et exercent une influence sur elles, contrôlant ainsi tous les sentiments personnels et le comportement. Elles conditionnent tout, depuis les attirances et les répulsions jusqu’aux techniques et moyens choisis pour satisfaire les désirs. L’ignorance et les opinions sont cachées au plus profond de la conscience et exercent leur influence d’une manière aussi discrète que continue.

Selon les apparences, nous maîtrisons nos actions et nous sommes en mesure de poursuivre nos désirs par notre propre volonté, mais une observation plus poussée nous montrera que c’est une illusion. Si nous nous posions la question : « Que voulons-nous vraiment ?  Pourquoi voulons-nous cela ? Pourquoi agissons-nous comme nous le faisons ? », nous ne trouverions rien qui vienne directement de notre propre volonté. Nous trouverions, par contre, des types de comportement « hérités », acquis à l’école, à travers une éducation religieuse, un conditionnement social, etc. Les actions individuelles sont simplement choisies à l’intérieur des limites de ces critères et, bien qu’il puisse y avoir quelques adaptations, celles-ci sont encore mues par d’autres influences. Tout choix, toute décision prise, fait partie d’un courant de conditions, elles-mêmes influencées par d’autres facteurs. Ce que les gens prennent pour leur soi n’est rien d’autre que la somme de ces influences et de ces tendances. Ces conditions n’ont pas de soi propre. Ce sont des forces puissantes sur lesquelles la plupart des gens n’ont aucun contrôle, de sorte que la probabilité d’une véritable volonté autonome est très mince.

Les quatre tendances mentionnées ci-dessus s’appellent
āsava en pāli. Traduit littéralement, ce mot signifie « ce qui inonde / fait déborder » ou « ce qui pourrit /envenime ». En effet, ces choses enveniment ou empoisonnent l’esprit ; elles l’« inondent » également à chaque fois qu’une sensation est perçue, c’est pourquoi nous les appellerons les « poisons du mental » ou « pollutions ». Quel que soit le vécu, qu’il s’agisse d’un contact sensoriel ou d’une formation mentale, ces poisons s’infiltrent et se répandent partout. Sensations et pensées ne sont plus les fonctions d’un esprit pur mais deviennent le produit de ces poisons qui vont peu à peu inonder tous les états mentaux ultérieurs et finir par engendrer de la souffrance.

Le premier de ces poisons est
kāmāsava, le second bhavāsava, le troisième ditthāsava et le quatrième avijjāsava. Ces poisons se cachent derrière l’attitude de tous les êtres non éveillés. Ils sont à l’origine de l’illusion du « moi » personnel qui est l’ignorance à son niveau le plus fondamental. Dans cette mesure, ils contrôlent et dirigent la pensée et le comportement. C’est le tout premier niveau du cycle des origines conditionnées : l’ignorance est conditionnée par l'opacité mentale. A partir de là, le cycle continue : avec l’ignorance comme facteur déterminant, les formations mentales s’éveillent.

Sous l’influence de ces concepts erronés, la plupart des gens croient qu’ils décident eux-mêmes de leurs actions, alors qu’en réalité ils ne maîtrisent absolument rien : leur conduite est entièrement gouvernée par des intentions dépourvues de conscience réfléchie. En essence, l’ignorance c’est être aveugle aux Trois Caractéristiques telles qu’elles sont présentées dans le principe d’interdépendance et, en particulier, à la dernière,
anattā, le non-soi. Plus précisément, l’ignorance c’est ne pas savoir clairement que les conditions que l’on prend généralement pour personnelles ne sont qu’un flot de phénomènes physiques et mentaux, apparaissant et disparaissant indéfiniment en fonction d’un processus de cause à effet. Ce flot coule en permanence. Nous pourrions définir une « personne », à n’importe quel moment dans le temps, comme la somme totale des sensations, pensées, désirs, habitudes, tendances, opinions, connaissances, croyances, etc., résultant de sa position sociale et de son environnement, ou bien créés à partir de facteurs personnels internes en perpétuel changement. Quand on n’est pas clairement conscient de cette vérité, on s’attache à l’une ou l’autre de ces conditions en les prenant pour « soi » ou « siennes ». S’attacher et s’identifier ainsi aux conditions, c’est se laisser tromper et diriger par elles.

Telle est l’ignorance dont on dit qu’elle « conditionne les formations mentales », à un niveau plus profond que nous ne l’avons dit plus haut. Quant aux autres chaînons jusqu’à
vedanā, les sensations, il est aisé de les comprendre à partir de ces mêmes explications. Nous poursuivrons donc avec une autre section importante : tanhā, la soif du désir qui conditionne l’attachement, upādāna. Il s’agit là encore d’un passage où interviennent les kilesa ou souillures créant l’opacité mentale.

Les trois types de désirs déjà mentionnés sont tous l’expression d’une seule et même « soif » et nous en faisons tous l’expérience au quotidien mais nous ne pouvons le reconnaître clairement que lorsque le fonctionnement du mental est soigneusement analysé. A la racine de l’ignorance, il y a l’ignorance du processus naturel de relations inter-conditionnées, ce qui donne naissance à un sentiment de « moi ». Ceci entraîne un désir très important et fondamental : celui d’exister, de survivre, de protéger et de préserver l’illusion du moi. De plus, vouloir exister est lié à vouloir posséder. On ne désire pas seulement exister mais exister pour consommer des objets qui procureront des sensations agréables. C’est ainsi que l’on peut dire que le désir d’exister est lié à celui d’obtenir, et le désir d’obtenir intensifie le désir d’exister.

Quand le désir s’intensifie, il peut en résulter une série de situations : si l’objet désiré n’est pas obtenu au moment voulu, le
bhava, ou état d’existence, devient intolérable ; la vie paraît difficile et un désir d’annihilation de cette situation indésirable apparaît en même temps que le désir d’obtenir, lequel est basé sur la peur de ne plus pouvoir vivre des sensations agréables — et ceci entraîne à nouveau le désir d’exister. On pourrait aussi ne pas obtenir du tout l’objet désiré ; troisième possibilité : l’obtenir mais en quantité insuffisante ; et quatrième possibilité : l’obtenir mais en désirer un autre aussitôt après. Le processus peut prendre des formes diverses et variées mais le schéma demeure le même : on tend vers une « soif » sans cesse grandissante.

Quand on étudie de près le fonctionnement de l’esprit, on constate que les êtres humains semblent être poussés à rechercher constamment un état plus satisfaisant que celui qui est le leur. Les êtres non éveillés rejettent toujours le moment présent : chaque instant du temps présent est vécu comme un état de stress, une situation insupportable. Le désir de mettre fin à cette situation, de libérer le « moi » du présent pour trouver un état plus satisfaisant, les poussent constamment. Le désir d’obtenir, le désir d’être et le désir de ne pas être sont actifs en permanence au quotidien, à un niveau qui ne permet qu’à peu d’humains d’en être conscients. La vie personnelle devient donc une lutte constante pour échapper à l’état d’être présent et rechercher une satisfaction dans le futur.

Si nous essayons de retrouver l’origine de ce processus, nous voyons que ces désirs remontent à l’ignorance fondamentale des choses telles qu’elles sont réellement — en bref, l’ignorance du principe de l’origine conditionnée et de l’interdépendance. Cette ignorance donne lieu au concept erroné d’un « moi » sous une forme ou une autre : soit on voit les choses comme des entités séparées, figées et éternelles[1], soit comme étant complètement et absolument sujettes à la dissolution[2]. Ces deux concepts erronés sont à la base de la conscience de tous les êtres non éveillés et ce sont eux qui engendrent les trois types de désirs. D’une part, il y a le désir d’exister (bhavatanhā) qui naît de la perception déformée des choses comme étant séparées et éternelles (et donc désirables et valant la peine d’être obtenues). D’autre part, il y a l’erreur de croire que ces entités séparées sont destructibles (de ce fait, elles ne valent pas la peine d’être obtenues et il faut s’en éloigner) — cette vision des choses est à la base du désir d’annihilation (vibhavatanhā).

Ces deux perceptions erronées ouvrent la voie au désir. Si on comprenait que le flot des événements est un processus de causes et d’effets liés entre eux, la croyance en une entité séparée qui dure ou qui disparaît à jamais serait sans fondement. Tout désir est fondé naturellement sur ces deux conceptions de base.

La peur de perdre ce qui est agréable conduit à rechercher toujours plus, et la perception d’une entité séparée conduit à lutter pour nourrir cette entité et la préserver. A un niveau plus élémentaire, le désir s’exprime comme une lutte pour l’obtention d’objets de désir et de situations de vie qui procureront de tels objets, la lassitude envers les objets déjà obtenus, et le désespoir ou l’incapacité à supporter l’absence de nouveaux objets de désir. En conséquence, nous avons des personnes incapables d’être en paix avec elles-mêmes, constamment à l’affût de nouveaux objets de désir, souffrant de mélancolie et de solitude, coupées des autres et malheureuses dans leur lutte pour échapper à un ennui insupportable. Quand les désirs sont contrariés, il y a déception et désespoir.

Pour la plupart des gens, le bonheur et la souffrance dépendent entièrement des conditions extérieures. Le temps libre devient un fléau, aussi bien socialement que personnellement ; il est cause d’ennui, de tristesse et de solitude[3]. Cette insatisfaction fondamentale augmente proportionnellement à l’intensité du désir et de la recherche de satisfaction sensorielle. En fait, quand on y regarde de près, on constate que la cause la plus importante des problèmes sociaux — tels que la consommation de drogue et la délinquance juvénile — est l’incapacité des gens à être en paix avec l’instant présent, et toutes les luttes qui s’ensuivent pour y échapper.

Cependant si on a étudié et pratiqué un enseignement spirituel et si on a développé une vision juste des choses, le désir peut être orienté dans une autre direction : on peut se donner à atteindre des buts à long terme qui nécessiteront une action juste de notre part et, en fin de compte, on aura utilisé le désir pour se libérer du désir.

Le poison qui naît de la soif du désir est l’attachement. Il existe quatre formes d’attachement :

    1.
  Kāmupādāna : L’attachement aux objets des sens. Le désir et l’effort déployé pour rechercher des objets des sens sont tout naturellement suivis par la saisie et l’attachement. Quand un objet de désir est obtenu, le souhait de se complaire encore plus dans ce désir et la peur de perdre l’objet d’une telle gratification vont engendrer de l’attachement. Dans le cas d’une déception ou d’une perte, l’attachement sera basé sur l’aspiration ou la soif du désir. L’attachement devient encore plus fort et engendre davantage d’actions dans la quête de satisfaction car les objets de désir n’apportent aucun sentiment de plénitude. Puisque rien ne peut jamais véritablement appartenir au « moi », l’esprit tente constamment de réaffirmer le sens de la propriété. Ainsi la pensée des êtres non éveillés est sans cesse attachée ou obsédée par un objet de désir ou un autre. Il est très difficile pour un tel esprit d’être libre et détaché.

    2.
  Ditthupādāna : L’attachement aux opinions. Le désir d’être et le désir de ne pas être créent des tendances et des attachements à des opinions, des théories ou des systèmes philosophiques et, en conséquence, à des méthodes, des idées, des croyances et des enseignements. Quand on s’attache à une opinion, on s’y identifie comme si elle faisait partie de soi. Du même coup, si l’on est confronté à une théorie ou à une opinion qui contredit la nôtre, celle-ci est perçue comme une menace personnelle. Le moi doit se battre pour défendre sa position, ce qui engendre toutes sortes de conflits. Ce processus tend à enfermer l’esprit et à le limiter au point d’étouffer la sagesse naturelle. De telles pensées et opinions n’apportent aucune connaissance ; au contraire, elles y font obstruction.

    3.
  Sīlabbatupādāna : L’attachement à des pratiques ou à des rituels. Le désir d’exister et la peur de la dissolution, liés à l’attachement aux opinions, engendrent un suivisme aveugle par rapport à des pratiques telles que la magie ou l’occultisme, dont on croit qu’elles vont nous permettre de réaliser nos désirs. Le désir d’autoprotection et d’expression se manifeste ouvertement comme un attachement aveugle à des comportements, des traditions, des méthodes, des croyances et des institutions, sans qu’il y ait la moindre compréhension de leur véritable valeur ou de leur sens. Cela signifie que suivre ces techniques et ces pratiques mène à l’étroitesse d’esprit et à la confusion, ce qui entrave l’évolution personnelle et empêche d’en tirer le moindre bénéfice authentique.

A ce sujet, le vénérable Buddhadasa, l’un des penseurs bouddhistes contemporains thaïlandais qui ont le plus marqué leur temps, a donné une explication intéressante :

« Suivre une discipline morale ou toute autre forme de pratique spirituelle sans en connaître le but ni réfléchir à son sens, simplement parce que l’on croit qu’une telle pratique est de bon augure et nous rapportera quelque chose, c’est adhérer rigoureusement à des préceptes selon des croyances, des coutumes ou des exemples transmis par les générations précédentes. Au lieu d’approfondir les raisons qui ont donné lieu à ces pratiques, les gens s’y attachent de toutes leurs forces, simplement par tradition. C’est une forme d’attachement (upādāna) très difficile à redresser, contrairement au second type d’attachement — l’attachement aux opinions ou aux idées fausses. Ce type d’attachement se limite aux formes de pratique dans leurs applications extérieures. »

    4.
  Attavādupādāna : l’attachement à l’idée d’un moi. Le sentiment d’un véritable « moi » est l’ignorance à son niveau le plus élémentaire. D’autres facteurs renforcent ce sentiment, comme le langage et la communication, lesquels produisent un attachement à des concepts et une tendance à voir le flot des phénomènes causaux comme des entités fixes. Ce sentiment se transforme en attachement lorsque le désir intervient. Le désir sous-entend implicitement l’attachement à un soi qui obtiendrait l’objet de ce désir. Autant le désir d’exister que celui de ne pas exister dépendent de la perception d’un soi. La peur de l’anéantissement intensifie le désir d’exister et la lutte pour survivre et, en conséquence, le sentiment de soi.
La soif du désir dépend d’un soi puissant et indépendant sous une forme ou une autre. Parfois on peut croire que l’on contrôle les situations et cela renforce l’illusion d’un soi mais, en réalité, ce contrôle n’est que partiel et temporaire. Le soi n’est qu’un facteur parmi de nombreux autres facteurs qui constituent le flot des causes et des effets. Aucune personne n’a le pouvoir de diriger ou de maîtriser complètement les objets d’attachement. Le sentiment de possession ou de maîtrise des choses peut parfois sembler bien fondé mais il ne peut jamais être totalement ou complètement réel, de sorte que l’attachement ne fait que s’intensifier, de même que la lutte pour réaffirmer le sentiment d’un soi.
L’attachement au soi fait qu’il est difficile d’organiser les choses conformément au véritable processus de cause à effet. Quand l’action n’est pas en accord avec ce processus et que les conditions ne correspondent pas aux désirs de la personne, le moi est frustré et confronté à l’impuissance et à un sentiment de perte. L’attachement au soi est la forme d’attachement la plus fondamentale ; c’est également la base de toutes les autres formes d’attachement.

Quand on fait l’expérience d’une sensation agréable, l’attachement apparaît, ce qui entraîne
kāmupādāna, l’attachement aux objets des sens désirés. Ditthupādāna, l’attachement aux opinions, est également présent, se manifestant dans l’attachement à l’idée qu’un certain objet est bon, qu’il faut absolument l’obtenir pour trouver le bonheur, et que seuls les enseignements et les méthodes qui encouragent la recherche et l’obtention de cet objet sont corrects. Sīlabbatupādāna se manifeste comme un attachement aux méthodes et aux techniques considérées comme nécessaires pour atteindre l’objectif. Attavādupādāna correspond ici à l’attachement au moi qui tient à posséder l’objet.

Bref, l’attachement crée la confusion mentale. Les pensées des êtres non éveillés ne s’écoulent pas paisiblement comme elles le pourraient s’ils avaient une vision claire des choses ; elles sont au contraire limitées, déformées et compliquées. La souffrance vient de la croyance en une idée de soi ou de possession. Si les choses étaient réellement soi ou appartenant à soi, nous pourrions les maîtriser par la volonté ; mais force est de constater qu’elles ne suivent que la loi des causes et des conditions. N’étant pas maîtrisables par le désir, elles deviennent des obstacles. Le soi est brimé et floué par les situations. Dès que l’objet d’attachement est mis en cause, le soi l’est aussi. L’étendue de l’attachement — qui correspond à l’influence du soi dans nos actions — et l’étendue du malaise ressenti par le soi, sont directement proportionnelles. Il n’en résulte pas seulement de la souffrance mais une vie vécue sous la pression du désir et de l’attachement au lieu de la sagesse et de l’intelligence.

Après l’attachement, le processus continue avec le devenir (
bhava), la naissance (jāti), le vieillissement et la mort (jarāmarana) ; et, de là, viennent le chagrin, les lamentations etc. comme nous l’avons vu. Toute tentative de trouver une porte de sortie pour échapper à ce cercle vicieux sera conditionnée par des schémas de pensée habituels et dictée par des tendances, des préférences et des opinions. Sans une conscience claire de la véritable nature des choses, le cycle recommencera avec l’ignorance et se poursuivra comme avant.

Bien que l’ignorance puisse apparaître comme une cause première, à l’origine de toutes les autres formes de pollutions mentales, en réalité c’est le désir qui joue le rôle dominant de par sa façon de s’exprimer dans le comportement. C’est pourquoi il est dit, dans les Quatre Nobles Vérités, que la soif du désir est la cause de la souffrance.

Du fait de l’aveuglement et de la confusion engendrés par l’ignorance et la soif du désir, le mauvais kamma a plus de chances de l’emporter sur le bon kamma. Mais quand l’ignorance est tempérée par une vision saine des choses et par la pensée juste, et que le désir est dirigé et entraîné par de nobles buts, le bon kamma a plus de chances de l’emporter sur le mauvais kamma et de donner des résultats bénéfiques. Si le désir est orienté sagement, il devient un outil de valeur pour combattre l’ignorance et les poisons du mental. La première démarche est malsaine, stupide et mauvaise, tandis que la seconde mène à la bonté, l’intelligence et la pureté. Les personnes non éveillées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, souffrent toutes d’une manière ou d’une autre, mais seule la voie de la bonté peut mener à la cessation de la souffrance, à la libération et à la liberté.

 « Ma sœur, un moine qui suit cet Enseignement et cette Discipline entend que tel ou tel moine a réalisé la libération de l’esprit par la sagesse qui est libre de toute pollution. Il se dit alors : ‘Quand pourrai-je à mon tour connaître la libération de l’esprit par la sagesse ?’ Plus tard, ce même moine, en s’appuyant sur ce désir, abandonne tout désir. C’est pour cela que j’ai dit : ‘Ce corps est un corps de désirs. En s’appuyant sur le désir il faut abandonner le désir’. »

S’il faut choisir entre différentes sortes de désirs, choisissons celui qui nous fera avancer vers le bon et le bien. Cependant la voie de la sagesse, qui transcende aussi bien les bons que les mauvais désirs, est la voie idéale vers la pureté, la liberté et le bonheur parfait.

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 [1] Sassataditthi : la vision éternaliste.

 [2] Ucchedaditthi : la vision nihiliste.

 [3] Il est intéressant de noter que ceci devient vraiment apparent quand on essaie d’arrêter ou d’empêcher la recherche habituelle d’objets de désir.